Intervention de Dominique de Villepin

Réunion du 2 décembre 2004 à 12h00
Loi de finances pour 2005 — Sécurité

Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales :

Je souhaite d'abord, monsieur le rapporteur spécial, vous remercier pour les appréciations positives que vous avez bien voulu porter sur le projet de budget du ministère de l'intérieur et, à travers lui, sur la politique que je conduis, au nom du Gouvernement, pour protéger nos concitoyens.

La lutte contre l'immigration irrégulière constitue un grand enjeu républicain pour notre cohésion nationale. Nous savons tous à quel point cette immigration est source de déstabilisation de notre société, à quel point, par l'agissement de réseaux mafieux, elle est une exploitation de l'homme par l'homme. Par conséquent, la mobilisation doit être totale. J'entends appliquer dans ce domaine un principe de fermeté.

Les premiers résultats sont là : sur les dix premiers mois de l'année 2004, le nombre de procédures établies à l'encontre d'étrangers en situation irrégulière a augmenté de près de 12 %, celui des reconduites aux frontières a connu une hausse de près de 40 % par rapport à l'an passé ; 13 000 éloignements ont été enregistrés au cours de cette période. Je veux aller plus loin. J'ai notamment fixé un objectif de 20 000 reconduites aux frontières en 2005. Je veux me donner les moyens d'y parvenir, d'une part, en faisant passer le nombre de places dans les centres de rétention administrative de 1 000 à ce jour à 1 600 à la fin de l'année 2005, d'autre part, en créant des pôles d'éloignement au sein des préfectures pour accroître l'efficacité de notre dispositif d'ensemble.

Sur le front de la sécurité, le même principe de fermeté prévaut et porte ses fruits. Dans ce domaine, le Gouvernement obtient les meilleurs résultats depuis dix ans. Depuis deux ans et demi, la criminalité n'a cessé de diminuer. Cette baisse est de 4, 5 % sur les dix premiers mois de l'année, ce qui signifie 150 000 infractions en moins, 150 000 victimes en moins. Les violences aux personnes reculent même légèrement, pour la première fois depuis 1997, grâce à la mobilisation de nos forces de sécurité. Il en va de même des violences urbaines qui sont stabilisées.

Monsieur le rapporteur spécial, je suis en mesure de vous dire que s'il reste, bien sûr, des zones difficiles, des quartiers sensibles, il n'existe pas, en France, de véritables zones de non-droit.

Les consignes permanentes, que j'ai rappelées la semaine dernière aux directeurs départementaux de la sécurité publique et à tous les commandants de groupement de gendarmerie, visent précisément à ce que le droit à la sécurité de chacun, sur l'ensemble du territoire, soit pleinement respecté.

Comme l'a rappelé le Président de la République à Nîmes, nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation et nous devons franchir une nouvelle étape. Nous le ferons notamment en mobilisant davantage encore nos ressources humaines et en les dotant de moyens matériels adaptés et rénovés.

Pour cela, j'entends d'abord mettre en oeuvre la troisième tranche de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI. A la fin de l'année 2005, elle sera exécutée à 68 % ; nous serons donc en avance de huit points par rapport au taux d'exécution théorique. Bien entendu, je ferai en sorte qu'elle soit exécutée à 100 % en 2007, conformément aux engagements pris par le Gouvernement devant le Parlement et devant les Français. Je veillerai également, en liaison avec Michèle Alliot-Marie, à ce qu'il en soit de même pour la gendarmerie nationale.

Ces moyens supplémentaires, nous devons aussi mieux les utiliser. Pour y parvenir, je veux d'abord externaliser davantage les missions qui ne correspondent pas à notre coeur de métier. Je veux ensuite mutualiser nos moyens, en confortant le rapprochement, que vous avez évoqué, entre police et gendarmerie. De nombreux marchés sont d'ores et déjà regroupés, notamment en ce qui concerne les menottes, les pistolets ou les gilets pare-balles ; les garages et les ateliers sont mis en commun.

Enfin, les fichiers de documentation judiciaire STIC et JUDEX sont appelés à fusionner en 2006. Vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur spécial, les réseaux de transmission des deux forces de sécurité intérieure sont actuellement différents. Les coûts d'amortissement des réseaux RUBIS et ACROPOL ne permettent pas d'envisager leur fusion à court ou moyen terme. Mais ces réseaux sont interopérables et permettent un travail en commun à l'occasion des grands événements, par exemple lors du G8 d'Evian.

Par ailleurs, j'entends accélérer le programme ACROPOL. II accueillera, dès le début de 2005, les escadrons de gendarmerie mobile d'lle-de-France et de la garde républicaine. Il intégrera aussi progressivement les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, dans le réseau. D'ores et déjà, des études d'ingénierie ont été réalisées en Eure-et-Loir et en Seine-et-Marne. Elles seront bientôt finalisées dans les Vosges et pourraient concerner prochainement le département de l'Ain. Au moins un SDIS devrait donc travailler sur le réseau ACROPOL en 2006.

Nous devons également rationaliser les moyens pour réaliser les gardes et les escortes de détenus. Comme vous l'avez indiqué, la création de deux unités hospitalières sécurisées interrégionales à Nancy et à Lille constitue une première réponse positive. Elle génère des économies de personnel pour garder les détenus hospitalisés.

Il faut évidemment aller plus loin. A cette fin, je souhaite expérimenter dans une région, dès 2005, le transfert des escortes médicales vers l'administration pénitentiaire. En fonction du résultat de cette expérimentation, nous procéderons aux transferts d'emplois jugés nécessaires avec le ministère de la justice.

Comme vous l'indiquez, monsieur le rapporteur spécial, la mise en oeuvre de la LOLF permettra aussi de rationaliser la dépense et de disposer d'une véritable comptabilité analytique.

En premier lieu, nous connaîtrons précisément les moyens financiers affectés à chacune des grandes missions de la police comme de la gendarmerie nationale, ordre public, sécurité et paix publiques, sécurité routière, lutte contre immigration irrégulière, concours de la police judiciaire, alors que nous devons aujourd'hui procéder à des retraitements de données complexes pour parvenir à identifier ces coûts.

En second lieu, nous pourrons établir, mieux qu'aujourd'hui, des comparaisons entre police et gendarmerie, ce qui apportera une clarification et une émulation nécessaires.

Pour cela, nous devons encore progresser dans le rapprochement de nos indicateurs.

Nous pouvons, comme vous le faites, nous interroger sur le nombre des indicateurs. Certains nous disent qu'ils sont trop nombreux, d'autres qu'il n'y en a pas assez.

Au-delà de ces contradictions, nous nous sommes efforcés de respecter les règles fixées par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et tendant à assurer une certaine homogénéité entre les programmes et entre les ministères.

Nous réaliserons, en 2005, une expérimentation, qui portera sur le suivi des objectifs et des indicateurs de chacun des programmes. Sur la base de ses résultats, nous ferons évoluer, si nécessaire, le nombre et la qualité des indicateurs, pour les rendre plus conformes aux attentes du Parlement, ainsi que des gestionnaires eux-mêmes.

Au-delà de la rationalisation des moyens, vous avez évoqué la motivation des fonctionnaires de police à travers la prime de résultat. Beaucoup de progrès viennent d'avoir lieu, en quelques mois, dans le cadre de la réforme des corps et des carrières de la police nationale.

L'intérieur est le premier ministère à avoir développé à grande échelle la culture du résultat. La prime mise en place verra son montant doubler en 2005, passant de 5 millions à 10 millions d'euros. Cette année, 17 850 agents en bénéficient déjà, soit plus de 12 % de l'effectif.

A ce jour, la quasi-totalité des organisations syndicales en ont approuvé les modalités d'attribution, fondées sur l'objectivité et sur la transparence.

Lorsque la prime est attribuée dans un cadre collectif, elle l'est sur le fondement d'indicateurs d'activités et de résultats communs à tous et prédéfinis ; lorsqu'elle l'est dans un cadre individuel, les propositions des chefs de service sont présentées à une commission au sein de laquelle siègent les organisations syndicales.

Mais je reste ouvert à une évolution des modalités d'attribution de cette prime de résultat, en fonction des enseignements que nous tirerons de cette expérience, qui est à la fois novatrice et parfaitement comprise par les fonctionnaires de police.

Je partage également, monsieur le rapporteur spécial, votre préoccupation pour la modernisation du service du déminage.

D'ores et déjà, en 2004, plus de 150 artificiers de la police nationale ont été intégrés au sein du service de déminage rattaché à la direction de la défense et de la sécurité civiles. C'est un service désormais unifié sur l'ensemble du territoire avec des compétences et des qualifications communes.

Sa modernisation se poursuivra en 2005, notamment en revalorisant les primes de danger pour l'ensemble des personnels, en rémunérant de façon mieux adaptée les périodes d'astreinte et en mettant à niveau la formation et les équipements, notamment les tenues de protection lourde pour les interventions.

Vous avez aussi mentionné, monsieur le rapporteur spécial, le dépassement des crédits de contentieux alloués à mon département ministériel. Ce dépassement n'est pas contestable, puisque 117 millions d'euros sont consommés chaque année pour une dotation initiale de 76, 3 millions d'euros. Cette situation est habituelle, puisqu'il s'agit de crédits évaluatifs pour lesquels la dotation initiale a été systématiquement sous-évaluée depuis 1999. Elle est malheureusement explicable.

Les bailleurs sociaux ont fait évoluer leur stratégie depuis quelques années, d'autant que les prix des loyers ont augmenté. Ainsi, ils demandent désormais aux préfets, systématiquement et dès que possible, le concours de la force publique. Cela coûte 65 millions d'euros par an.

Les crédits de contentieux comprennent également les frais de fourrières municipales, pour 13 millions à 15 millions d'euros par an, car l'Etat indemnise les gérants des fourrières qui conservent les véhicules des propriétaires insolvables ou non identifiés.

Je tiens ici à réaffirmer que les préfets font preuve de responsabilité en matière de crédits de contentieux. Ils accordent aujourd'hui 55 % des concours de la force publique qui leur sont demandés contre 40 % en 1992. Ils doivent agir avec discernement et prendre en considération les situations sociales parfois très difficiles de certains de nos concitoyens. Mais je leur ai rappelé, à plusieurs reprises au cours de ces derniers mois, la nécessité de prendre aussi en compte les enjeux financiers lorsqu'ils doivent se prononcer sur l'attribution du concours de la force publique.

J'ai également proposé au Premier ministre de transférer les crédits relatifs au contentieux des expulsions locatives vers le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, dans l'intérêt de celui-ci : avec la pleine responsabilité de ces crédits, il pourra disposer de moyens accrus pour orienter la politique du logement social.

Enfin, monsieur le rapporteur spécial, vous m'avez interrogé sur la modernisation de l'Etat. Elle constitue l'une des principales orientations de mon budget pour 2005.

Pour y parvenir, le projet d'identité nationale électronique sécurisée est un premier outil essentiel. Ses objectifs sont clairs. Il s'agit d'abord, de sécuriser nos titres et de lutter contre la fraude documentaire, ensuite, de simplifier la vie des usagers et, enfin, de rationaliser nos procédures. Je présenterai un projet de loi dans les toutes prochaines semaines, après consultation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, et du Conseil d'Etat. Les crédits d'études destinés à préciser son contenu sont inscrits à mon budget pour 2005, soit 6, 2 millions d'euros en autorisations de programme et 3, 2 millions d'euros en crédits de paiement. J'ai, par ailleurs, engagé les démarches pour faire évaluer le coût d'ensemble du projet.

Un second outil décisif est le projet de dématérialisation des actes des collectivités locales transmis au titre du contrôle de légalité. L'expérimentation réalisée dans les Yvelines a fait ses preuves et, dès le début de l'année 2005, les préfectures du Rhône, du Val-d'Oise et des Alpes-Maritimes seront raccordées au dispositif.

Si les résultats positifs se confirment, le déploiement pourrait concerner entre dix et trente départements en 2005 et s'achever, pour tout le territoire, en 2007.

Monsieur le rapporteur spécial, sur l'ensemble des points que vous avez évoqués, vous pouvez constater à la fois l'ambition et la détermination du Gouvernement au service de nos concitoyens.

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