Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 2 décembre 2004 à 12h00
Loi de finances pour 2005 — Sécurité

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, hors collectivités territoriales, progresse de 4, 3 % à périmètre identique en 2005, contre 1, 8 % pour le budget général. Alors même que le nombre total des créations d'emplois incluses dans le projet de loi de finances pour 2005 est, pour l'ensemble des services de l'Etat, de 3 023, 1 000 emplois nouveaux sont prévus dans la police nationale.

Les crédits pour la sécurité s'inscrivent pleinement dans la logique de la troisième année d'application de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002, la LOPSI, pour laquelle ils sont une priorité.

A cet égard, les ministères « favorisés », ou considérés comme tels, en allocation de moyens, loin d'être exemptés d'une politique rigoureuse, se doivent de faire preuve d'une gestion exemplaire, dans la philosophie de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.

Tel est l'esprit dans lequel j'ai examiné le présent budget.

Sur l'exercice de l'année 2003, le contrôleur financier a relevé la sous-estimation récurrente des crédits pour les dépenses de justice, comprenant notamment l'indemnisation par l'Etat de son refus de concours de la force publique, en particulier pour les expulsions locatives. Il est patent que certaines personnes font appel à la force publique, sachant que son concours sera refusé, puis présentent ensuite la facture à l'Etat. D'une certaine manière, ils en font une ressource. Le taux de consommation de ces crédits s'élève à 153 % en 2003. Certes, il n'est pas facile d'évaluer les sommes nécessaires dans ce domaine, mais la surconsommation régulière de ces crédits plaide pour un réajustement. Cela est nécessaire pour la transparence, mais aussi parce que ces crédits, évaluatifs aujourd'hui, deviendront, avec la LOLF, limitatifs dès l'exercice de l'année 2006.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour juguler cette dérive préoccupante ?

Le budget pour 2005 a comme priorité principale la poursuite de la mise en oeuvre de la loi de programmation. Au total, 68 % des crédits prévus par la LOPSI auront été engagés après trois exercices sur cinq. Pour l'investissement, le taux d'engagement s'établit à 58 %.

Monsieur le ministre, estimez-vous que la LOPSI sera effectivement exécutée à 100 % en 2007 ?

L'année 2005 sera marquée par l'avancée du projet de numérisation des actes des collectivités territoriales, destiné à permettre la dématérialisation des échanges entre celles-ci et les préfectures. Elle sera aussi marquée par la poursuite de la mise en place de la carte d'identité électronique, qui servira ensuite de support à l'établissement d'autres titres comme le passeport, le permis de conduite et le titre de séjour. Tout cela va dans le sens de la rationalisation et de la simplification.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire un point précis sur l'état d'avancement de ces deux projets ?

Les crédits consacrés à la sécurité civile connaissent une progression de 20 %, due en particulier à la mise en service généralisée du nouvel hélicoptère EC 145, pour lequel il sera procédé à l'achat d'équipements complémentaires. Les crédits pour 2005 financeront aussi l'acquisition de deux bombardiers lourds Dash 8. Il s'agit d'opérations onéreuses, justifiées par l'ancienneté et la vétusté de la majeure partie de la flotte de sécurité civile.

Par ailleurs, le programme de modernisation des centres de déminage, destiné à compenser d'importants retards accumulés au fil des années, sera poursuivi. Je voudrais souligner que les services de déminage travaillent souvent dans des conditions périlleuses.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire un point précis sur l'état d'avancement du programme de modernisation des centres de déminage ?

Il n'est pas possible de traiter de la police nationale sans évoquer l'évolution des chiffres de la délinquance, dont vous trouverez le détail dans mon rapport écrit.

La baisse de ces chiffres se confirme puisque la délinquance s'est réduite de 3, 74 % au premier semestre de l'année 2004 par rapport au premier semestre de l'année 2003. Il s'agit de chiffres globaux et la baisse n'est malheureusement pas linéaire.

Par souci de transparence, j'ai tenu à faire état dans mon rapport, auquel je vous renvoie pour plus de précisions, de l'évolution de la délinquance, année par année depuis 1999, globalement et par type d'infraction.

L'évolution de la délinquance au cours du premier semestre de l'année 2004 est hétérogène : les vols ont baissé de près de 6 % et les infractions économiques et financières de 6, 5 %. Les infractions à la législation sur les stupéfiants progressent de 14, 7 %, tandis que la délinquance de voie publique enregistre une baisse de 8, 5 %.

Les délits concernant la police des étrangers ont connu un véritable bond avec une progression de 12 % au premier semestre de l'année 2004 par rapport au premier semestre de l'année 2003.

Monsieur le ministre, quelles explications donnez-vous à ces diverses évolutions ?

Ces chiffres démontrent que, malgré les signes globalement encourageants, la lutte contre l'insécurité n'est pas une opération terminée. Elle doit demeurer prioritaire, ce qui justifie les orientations prises dans le budget pour 2005. Il existe encore en France des zones où, hélas ! les citoyens éprouvent des inquiétudes permanentes pour leur sécurité.

Monsieur le ministre, à quelle échéance peut-on espérer que seront éradiquées les zones de non-droit ?

Dans le cadre de la préparation de ce rapport, j'ai tenu à entendre les représentants des fonctionnaires de police, notamment sur la prime au mérite, dont le principe s'inscrit dans la logique de la LOLF. Les policiers souhaiteraient que les conditions de versement de cette prime soient, dans les faits, plus transparentes et qu'elles soient ressenties comme la récompense directe de l'effort accompli. Telle est la condition du succès de la prime au mérite, qui ne doit pas devenir une source de division au sein des unités.

Monsieur le ministre, avez-vous perçu ces aspirations et comment entendez-vous y répondre concrètement ?

Certes, 84 % des fonctionnaires de police auront accès au réseau ACROPOL, ce qui constitue un véritable progrès, mais l'objectif aurait dû être, dès le départ, la constitution d'un réseau unique pour l'ensemble des forces de sécurité : police, gendarmerie, sapeurs-pompiers.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire un point sur les perspectives de réseau commun à l'ensemble des forces de sécurité ?

Le Gouvernement nous a consultés au début de cette année sur la nouvelle nomenclature budgétaire, avec ses missions, programmes et actions. Cette consultation n'a pas été vaine, puisque le Parlement s'est utilement exprimé, même si tous nos voeux n'ont pas été entendus. Pour ce qui est du périmètre de ce rapport, je soulignerai la création d'une mission interministérielle « Sécurité », regroupant police et gendarmerie, comme la commission des finances l'avait demandée, alors que le schéma initial présenté en janvier dernier séparait curieusement en deux missions les forces concourant à un même objectif de sécurité publique.

Puisque le Gouvernement nous consulte maintenant sur les objectifs et indicateurs de performance, destinés à évaluer l'efficacité des moyens prévus par le projet de loi de finances pour 2005, j'ai souhaité faire une première analyse des indicateurs proposés pour les trois missions figurant dans le périmètre de mon rapport spécial : administration générale et territoriale de l'Etat, sécurité civile, et sécurité.

Je souligne l'importance du travail, puisque les indicateurs seront destinés à mesurer le degré de réussite des politiques exprimées par les missions.

L'existence d'indicateurs distincts pour la police et pour la gendarmerie me paraît moins satisfaisante, alors même qu'il s'agit d'évaluer une même mission de sécurité publique. Certes, certaines caractéristiques particulières à leurs zones respectives de compétences pourraient justifier quelques critères différents.

Monsieur le ministre, pourquoi ces indicateurs sont-ils différents et comment pourrons-nous, dans ces conditions, évaluer globalement la politique de sécurité ?

Par ailleurs, j'émets quelques doutes sur la valeur et l'objectivité de l'auto-évaluation de l'administration, généralement appelée à fournir ses propres chiffres, sans contrôle externe sur leur pertinence et leur valeur.

Monsieur le ministre, envisagez-vous l'institution d'un contrôle externe sur ces chiffres, et selon quelles modalités ?

Je crains que l'élaboration, puis l'alimentation régulière de ces indicateurs, qui risquent de générer des études et des rapports supplémentaires, ne manquent de simplicité et ne conduisent à créer de nouveaux emplois publics.

Monsieur le ministre, ne courons-nous pas le risque d'un système trop complexe et illisible ?

Pour autant, je souhaite rester positif et me félicite du dialogue ouvert par le Gouvernement, tout en espérant que celui-ci nous permettra une meilleure finalisation pour le prochain projet de budget.

Je souhaite enfin revenir un instant sur un point traité dans le rapport que j'ai rédigé l'an dernier sur les systèmes d'information de la police et de la gendarmerie. Il s'agit de la répartition des charges de garde et de transfert de détenus, entre policiers, gendarmes et personnels de l'administration pénitentiaire dans un souci de sécurité et de bonne gestion des coûts.

J'ai noté avec satisfaction que la loi Perben II avait élargi les possibilités de recours à la visioconférence pour éviter les transferts de détenus. Les premières expériences engagées dans cette direction sont encourageantes.

Les expérimentations destinées à concentrer l'ensemble des hospitalisations de détenus au sein d'unités hospitalières de soins interrégionaux, les UHSI, entreprises depuis cette année à Nancy et à Lille, sont de nature à simplifier les conditions de leur transfert et de leur garde et à améliorer la sécurité.

Ces évolutions et perspectives, pour intéressantes qu'elles soient, n'empêchent pas la persistance du malaise entre police, gendarmerie et personnel pénitentiaire à cause d'une répartition peu claire et peu satisfaisante des compétences. C'est ainsi que les deux tiers des charges d'escortes et de garde sont toujours assurés par la police nationale.

Malheureusement, des divergences persistantes entre les ministères de l'intérieur et de la justice ont conduit le Premier ministre non seulement à surseoir, mais aussi, le 29 juillet 2004, à ajourner toute étude sur une évolution de la répartition des charges.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour débloquer une situation coûteuse et préjudiciable à l'efficacité des forces de sécurité ?

Sous le bénéfice de ces observations et de la précision avec laquelle vous répondrez à ces questions, la commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits du ministère de l'intérieur pour la sécurité et pour l'administration prévus dans le projet de loi de finances pour 2005.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion