Intervention de Dominique de Villepin

Réunion du 2 décembre 2004 à 12h00
Loi de finances pour 2005 — Sécurité

Dominique de Villepin, ministre :

Je vous remercie, messieurs les rapporteurs, d'avoir présenté avec clarté et précision les grandes lignes du projet du budget de mon ministère pour 2005 dans les domaines de la sécurité. La qualité de vos exposés respectifs me dispense d'évoquer à nouveau ces orientations et me permet de concentrer mon propos sur les réponses à vos interrogations.

Monsieur Courtois, vous avez eu raison d'insister sur la poursuite de la mise en oeuvre de la LOPSI. J'entends en effet tenir les engagements pris par le Gouvernement devant le Parlement et, à travers lui, devant les Français.

C'est pourquoi la police nationale verra, en 2005, ses moyens accrus grâce à la troisième tranche de la LOPSI. J'ai personnellement veillé, en liaison avec ma collègue Michèle Alliot-Marie, à ce qu'il en soit de même pour la gendarmerie nationale.

Vous avez, à juste titre, mis en lumière l'intérêt de la création de l'Institut national de la police scientifique. Cet établissement regroupera tous les laboratoires de la police nationale et permettra d'accomplir des progrès considérables dans l'élucidation des crimes et des délits, en renforçant la capacité d'action de la police technique et scientifique.

Créé le 9 novembre 2004, cet institut n'a pu faire l'objet d'une ligne budgétaire spécifique dans le projet de loi de finances pour 2005. Une ligne budgétaire lui sera cependant dédiée. Elle sera abondée dès le début de l'année prochaine par deux types de crédits : d'une part, ceux du ministère de l'intérieur, pour un montant estimé aujourd'hui à 2, 5 millions d'euros ; d'autre part, les crédits versés par la Chancellerie, au titre des frais d'expertises, comme le prévoit le décret fondateur de l'institut.

Le laboratoire de la gendarmerie nationale n'est pas intégré à cet institut, car la loi créant cet établissement est antérieure au rapprochement police-gendarmerie que nous avons réalisé depuis deux ans et demi, mais la coopération entre nos forces de sécurité en matière de police technique et scientifique est une réalité : nous avons réactivé, en octobre 2003, le conseil supérieur de la police technique et scientifique, qui regroupe police et gendarmerie. Il sera à nouveau réuni dès le début de l'année prochaine.

Je suis favorable, en ce qui me concerne, à une intégration progressive de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale dans le nouvel institut afin de mieux mutualiser l'ensemble de nos moyens.

Je tiens également à vous rassurer, monsieur Courtois, sur la question des effectifs, question à laquelle les élus sont particulièrement, et à juste titre, attentifs.

La police nationale bénéficiera, en 2005, d'un renfort réel de 1 905 fonctionnaires issus des écoles et correspondant aux emplois que nous avons pu créer grâce à la LOPSI.

Il s'agira d'effectifs supplémentaires, répartis en 1 137 gradés et gardiens et 768 personnels administratifs, scientifiques et techniques. Ils seront affectés sur le terrain à partir des effectifs de référence que j'ai souhaité mettre en place, sur la base de critères objectifs.

Ces renforts d'effectifs concerneront en priorité pour 2005 : les services de renseignement, afin de renforcer notre capacité dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et l'islamisme radical ; les services de la police aux frontières, pour développer notre politique de lutte contre l'immigration irrégulière ; enfin, les circonscriptions de sécurité publique de la grande couronne parisienne et de la « troisième couronne », telles que l'Oise, l'Eure-et-Loir ou le Loiret, pour mieux faire face aux violences urbaines.

Notre volonté de rénover la gestion des ressources humaines au sein de la police nationale s'appliquera aussi aux personnels administratifs, scientifiques et techniques. C'est pourquoi j'ai voulu que la moitié des emplois supplémentaires créés en 2005 leur soit affectée. J'ai également souhaité que ces personnels soient pleinement intégrés dans la réforme des corps et carrières finalisée en juin dernier. C'est sans précédent. Ces personnels bénéficieront à ce titre, dès 2005, d'une revalorisation indemnitaire de 3, 5 millions d'euros.

En outre, j'ai tenu à ce que la prime de résultat puisse être accordée à toutes les catégories d'agents de la police nationale : sur les 12 750 fonctionnaires qui la percevront cette année, 1 600 appartiennent aux filières administratives, techniques et scientifiques.

Le projet de fusion des corps administratifs est dans l'intérêt de ces fonctionnaires, qui, jusqu'à présent, étaient les moins favorisés : d'une part, ce projet vise à élargir leurs perspectives de carrière et à les faire bénéficier de régimes statutaires unifiés ; d'autre part, la spécificité de leurs missions sera mieux prise en compte.

Je suis certain que la concertation permettra de dissiper toutes les inquiétudes qui s'expriment et que vous avez à juste titre rappelées. Nous avons besoin que la totalité de la police nationale reste pleinement responsabilisée et mobilisée pour assurer la sécurité des Français.

Enfin, monsieur le rapporteur, je partage totalement votre souci de voir les salles d'audience situées à proximité des zones d'attente et des centres de rétention administrative pleinement utilisées.

Le ministère de l'intérieur a financé la construction d'une salle d'audience à Roissy - je l'ai d'ailleurs visitée très récemment - contiguë à la zone. Elle permettra un fonctionnement plus fluide et plus efficace des audiences, au profit des magistrats et des étrangers concernés. Elle limitera aussi les dépenses, les retards et le temps de travail consommé par les services de police qui devaient, jusque-là, escorter les étrangers concernés vers le palais de justice de Bobigny. C'est pourquoi j'ai demandé à Dominique Perben de bien vouloir veiller à ce que cette salle d'audience soit désormais utilisée dès que possible par les magistrats.

J'en viens maintenant aux questions posées par M. Charles Guené concernant la sécurité civile.

Vous l'avez vous-même constaté, monsieur Guené, le projet de budget de la sécurité civile traduit en chiffres la loi de modernisation du 13 août 2004. Mon objectif est de publier tous les décrets d'application de cette loi avant un an.

Vous avez évoqué le rôle de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours. Créée depuis le 31 octobre, elle se réunira le 16 décembre prochain. Son objectif est d'associer pleinement les élus à toutes les décisions sur le fonctionnement des SDIS. Elle sera un lieu d'échanges d'expériences entre les SDIS et de diffusion des savoir-faire.

Par ailleurs, dans les semaines qui viennent, nous publierons des textes très attendus, d'une part, sur l'accès aux bonifications pour les sapeurs-pompiers professionnels, d'autre part, sur l'avantage retraite pour les sapeurs-pompiers volontaires. Sur ce dossier, l'Etat s'engage avec 20 millions d'euros en 2005 et 30 millions d'euros à partir de 2006.

Ce projet de budget est bien celui d'un pacte renouvelé entre l'Etat et l'ensemble des acteurs de la protection de la population. L'Etat tiendra ses engagements financiers : 900 millions d'euros de recettes de la taxe sur les conventions d'assurance seront transférés aux départements.

Vous avez, à juste titre, évoqué la mise en oeuvre et l'évolution du fonds d'aide à l'investissement des SDIS. Deux mesures importantes figurent dans la loi du 13 août 2004 : d'abord, les autorisations de programme continuent d'augmenter puisqu'elles seront de 61 millions d'euros en 2005 contre 54 millions d'euros cette année ; ensuite, 65 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits, ce qui permettra de couvrir les dépenses de l'exercice et de rattraper le retard passé ; enfin, je m'engage à ce que ce fonds ne fasse l'objet d'aucune mesure de gel en 2005.

Vous avez ensuite appelé mon attention sur la sécurité des interventions des acteurs de la sécurité civile. Dans ce domaine, je m'appuierai à la fois sur les recommandations du rapport Pourny et sur les retours d'expérience du nouveau « bureau prévention-enquêtes-accidents » créé à la direction de la défense et de la sécurité civiles. Je veillerai aussi à la mise en place dans chaque SDIS d'un officier sécurité. Il assistera à toutes les interventions délicates aux côtés de l'officier qui commande les opérations de secours et l'aidera à prendre en compte la sécurité des intervenants.

Vous avez également insisté sur la formation des acteurs de la sécurité civile.

Nous avons mis l'accent sur la formation des cadres : l'Ecole nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers est désormais un établissement public de l'Etat. Sa nouvelle implantation à Aix-les-Milles, en partenariat avec la commune d'Aix et le conseil général des Bouches-du-Rhône, se fera au plus tard fin 2007.

Elle remplira trois objectifs : d'abord, disposer d'une zone d'entraînement et de simulations qui reproduisent, en toute sécurité, des situations d'accident, de sauvetage ou d'incendie ; ensuite, nouer un partenariat avec les SDIS de la région ; enfin, ouvrir largement l'école sur l'international.

Les premières formations seront organisées dès le printemps prochain.

Dans le même temps, nous allons créer un pôle de défense civile à Cambrai. C'est une nécessité pour répondre aux nouvelles formes de menaces, notamment les menaces NRBC, c'est-à-dire nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques.

Pour cela, nous travaillons selon deux axes.

Premier axe : la création d'une école de défense civile. Elle sera un laboratoire de réflexion de l'Etat en matière de doctrine sur les menaces et devra coopérer étroitement avec l'Institut national des hautes études de sécurité nouvellement créé. Des formations ont déjà été organisées à Cambrai cette année.

Second axe de travail : la création d'un centre national de formation à la défense civile doté d'un plateau technique performant. La gestion de ce centre pourrait être confiée dès 2005, sous le contrôle de l'Etat, au secteur privé.

Mais nous devons aller plus loin et former l'ensemble de nos concitoyens, notamment les plus jeunes. C'est l'objet de la nouvelle formation scolaire de sécurité civile obligatoire, dont les contours sont en cours de définition avec la direction de l'enseignement scolaire. A ce stade, la formation scolaire permettrait d'inscrire au programme de sixième la sensibilisation aux risques, au programme de cinquième l'organisation de la sécurité civile et les institutions qui s'y consacrent, aux programmes de quatrième et de troisième la sensibilisation à la façon d'alerter et aux premiers gestes de secours.

Le travail interministériel se poursuit sur ce projet. Il doit permettre de fixer, avant le premier trimestre de l'année 2005, la détermination précise des contenus, le nombre d'heures que nous pourrons consacrer à ces sujets, ainsi que le calendrier de mise en place de cette réforme.

J'entends également améliorer notre système d'alerte et d'information des populations, avec l'appui des services de radiodiffusion. Pour cela, j'ai signé, au mois de juin dernier, une convention de partenariat avec le président-directeur général de Radio France portant sur la mise en place de radio de gestion et d'accompagnement de crise et sur la diffusion aux populations des consignes comportementales. Parallèlement, nous lancerons, au second semestre de l'année 2005, une expérimentation sur la diffusion et la signification du signal des sirènes, en vue de moderniser notre système d'alerte.

Enfin, monsieur Guené, vous avez rappelé une réalité : lorsque les ambulanciers sont défaillants, les services d'aide médicale urgente, les SAMU, s'adressent aux sapeurs-pompiers, ce qui grève les budgets de fonctionnement des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS.

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