C'est une mesure de bon sens puisqu'il s'agit de passer, au bon moment, les bons relais.
Enfin, il nous faut relancer l'ascenseur social, faire de l'égalité républicaine une réalité et pas simplement une pétition de principe ou un objet de discours.
Les statistiques illustrent le blocage de l'ascenseur social : à dix-huit ans, la proportion d'enfants d'ouvriers ayant arrêté leurs études est six fois plus forte que celle des enfants de cadres supérieurs ; dans les grandes écoles, seuls 5 % des élèves sont des enfants d'ouvriers, quand 62 % sont issus de familles de cadres supérieurs et de professions libérales. Et ne nous posons même pas la question de savoir combien, parmi eux, proviennent de familles issues de l'immigration : c'est un sujet tellement tabou dans notre société que nous ne disposons même pas d'outils statistiques pour l'évaluer ! Je crois cependant avoir lu une étude d'après laquelle seuls 9 % des enfants d'immigrés accéderaient à l'enseignement supérieur, toutes catégories confondues. Ce point demande néanmoins à être vérifié.
L'État doit être le premier acteur d'une politique volontariste, qui n'a rien à voir avec un quelconque favoritisme fondé sur des critères communautaires. Il s'agit simplement de permettre à des jeunes, qui au prix d'un courage et d'une ténacité bien supérieurs à la moyenne, ont pu décrocher des diplômes, d'accéder à des emplois qui soient en relation avec ce mérite. L'idée est donc très simple : il nous faut compenser les handicaps et mettre les jeunes qui ne sont pas avantagés en mesure d'avoir les mêmes chances de réussite que les autres.
Cela n'est pas un slogan dans l'esprit de Nicolas Sarkozy puisque nous avons engagé certaines démarches qui placent le ministère de l'intérieur à l'avant-garde de cette action.
Par exemple, depuis la rentrée de septembre dernier, le programme des cadets de la République permet à 1 000 jeunes, âgés de dix-huit à vingt-cinq ans, de suivre une formation en alternance afin de se préparer aux concours de gardiens de la paix, sans être nécessairement titulaires du baccalauréat.
Nicolas Sarkozy a également souhaité que soient créées, dès cette année, des classes préparatoires intégrées pour aider des jeunes à entrer dans la fonction publique à un haut niveau de responsabilité.
Ces classes préparatoires ont été ouvertes à des candidats ayant subi une véritable sélection, et non une sélection de complaisance. Ils possèdent tous les conditions et les diplômes requis, mais leur situation familiale, sociale ou personnelle ne leur a pas donné toutes les chances nécessaires d'obtenir un métier à la hauteur de leurs qualifications.
C'est ainsi que dix-neuf jeunes gens et jeunes filles sont accueillis et pris en charge depuis le mois de janvier à l'École nationale supérieure des officiers de police de Cannes-Écluse, et treize autres à l'École nationale supérieure de la police nationale de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or.
Dès la rentrée scolaire 2006, l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers et l'École des officiers de la gendarmerie nationale suivront ce mouvement.
Pour terminer, je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que votre assemblée a décidé de créer une mission d'information sur le bilan et les perspectives d'avenir des politiques conduites envers les quartiers en difficulté depuis une quinzaine d'années. Je me réjouis très sincèrement que le Sénat puisse apporter, avec le recul, le sérieux et l'exigence qui caractérisent toujours ses travaux, une contribution déterminante à ce débat. Il me paraît, en effet, absolument nécessaire de réfléchir à ce que doit être, demain, la politique de la ville, de replacer la ville et ses banlieues au coeur de l'aménagement du territoire.
Je vous le dis très sérieusement et avec beaucoup de conviction : cette crise des banlieues sera réelle et durable aussi longtemps que certains quartiers seront aussi enclavés et éloignés des centres-villes qu'ils le sont aujourd'hui.
La crise des banlieues sera réelle et durable si, au lieu de repenser le peuplement des quartiers, nous construisons exactement de la même manière, comme si nous n'avions rien entendu ni rien compris. Nous ne devons donc pas construire le même nombre de logements avec les mêmes habitants et les mêmes difficultés économiques et sociales.
La crise des banlieues sera réelle et durable aussi longtemps que le découpage scolaire ne donnera aux enfants de familles défavorisées comme horizon que celui de leur quartier, comme camarades que des enfants d'autres familles défavorisées, et comme illustration de la vie d'adulte que les difficultés économiques et le chômage.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'autorité républicaine et la générosité sont les axes qui ont guidé le chef de l'État, le Premier ministre, le ministre d'État et l'ensemble du Gouvernement pour répondre à la crise dont les trois semaines de violences des mois d'octobre et de novembre derniers ont été l'expression.
Il est vrai que nous avons fait preuve de la fermeté indispensable à l'égard de ceux qui ne méritent d'autres noms que ceux de délinquants et de voyous. Cette fermeté ne peut cependant se dissocier de la justice et de la générosité à l'égard de ceux qui manifestent la volonté de participer pleinement à la vie économique et sociale de la nation. Tel est le sens de notre action et de notre engagement.