Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'EPCC est un outil juridique nouveau et il me semble de bonne méthode, y compris dans le domaine législatif, de se donner le temps de l'évaluation. Aussi, je souhaite dire ma satisfaction qu'une loi et ses textes d'application aient fait l'objet, à peine un peu plus de deux ans après leur promulgation, d'une forme d'audit constructif, sur l'initiative de leur instigateur.
Ainsi, au regard des expériences qui ont été menées, les professionnels et les élus qui ont fait le baptême du feu de ce nouvel outil juridique au service des arts et de la culture ont toutes et tous été consultés en vue de mettre en lumière les bienfaits comme les imperfections de la loi du 4 janvier 2002 relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle.
Car il s'agit bien de confronter l'EPCC à l'épreuve de la vie culturelle et artistique comme à la sagacité de toutes celles et de tous ceux qui contribuent à la vitalité culturelle et artistique de notre pays, ou quand le législateur manifeste la volonté de confronter « la loi à l'épreuve des faits », comme l'indique Ivan Renar dans le titre de son rapport d'information : la concertation a constamment été recherchée, comme garante de la qualité de l'expertise menée et comme moyen de trouver ensemble des solutions satisfaisantes aux difficultés repérées.
Même si la création de l'EPCC a suscité bien des interrogations, en raison notamment de son caractère innovant, parfois aussi un certain scepticisme de la part de quelques professionnels, en particulier du spectacle vivant, force est de constater qu'il a depuis lors démontré toute sa pertinence et qu'il répond à un réel besoin : il est aujourd'hui reconnu comme un véritable instrument juridique qui vient combler une carence dans la gestion spécifique des activités artistiques et culturelles.
Loin de concurrencer les autres outils juridiques, l'EPCC, perçu comme une nouvelle alternative fiable, favorisant le partenariat entre collectivités et apportant de meilleures garanties de pérennité aux projets et aux établissements culturels et artistiques concernés, les complète et constitue une option supplémentaire quand le choix par défaut d'une structure juridique prévalait parfois avant sa naissance. Cette nouvelle formule rencontre donc un succès, comme en attestent la création de nombreux EPCC et les multiples projets en cours.
L'implication forte et ambitieuse des collectivités locales dans les politiques culturelles n'est plus à démontrer. À cet égard, si l'EPCC est un instrument juridique, il est aussi le symbole d'une décentralisation culturelle et artistique dynamique et féconde, qu'il contribue à mieux inscrire dans la vie.
Pour autant, ce constat positif ne doit pas masquer les difficultés qui ont pu être repérées et soulignées par M. le rapporteur. Il revient maintenant à la représentation nationale de les corriger. La proposition de loi qui nous est soumise apporte, me semble-t-il, des réponses équilibrées aux deux principaux problèmes qui ont été identifiés : l'implication de l'État et le statut du directeur.
Les nouveaux articles proposés confortent la place de l'État en assouplissant la composition du conseil d'administration. Les élus comme les professionnels de la culture sont très attachés au partenariat avec l'État et à une politique décentralisée de dimension nationale.
Outre les indispensables financements que l'État apporte, celui-ci est aussi garant de la liberté de création sans laquelle il n'est pas de projet culturel et artistique digne de ce nom.
Les nouveaux articles clarifient également le statut et le contrat du directeur en s'appuyant notamment sur le projet culturel et artistique.
En cette période où la précarité et la flexibilité angoissent un nombre croissant de nos concitoyens et une immense partie de notre jeunesse, comme en témoigne la puissante mobilisation de ce jour contre le CPE, quoi que vous en disiez, messieurs les ministres, les professionnels de la culture et leurs représentants ont, eux aussi, manifesté leurs craintes quant à la fragilité du statut de directeur.
Prenant en compte de malheureux précédents, Ivan Renar n'a jamais manqué de déplorer que le passage à l'EPCC puisse être l'occasion de régler des comptes en « virant » le directeur, par exemple.
Même si aucun statut juridique ne peut prémunir contre ce type d'interventionnisme, l'article 4 apporte de nouvelles garanties aux directeurs en clarifiant les procédures de recrutement, mais aussi en faisant correspondre la durée du mandat du directeur à celle de son contrat.
Le rapporteur, Ivan Renar, n'a eu de cesse non seulement de prévoir, mais aussi de promouvoir la totale autonomie et liberté d'action des directeurs, garants de la qualité et de l'exigence des projets artistiques, culturels, pédagogiques ou scientifiques.
Pour autant, malgré toute son utilité, l'EPCC n'est pas la panacée et il ne peut empêcher les dérives, toujours possibles, y compris dans le cadre d'autres structurations juridiques. C'est pourquoi je souscris complètement à la volonté du rapporteur d'adjoindre à la loi sur l'EPCC un vade-mecum à l'usage des élus, des professionnels et des administrations, afin de lever les ambiguïtés et de prévenir d'éventuelles ingérences.
Mais, à mon sens, rien ne remplacera jamais la concertation, la recherche du dialogue permanent entre les professionnels et les élus, préalable nécessaire à l'instauration d'une relation de confiance, dans le respect des fonctions, des missions et des compétences de chacun. Élus et professionnels ont tout à gagner d'un véritable travail d'équipe où chacun joue son rôle.
Je partage néanmoins l'inquiétude persistante de certains professionnels quant à la frilosité de l'État.
Déjà, à l'époque, Ivan Renar avait envisagé la loi créant ce nouvel outil dans la perspective plus vaste d'une loi d'orientation sur la culture visant à sécuriser qualitativement et quantitativement les projets culturels et artistiques afin de les pérenniser, mais aussi de les développer.
Aujourd'hui, on le constate, cette loi d'orientation sur la culture fait toujours défaut et le budget du ministère de la culture et de la communication souffre de l'arbitraire des coupes et gels budgétaires, pour ne rien dire des désengagements de l'État, qui s'apparentent à un véritable délestage de compétences, sans affectation des moyens correspondants.
Pourtant, en matière culturelle, décentralisation n'a pas toujours rimé avec désengagement. La décentralisation culturelle a même été un levier formidable de développement et de démocratisation culturels avec la mise en place, sur l'ensemble du territoire, d'un réseau d'équipements culturels de niveau national au plus près des populations. Cela a été possible grâce aux initiatives foisonnantes des collectivités locales et aux nouvelles formes de contractualisation avec l'État.
L'EPCC est d'ailleurs la résultante de ce mouvement de décentralisation où il s'agit de collaborer « plus » et « mieux » au service de politiques culturelles ambitieuses et exigeantes.
Si les collectivités se sont engagées résolument en faveur de l'art et de la culture pour toutes et tous, elles n'en réclament pas moins un solide et véritable accompagnement de l'État, qui reste, à leurs yeux, un partenaire indispensable.
Alors que le mouvement des intermittents du spectacle vivant a mis en lumière le poids déterminant de l'art et de la culture dans la bonne santé de l'économie de notre pays, comment ne pas être inquiet devant l'attitude d'un gouvernement qui, tout en se disant soucieux de l'emploi culturel, semble être impuissant à régler la question cruciale du régime des intermittents comme à retrouver l'inspiration d'une politique publique nationale offensive ?
L'EPCC se définit comme un outil de la décentralisation culturelle, qui, loin d'être achevée, a au contraire besoin d'être approfondie pour mieux répondre aux attentes, aux défis d'une démocratisation culturelle qui se doit de trouver un nouveau souffle. En ce sens, je partage le voeu d'Ivan Renar qu'après l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale les décrets d'application soient publiés le plus rapidement possible.