Intervention de Renaud Donnedieu de Vabres

Réunion du 28 mars 2006 à 16h30
Développement des télévisions de proximité en france — Débat sur un rapport d'information

Renaud Donnedieu de Vabres, ministre :

Sans donc savoir si elle est ouverte ou fermée, je rappelle que la loi du 9 juillet 2004, qui a été le premier texte que j'ai eu à défendre devant la Haute Assemblée, peu après ma prise de fonction, a ainsi précisé les règles d'intervention des collectivités locales qui pourront désormais éditer de tels services.

Les sociétés d'économie mixte locales pourront également répondre aux appels à candidatures lancés par le CSA.

La fiscalité a été adaptée aux particularités des télévisions locales grâce à l'application du taux réduit de TVA aux rémunérations versées par les collectivités territoriales et leurs groupements pour la mise en oeuvre d'un contrat d'objectifs et de moyens correspondant à l'édition d'un service de télévision locale, mais aussi grâce aux exonérations rendues possibles de la taxe alimentant le fonds de soutien à l'expression radiophonique et de la taxe sur les messages de publicité.

Les règles concernant les concentrations ont été assouplies. En effet, il importait de conforter la solidité économique et financière du paysage télévisuel local. Ainsi, l'interdiction de posséder plus de 50 % du capital d'une chaîne locale hertzienne a été levée, les chaînes nationales peuvent prendre des participations dans les chaînes locales - 33 % pour les chaînes dont l'audience moyenne dépasse 2, 5 % - et le plafond de cumul de plusieurs autorisations locales par un même opérateur a été relevé de six à douze millions d'habitants.

Ces mesures, loin d'être destinées à favoriser la concentration, ont pour objet de rendre vivante la possibilité du pluralisme.

Dans ce même esprit, la définition de la zone géographique d'une télévision locale a été élargie à dix millions d'habitants et les obligations en faveur du développement de la production cinématographique et audiovisuelle ont été très assouplies.

J'ajoute qu'aux termes du décret du 7 octobre 2003 l'exclusivité de l'ouverture de la publicité télévisée a été réservée au secteur de la distribution aux chaînes locales et aux chaînes de câble et du satellite du 1er janvier 2004 au 1er janvier 2007, date de son ouverture aux chaînes nationales.

Nous sommes tous préoccupés par les équilibres nécessaires à préserver, selon le principe des vases communicants, pour que la presse quotidienne écrite nationale, régionale et départementale, ne soit pas pénalisée.

L'intégration des chaînes locales dans les plans médias des campagnes gouvernementales a d'ores et déjà été décidée le 9 mars 2005, ce qui répond à certaines de vos préconisations.

J'ajoute que l'avènement et le succès de la télévision numérique terrestre constituent une véritable deuxième chance pour les télévisions locales dans notre pays, compte tenu de l'abaissement important des frais de diffusion que cette technologie permet.

La loi du 9 juillet 2004, que vous avez adoptée, a élargi le droit à la diffusion multisupport - le ministre de la langue française que je suis préfère, comme sans doute la Haute Assemblée, l'emploi de ce néologisme à celui de son équivalent anglais, - à l'ensemble des chaînes locales hertziennes autorisées avant le lancement des appels aux candidatures TNT dans la zone concernée. Cela concernera quinze chaînes locales.

De plus, la participation des chaînes locales numériques au financement du réaménagement des fréquences nécessaire au déploiement de la télévision numérique terrestre a été allégée.

Par ailleurs, j'ai contribué à rendre possible, avec le CSA, la libération d'un canal pour les télévisions locales sur l'un des six multiplexes, en leur permettant de bénéficier d'une fréquence supplémentaire sur le multiplexe R1. Il est évidemment très important que cette place ait été dégagée par France 4.

Enfin, il faudra évaluer, comme les uns et les autres vous l'avez évoqué, la ressource dégagée par l'utilisation de la norme MPEG4 par les chaînes payantes. Cela permettra évidemment un certain nombre de libertés nouvelles. Il faut avoir la franchise de dire qu'elles seront assorties de limites, en raison même de la concurrence qui va s'exercer : une autre forme d'attractivité jouera, non plus la proximité, mais la haute définition, sans compter avec une exigence accrue des téléspectateurs, peut-être des plus jeunes générations, pour la diffusion de la télévision sur les mobiles. Nous aurons des arbitrages redoutables à rendre.

Sur le cas particulier de l'Île-de-France, vous savez que le CSA a lancé une consultation publique et a reçu trente-cinq contributions. Six chaînes pourraient être créées dans cette région. Les fréquences étant une ressource rare, il convient de rechercher celles qui sont les plus appropriées afin que ces diffusions n'obèrent pas d'autres développements.

En effet, le canal libéré sur le multiplexe R1, dans cette région où résident un grand nombre de nos compatriotes originaires d'outre-mer, a été préempté pour la diffusion de France Ô. Le Président de la République a annoncé, le 22 décembre dernier, qu'il souhaitait une attribution de fréquence numérique prioritaire en faveur de cette chaîne qui contribuera positivement à la diversité du paysage audiovisuel régional.

Les ressources numériques hertziennes disponibles sont limitées. Le développement des télévisions locales, que je souhaite tout comme vous, doit aussi tenir compte des besoins de la télévision mobile et de la télévision numérique hertzienne haute définition.

Je sais votre attachement, mesdames, messieurs les sénateurs, au développement et à l'aménagement de nos territoires, mais aussi aux spécificités de chacun d'entre eux. Aussi les autorisations accordées à la région d'Île-de-France par le CSA, autorité administrative indépendante, ne seront-elles pas, bien sûr, assimilables à des autorisations nationales, car elles devront répondre aux préoccupations locales des habitants de Paris et de sa région.

J'ai examiné avec beaucoup d'attention les propositions contenues dans votre rapport, monsieur Belot, et je tiendrai le plus grand compte des éclairages et des éclaircissements qu'apportera notre débat d'aujourd'hui. Je tiens néanmoins à vous faire part, d'ores et déjà, de l'état des réflexions du Gouvernement.

Le relèvement du seuil permettant de définir une télévision locale de 10 à 12 millions d'habitants me paraît trop élevé : il inclurait en effet l'ensemble de l'Île-de-France.

La création d'un fonds de soutien aux télévisions associatives, sur le modèle du Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, le FSER, est une idée originale, mais elle doit être appréciée à la lumière de l'histoire et du modèle propres à ces télévisions associatives, qui sont très différents de ceux des radios associatives. Ainsi, par exemple, la publicité est limitée à 20 % de leurs recettes pour celles-ci, ce qui n'est pas le cas pour celles-là.

En revanche, la piste que vous ouvrez d'une association encore plus importante des collectivités territoriales au développement des télévisions associatives me paraît tout à fait intéressante à explorer. Par ailleurs, il faut la situer dans la perspective de la diffusion par Internet, ce qui peut offrir des espaces renouvelés pour les télévisions associatives.

Je sais les sénateurs, et les membres de la commission des finances en particulier, très attentifs à la mise en oeuvre de la réforme de la redevance qui, si elle a déjà des effets positifs, me paraît encore trop récente pour faire l'objet d'une nouvelle modification tendant à en attribuer une partie aux télévisions locales. Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, comme la commission des affaires culturelles et son président, nous suivons avec beaucoup d'attention le dossier du financement de l'audiovisuel public.

L'idée de labellisation que vous proposez est très intéressante. Je précise toutefois que le CSA tient d'ores et déjà compte de la nature de la programmation des chaînes locales. Je souhaite qu'il fasse preuve d'exigence dans le contrôle qu'il exerce sur la programmation, en termes tant de qualité que de durée.

La France est effectivement en train de rattraper son retard. C'est une avancée extrêmement positive au regard de la diversité culturelle, qui doit se décliner aussi bien à l'extérieur qu'au sein même de nos frontières.

À la diversité de nos territoires doit correspondre celle des offres télévisuelles locales et des réponses à apporter, de la part de l'État, dans le dialogue avec les élus, qui représentent nos concitoyens téléspectateurs.

Les nouvelles technologies, notamment Internet, qui est une ressource encore trop peu utilisée par les télévisions associatives, représentent une chance formidable et une perspective très intéressante pour les télévisions locales.

Je souhaite répondre à une question précise qui m'a été posée et qui illustre la prise en compte de l'évolution des technologies : celle du basculement de l'analogique vers le numérique.

Cette question a déjà fait l'objet d'un débat au Sénat. C'était d'ailleurs mon premier débat parlementaire en tant que ministre de la culture et de la communication.

Ce basculement doit avoir lieu dans cinq ans. Il s'agit de s'y préparer en arrêtant les modalités progressives d'extinction de l'analogique, région par région, ce qui nous permettra d'entrer sans attendre, mais progressivement, dans l'ère du numérique, dès que le constat de l'effectivité de la réception dans ce nouveau mode de diffusion sera fait. Cela correspond exactement à la logique du débat que nous avions eu au sein de la Haute Assemblée.

En déterminant une zone pilote d'extinction de l'analogique d'ici à la fin de l'année 2006, nous pourrons entrer de manière rapide dans ce processus de basculement. Cela implique l'accélération de la couverture numérique hertzienne terrestre, soit par l'extinction des émetteurs les plus coûteux, soit par l'organisation de la diffusion satellitaire. Je pense que nous allons retenir cette dernière solution.

Je vous rappelle que vous avez créé le Fonds d'accompagnement du numérique, le FAN, afin d'équiper les foyers en adaptateurs TNT, dans les zones où se posent un certain nombre de difficultés spécifiques.

Je me félicite enfin de l'attitude de la presse quotidienne régionale, qui est passée de la défensive à l'offensive et qui est aujourd'hui activement associée au développement de plusieurs télévisions locales. C'est incontestablement une source de développement et de dynamisme au service non seulement de l'économie et de l'image de nos territoires, mais aussi de leur cohésion, de leurs projets et de leur attractivité.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je tenais à ajouter à vos interventions, dont je veux souligner la qualité et l'intérêt.

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