Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'évoquer à mon tour l'importante question des télévisions de proximité, je souhaite remercier M. le rapporteur spécial, Claude Belot, et M. le rapporteur pour avis, Louis de Broissia, qui sont à l'origine de ce débat intéressant et crucial. Celui-ci pourrait être résumé par la question suivante : une télévision locale ou de proximité, pour quoi faire ? La télévision de proximité, me semble-t-il, pose de véritables problèmes, que nous devons tenter de résoudre ensemble.
Tout d'abord, il est nécessaire d'utiliser les technologies de l'information et de la communication pour créer du lien social. La télévision de proximité pourrait utilement éclairer la vie quotidienne des femmes et des hommes qui vivent sur un même territoire. Elle permettrait des échanges culturels et fournirait le plus rapidement possible des informations locales. Elle concurrencerait loyalement France 3 et les chaînes qui ont déjà mis en place des décrochages régionaux, ou qui pourraient le faire demain. En effet, celles-ci ne pourront jamais apporter aux téléspectateurs toutes les satisfactions que les chaînes locales ou de proximité leur procurent, ni répondre à toutes leurs attentes.
Modestement, et sans faire ici un trop long historique, je souhaite apporter mon propre témoignage. En effet, il se trouve que je suis le maire de la commune où s'est implanté le siège de TV8 Mont-Blanc et que j'ai accepté de faire partie du conseil d'administration de cette chaîne depuis quelques années.
Si, aujourd'hui, nous sommes satisfaits de l'équilibre financier auquel TV8 Mont-Blanc est parvenue, nous avons auparavant multiplié les essais et connu des succès, mais aussi des échecs. La chaîne en est à sa troisième génération de responsables. Ce sera la dernière, me semble-t-il, car depuis cinq ans TV8 Mont-Blanc a peu à peu réussi à trouver un équilibre entre, d'une part, ses ressources humaines, ses structures et les moyens qui lui sont alloués et, d'autre part, la confiance des établissements financiers et, bien sûr, du public.
Si en effet les téléspectateurs de TV8 Mont-Blanc sont de plus en plus assidus, c'est parce que la chaîne a su établir avec eux une relation incomparable, qu'exprime parfaitement son slogan d'un style tout savoyard : « C'est vous devant, c'est vous dedans ».
En effet, aux côtés des journalistes et des animateurs de la chaîne, TV8 Mont-Blanc montre des femmes et des hommes, des jeunes et même des enfants, donc toutes les générations, qui participent à la vie sociale de leur région et échangent, presque en direct, sur les problèmes qu'ils rencontrent.
Trois générations se sont donc succédé au sein de TV8 Mont-Blanc. La première était composée de personnalités issues des médias nationaux, qui débarquèrent dans nos montagnes voilà quinze ans environ et furent à l'origine de la chaîne, créée sous le statut de société anonyme. Leur gestion était certes très ambitieuse, mais elle entraînait des dépenses totalement disproportionnées par rapport aux recettes qu'une télévision de proximité pouvait espérer. Je ne m'étendrai pas sur cet échec, ni sur la nécessité d'interrompre bientôt la diffusion.
La chaîne fut relancée grâce au mécénat d'un industriel, qui croyait, sincèrement et en toute objectivité, qu'une télévision de proximité pouvait vivre, à condition d'employer des méthodes de gestion adaptées, même si elles restaient traditionnelles, et de rationaliser l'organisation.
Le résultat ne fut pas un nouvel échec. Toutefois, un jour, l'industriel mécène décida de se retirer, rétribua tous les fournisseurs et les personnels, et laissa la chaîne aux femmes et aux hommes qui l'animaient alors, c'est-à-dire, pour l'essentiel, à des journalistes, à des techniciens et à des personnes qui croyaient que la chaîne avait un avenir. Ceux-ci s'employèrent à faire vivre TV8 Mont-Blanc selon ses recettes, au lieu de multiplier les dépenses, gestion qui conduit à des déficits chroniques, reportés d'une année sur l'autre, et donc rapidement à l'échec, sans compter l'insatisfaction voire le mécontentement des téléspectateurs.
Nous pouvons tirer des enseignements de l'expérience de TV8 Mont-Blanc. Claude Belot a indiqué tout à l'heure que la chaîne gagnait de l'argent. Pour ma part, je serai plus modeste, et affirmerai seulement qu'elle a trouvé son équilibre financier, grâce à quelques points forts que je soulignerai ici.
Tout d'abord, la chaîne, qui émet dans un pays de montagne, au relief très accidenté, a éprouvé des difficultés à diffuser ses programmes ; elle les a surmontées grâce à soixante-dix-sept relais, qui permettent de couvrir toute la population locale.
Ensuite, la chaîne jouit d'un montage juridique mixte, en ce qu'elle est partagée entre une société anonyme et une association qui rassemble les téléspectateurs et tous ceux qui croient en la viabilité de la chaîne.
De surcroît, les collectivités territoriales, c'est-à-dire le conseil régional et le conseil général, ont conclu un partenariat avec TV8 Mont-Blanc. Elles investissent dans des programmes de qualité relatifs à la culture, aux sports de haute montagne, à certains événements comme les jeux Olympiques, ou encore à la vie en montagne. Sur ces sujets, en effet, la chaîne dispose d'une quasi-exclusivité de diffusion, dès lors qu'elle en rend compte avec sérieux. Cette mixité permet de dégager les recettes nécessaires pour faire vivre décemment TV8 Mont-Blanc.
Outre le soutien public, le monde économique s'est mobilisé. Des industriels et des décideurs économiques ont accepté de souscrire au capital de TV8 Mont-Blanc, ce qui est essentiel, car une chaîne de télévision doit disposer d'un apport financier suffisant et recevoir l'appui de plusieurs partenaires, issus en majorité du secteur privé.
Au total, TV8 Mont-Blanc vit aujourd'hui du soutien d'une association, qui utilise les cotisations versées par ses membres, des subventions des collectivités territoriales, des capitaux des milieux économiques locaux - cet appui est d'importance - et enfin des importantes recettes publicitaires qui découlent de la diffusion de ses programmes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les technologies qui permettent de faire vivre une télévision de proximité sont aujourd'hui beaucoup plus accessibles et moins coûteuses que voilà dix ou quinze ans. Le succès des télévisions de proximité dépend donc de trois conditions.
La première, c'est la baisse régulière des coûts d'accès aux équipements et aux technologies.
La deuxième, c'est bien entendu la volonté politique des collectivités territoriales d'informer le public et de faire participer les citoyens à la vie locale. Les collectivités doivent aider les chaînes de proximité, en leur allouant les moyens nécessaires et en respectant le pluralisme de l'information et les différentes sensibilités politiques. Il appartient d'ailleurs aux autorités compétentes de veiller à la répartition équitable des temps d'antenne.
Enfin, et surtout, la réussite des télévisions de proximité et des télévisions locales dépend de l'intérêt que leur portent les populations. Les habitants d'un territoire peuvent se sentir plus ou moins concernés par ces chaînes, par les informations qu'elles délivrent, par le relais qu'elles offrent à l'action publique ou privée.
Avec TV8 Mont-Blanc, me semble-t-il, nous avons montré qu'en conjuguant une volonté politique forte et l'utilisation d'outils techniques adaptés, il était possible de réussir la télévision de proximité. TV8 Mont-Blanc émettra bientôt des informations en continu, en boucle, ce qui permettra à chacun, à toute heure, d'obtenir des renseignements sur les domaines de l'actualité qui l'intéressent.
Pour conclure sur les aspects techniques de la télévision de proximité, il me semble que, de façon générale, la télévision hertzienne, le câble, le satellite, l'ADSL, la TNT ou Internet sont non seulement complémentaires, mais aussi, si nous y regardons de plus près, accessibles. Encore faut-il trouver les moyens de permettre cette complémentarité, en apportant à ce type de médias les compétences techniques nécessaires.
Aujourd'hui, la télévision hertzienne et la télévision par satellite sont complémentaires, car elles permettent de couvrir tout le territoire, y compris les zones de relief. Or, à l'évidence, les chaînes de proximité disposent des recettes suffisantes pour gager les dépenses nécessaires à la mise en oeuvre de ces technologies, à condition qu'elles restent très vigilantes et ne s'aventurent pas à se comparer aux chaînes de télévision nationales, publiques ou privées, dont les problématiques sont très différentes. C'est ainsi, me semble-t-il, que le problème des télévisions de proximité doit être posé.