Intervention de Ivan Renar

Réunion du 28 mars 2006 à 22h15
Etablissements publics de coopération culturelle — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de Ivan RenarIvan Renar, rapporteur de la commission des affaires culturelles :

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je me réjouis que nous arrivions aujourd'hui à l'aboutissement des travaux de suivi de l'application de la loi du 4 janvier 2002 que vous m'avez confiés.

Je rappelle que cette loi avait été adoptée sur une initiative parlementaire de votre rapporteur. Elle instaure un cadre juridique nouveau dans le domaine culturel. Il est aujourd'hui évident que l'établissement public de coopération culturelle, l'EPCC, occupe une place très utile en venant compléter la « boîte à outils » des instruments juridiques à la disposition des acteurs de la culture.

La loi de 2002 était très attendue, à la fois par les professionnels du secteur, par les élus et par le ministère de la culture, tous confrontés aux difficultés ou risques inhérents aux structures juridiques existantes. Je pense en particulier à l'association, très fragile, ou à la régie directe, mais aussi au syndicat mixte ou au groupement d'intérêt économique.

Je précise que cette nouvelle structure juridique permet d'organiser, dans le cadre de la décentralisation et de la logique du cofinancement, le partenariat entre l'État et les collectivités territoriales ou entre ces dernières seules, si elles le souhaitent, pour la gestion d'équipements culturels structurants.

Je me permets d'insister sur le côté « partenariat » de cette loi, qui ne s'applique pas de façon obligatoire : c'est un choix de gestion décidé par l'ensemble des partenaires.

Répondant à un besoin avéré, la formule de l'EPCC a donc du succès. Il en existe d'ores et déjà au moins une trentaine, créés ou en cours de création, et il ne se passe pas un mois, voire une semaine, sans que mes interlocuteurs évoquent tel ou tel nouveau projet d'établissement.

Le dispositif semble répondre de façon satisfaisante aux trois préoccupations principales qui avaient inspiré la loi de 2002 : premièrement, offrir un cadre d'organisation adapté aux spécificités des services culturels et garantissant une certaine stabilité et pérennité ; deuxièmement, fournir un cadre de gestion associant souplesse de fonctionnement et rigueur de gestion ; troisièmement, permettre un partenariat équilibré, sur la base du volontariat entre les collectivités publiques membres de l'EPCC.

Compte tenu cependant de certaines difficultés d'application, j'ai proposé à la commission des affaires culturelles de mener un travail de suivi de l'application de cette loi, et je remercie vivement son président et ses membres de m'avoir confié cette tâche. Il me paraît très utile de développer ce type de démarche parlementaire qui consiste à allier l'initiative législative et le contrôle.

Ces travaux nous ont conduits à organiser une soixantaine d'auditions ainsi qu'une table ronde assortie d'un bilan d'étape. Puis la commission a bien voulu adopter le rapport d'information que je lui ai présenté à la fin du mois de décembre dernier, rapport qui dresse en quelque sorte le bilan des atouts, mais aussi des difficultés d'application concrètes des textes régissant l'EPCC.

Ce rapport avance surtout les réflexions qui ont inspiré la proposition de loi qu'il vous est aujourd'hui proposé d'adopter, mes chers collègues.

Depuis lors, nous avons poursuivi une concertation approfondie, tant au sein de notre commission qu'avec le ministère, les élus et les professionnels concernés.

Nous avons, je crois, fait preuve de persévérance et d'esprit constructif, ce qui m'a permis de proposer à mes collègues membres de la commission des affaires culturelles de cosigner cette proposition de loi. Aujourd'hui, je me réjouis qu'ils aient été si nombreux à s'associer à cette démarche, et je les en remercie. Il est en effet rare, voire exceptionnel, qu'un texte soit signé par des membres de l'ensemble des groupes politiques composant notre assemblée.

Nous avons encore amélioré ce texte en commission la semaine dernière. Nous avons tenté de conjuguer deux objectifs : en premier lieu, apporter davantage de souplesse de fonctionnement aux partenaires souhaitant coopérer au sein d'un EPCC ; en second lieu, préciser le statut du directeur d'établissement afin de favoriser la confiance entre professionnels et élus, et d'encourager les uns et les autres à adopter le statut d'EPCC.

Je vais maintenant vous présenter rapidement les avancées qu'apporte ce texte qui vient préciser et compléter la loi de 2002, texte dont les six articles concernent essentiellement la composition du conseil d'administration et le statut du directeur.

L'article 1er du texte adopté par la commission prévoit qu'un établissement public national pourra désormais participer à la création d'un EPCC. Il serait en effet très utile que le musée du Louvre ou le Centre Beaubourg, par exemple, puissent jouer un tel rôle, le Louvre à Lens et le Centre Pompidou à Metz.

Par ailleurs, cet article prévoit explicitement qu'un EPCC pourra non seulement gérer, mais aussi créer un service public culturel et assurer la maîtrise d'ouvrage de l'investissement concerné, car il semble qu'il existe aujourd'hui une ambiguïté à ce sujet. En effet, pour certains de mes interlocuteurs, la référence à la gestion d'un service public culturel exclurait la création d'un tel service et la maîtrise d'ouvrage de l'investissement afférent dans le cadre du statut de l'EPCC.

Les actuels EPCC ayant été créés par transfert de l'activité d'une structure culturelle existante, il n'existe pas encore de création ex nihilo.

Nous proposons, par conséquent, de lever cette ambiguïté.

À l'article 2, la commission propose que l'autorité administrative compétente pour décider formellement la création d'un EPCC puisse être soit le préfet de région, soit le préfet de département. En effet, la première hypothèse paraît plus adéquate lorsque l'établissement dépasse le niveau départemental et/ou relève d'un intérêt national.

L'article 3 de la proposition de loi prévoit quant à lui de modifier la composition du conseil d'administration de l'EPCC sur plusieurs points importants.

Il s'agit tout d'abord de conforter la place de l'État, dans le respect de l'esprit de partenariat qui doit prévaloir au sein du conseil d'administration, en supprimant la règle actuelle qui impose à l'État une participation minoritaire, quand bien même il serait le financeur majoritaire de l'établissement. Il s'agit non pas d'instaurer une proportionnalité entre participation au conseil et financement, mais de permettre aux partenaires de fixer eux-mêmes la répartition des sièges, de la façon la plus pertinente et avec pragmatisme, selon les cas de figure ou les situations particulières.

Je tiens à insister sur ce point. L'EPCC est, et doit être, un outil de partenariat et non un lieu d'enjeu de pouvoir. Il convient de conjuguer le principe de libre administration des collectivités territoriales et le souhait, partagé par les membres de la commission, d'une présence de l'État, indépendamment même de son éventuelle participation financière. L'État est en effet le garant de la stabilité et de la continuité de l'action publique, de l'égalité entre les territoires, dans le respect de l'intérêt général.

Par ailleurs, l'article 3 laisse au maire de la commune siège de l'établissement la possibilité de choisir s'il souhaite ou non être membre du conseil d'administration, dans le cas où la ville n'est pas partenaire et n'intervient pas dans le financement.

Il est apparu en outre utile de permettre à des établissements publics nationaux ou à des fondations de participer au conseil d'administration d'un EPCC. Désormais, les entreprises pourraient donc participer au financement de la politique culturelle par le biais d'une structure relevant du mécénat.

L'article 3 précise enfin les modalités de l'élection des représentants du personnel au sein du conseil d'administration, avec l'organisation d'une élection spécifique. Il convient en effet d'éviter la confusion des missions respectives des représentants du personnel au sein d'un conseil d'administration et des délégués du personnel.

L'article 4 a plusieurs objets : clarifier le mode de recrutement du directeur et sécuriser son parcours au moment du transfert d'une structure existante vers un EPCC ; mettre en adéquation la durée du mandat et celle du contrat du directeur ; encourager la création d'EPCC dans l'ensemble des secteurs de la culture ; renforcer le cadre législatif consacré aux enseignements artistiques.

Je veux préciser ces différents points.

Lorsqu'un conseil d'administration souhaitera changer de directeur au cours de l'existence normale de l'EPCC, il devra désormais établir un cahier des charges sur le fondement duquel les candidats répondant à l'appel à candidatures formuleront leurs projets d'orientations artistiques, culturelles pédagogiques ou scientifiques.

C'est au vu de ces projets que le conseil d'administration proposera au président du conseil le candidat de son choix, en vue de sa nomination.

Le directeur d'un EPCC, qu'il soit industriel et commercial ou administratif, se verra confier un mandat. Cette notion de mandat sera donc généralisée à l'ensemble des EPCC.

La durée de ce mandat sera de trois à cinq ans. En effet, au moins pour un premier mandat, une durée de cinq ans s'avère pertinente, en particulier dans le domaine du spectacle vivant.

Le directeur bénéficiera d'un contrat à durée déterminée pour une période égale à celle de son mandat. Au terme de ce dernier, le directeur présentera un nouveau projet, qui sera examiné par le conseil d'administration. En cas d'approbation de ce projet par le conseil, le mandat du directeur sera renouvelé et son contrat fera l'objet d'une reconduction expresse d'une durée équivalente à celle de son mandat.

Par ailleurs, je vous rappelle que, le décret devant définir les conditions de statut ou de diplôme dont doivent relever les directeurs d'un EPCC dans les domaines de l'enseignement artistique, de l'art contemporain, des musées, du patrimoine, des bibliothèques ou de l'inventaire n'ayant toujours pas été publié, presque aucun EPCC n'a pu être créé dans ces secteurs essentiels de la culture.

Afin de sortir de cette impasse, la proposition de loi prévoit un dispositif moins contraignant. Un simple arrêté des ministres chargés de la culture et des collectivités territoriales fixera une liste plus réduite des établissements concernés. En outre, un dispositif de reconnaissance de l'expérience professionnelle est prévu.

Par ailleurs, le directeur d'un EPCC dispensant un enseignement supérieur relevant du ministère chargé de la culture sera chargé de délivrer les diplômes nationaux que cet établissement a été habilité à délivrer.

Nous avons enfin souhaité consolider et institutionnaliser les réseaux d'écoles supérieures d'arts plastiques, la concertation interministérielle sur ces points ayant abouti très récemment.

Il s'agit de consacrer le caractère « supérieur » des formations dispensées par les établissements d'enseignement d'arts plastiques et de reconnaître les diplômes nationaux et les diplômes d'école sanctionnant ces études. Cette consécration devrait permettre de faire aboutir l'important dossier de la reconnaissance du grade de licence et de master des diplômes concernés.

Cette disposition s'inscrit naturellement dans la logique de la mesure précédente, qui permet la délivrance des diplômes nationaux par l'EPCC. En effet, les écoles d'art concernées relèvent, pour la plupart d'entre elles, du statut de la régie municipale, et il est probable que nombre d'entre elles adopteront le statut d'EPCC dans les années à venir.

Je passe sur l'article 5, qui est un article de coordination, pour évoquer l'article 6, qui concerne les dispositions transitoires réglant le moment spécifique du transfert de l'activité d'une structure culturelle existante vers un EPCC.

Il est proposé dans ce cas d'assurer autant que possible une transition « en douceur » en prévoyant le maintien du directeur dans ses fonctions au sein du nouvel établissement pendant une période limitée dans le temps : trois ans au maximum.

Une telle disposition - qui ne s'applique naturellement qu'en cas de transfert de l'activité d'une structure unique - est de nature à permettre à la fois la mise en place sereine de la nouvelle structure et de combler une lacune de la loi de 2002 relative au statut du directeur.

Dans le cas où plusieurs activités seraient reprises, les lois en vigueur s'appliqueraient alors - code du travail, loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, statut de la fonction publique -, sachant que le paragraphe II de l'article 6 de la proposition de loi vise, quant à lui, le cas des agents contractuels de droit public.

Au-delà de ce dernier cas, la loi sur les EPCC ne nous semble pas devoir revenir sur les dispositions du droit en vigueur. Bien entendu, dans l'hypothèse du regroupement de plusieurs structures au sein d'un EPCC, l'emploi de directeur d'établissement ne pouvant être occupé que par une personne, l'établissement devra alors soit proposer aux anciens directeurs un contrat sur un autre emploi, donc à des conditions différentes, soit procéder à leur licenciement s'il s'agit de contractuels, de droit privé ou de droit public, ou à la suppression de leur emploi s'ils sont fonctionnaires.

En tout état de cause, c'est le projet culturel ou artistique formé par les partenaires pour l'établissement qui doit les guider dans leurs choix stratégiques.

Je suis convaincu de l'utilité de cette nouvelle catégorie d'établissement public pour l'avenir et le dynamisme du secteur culturel dans notre pays, à condition que chacun puisse l'appréhender dans un esprit constructif. Certains de mes interlocuteurs se sont inquiétés de la tentation d'interventionnisme de certaines collectivités territoriales, craignant qu'elles ne soient tentées d'adopter la structure de l'EPCC pour des enjeux de pouvoir.

Si ce risque d'ingérence existe, il convient de le relativiser et de ne jeter l'anathème ni sur l'outil juridique de l'EPCC ni sur les élus. Nous savons en effet que ce risque existe également, et parfois davantage, dans le cadre d'autres statuts juridiques.

Nous sommes par ailleurs bien placés pour demander que l'on fasse confiance aux élus, à leur bon sens et à leur souci de l'intérêt général, et que chacun fasse preuve de pédagogie, afin qu'élus et professionnels de la culture puissent développer des relations de confiance. C'est d'ailleurs ce à quoi s'attache la commission des affaires culturelles.

Je souhaite réaffirmer que mon approche de l'EPCC est et a toujours été guidée par l'affirmation de la liberté de création des artistes, comme du droit des citoyens à rencontrer les oeuvres. Autrement dit, l'EPCC est un outil pour mieux servir l'art et la culture, et non pour s'en servir. Faire plus et mieux de culture.

Je conclurai en formant le voeu que cette proposition de loi facilite la mise en oeuvre de nombreux projets d'EPCC en cours. Je suis moi-même impressionné par l'impatience, tant des élus que des professionnels du secteur, à voir cette proposition de loi adoptée et tout l'intérêt qu'ils accordent à nos travaux.

C'est pourquoi je souhaite que l'Assemblée nationale se saisisse à son tour rapidement de cet important sujet. Il me paraît essentiel que l'ensemble du processus législatif puisse aboutir à son terme d'ici à l'été prochain.

En attendant, je remercie tous ceux qui ont concouru au résultat : les collaborateurs de la commission des affaires culturelles, ceux des ministres et, naturellement, vous, mes chers collègues. Pour l'heure, la meilleure façon de dire, c'est désormais de faire.

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