Intervention de Claude Kern

Commission des affaires européennes — Réunion du 24 novembre 2021 à 13h35
Marché intérieur économie finances et fiscalité — Inclusion du nucléaire dans le règlement délégué complétant le règlement ue 2020-852 du parlement européen et du conseil sur l'établissement d'un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement ue 2019-2088 : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mm. claude kern daniel gremillet et pierre laurent

Photo de Claude KernClaude Kern, rapporteur :

Le 7 septembre dernier, le Figaro titrait : « les obligations vertes de l'Union européenne excluent le nucléaire ». Cette annonce, qui a créé une certaine confusion, atteste des enjeux financiers, économiques et politiques soulevés par le débat actuel sur l'inclusion de certains secteurs de l'énergie, en particulier du nucléaire, dans le règlement sur la taxonomie verte de l'Union européenne.

En effet, les exigences établies par la Commission européenne en matière d'obligations vertes sont alignées sur les critères définis dans le règlement sur la taxonomie et ses actes délégués, qui classifient les activités économiques selon leur durabilité sur le plan environnemental. En l'état actuel de la législation européenne, l'énergie nucléaire, pourtant très faible émettrice de CO2, ne peut bénéficier de ce dispositif de labellisation.

La taxonomie tend à s'imposer aujourd'hui comme un standard, en matière de définition des activités considérées comme durables, dans le domaine de la finance. Le développement de la finance durable au cours de ces dernières années s'est, en effet, accompagné de la mise en oeuvre d'une classification des activités vertes, d'abord à l'initiative d'intermédiaires financiers, avant que des autorités publiques s'engagent dans cette démarche pour établir leurs propres critères. Dès 2015, la Chine a ainsi publié une liste de projets éligibles aux obligations vertes. Les taxonomies vertes contribuent, certes, à orienter les investissements vers des projets respectueux de l'environnement mais comportent aussi des enjeux de nature politique.

L'Union européenne est engagée dans une réforme en profondeur de son cadre législatif afin de devenir le premier continent neutre sur le plan climatique à l'horizon 2050. Les niveaux actuels d'émissions de gaz à effet de serre des États membres doivent ainsi diminuer fortement au cours des prochaines décennies. Pour y parvenir, l'Union européenne a rehaussé son niveau d'ambition en s'engageant à réduire ses émissions d'au moins 55 % d'ici 2030, par rapport aux niveaux de 1990. La stratégie de la Commission européenne est ainsi de bâtir une économie verte, compétitive et socialement juste.

La construction d'un écosystème de la finance durable doit permettre de contribuer à la réalisation de ces objectifs ambitieux en intégrant les enjeux de développement durable dans le secteur financier. Les bases de ce système ont été définies dans le cadre du « Plan d'action pour la finance verte de l'Union européenne », présenté en mars 2018 par la Commission européenne. Elles ont été posées par trois textes :

- le règlement établissant la taxonomie de l'Union européenne ;

- le règlement sur la publication d'informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers ;

- et le règlement sur les indices utilisés comme indices de référence.

La Commission européenne a ainsi élaboré son propre référentiel de classification des activités économiques considérées comme durables sur le plan environnemental. La taxonomie européenne a un double objectif, d'une part, encourager les investissements qui contribuent à la transition écologique, et, d'autre part, lutter contre le « green-washing » ou l'éco-blanchiment. C'est cette stratégie qui a été mise en oeuvre avec l'adoption, en juin 2020, du règlement (UE) 2020/852 sur l'établissement d'un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088. Ce règlement dit « taxonomie » doit ainsi permettre aux investisseurs d'évaluer la conformité de leurs placements avec les objectifs du Pacte vert pour l'Europe et de l'Accord de Paris.

Entré en vigueur le 12 juillet 2020, ce règlement établit la base de ce système de classification, en fixant six objectifs environnementaux :

- l'atténuation du changement climatique ;

- l'adaptation au changement climatique ;

- l'utilisation durable et la protection des ressources hydrologiques et marines ;

- la transition vers une économie circulaire, la prévention et le recyclage des déchets ;

- la prévention et le contrôle de la pollution ;

- la protection des écosystèmes sains.

Pour être considérée comme durable sur le plan environnemental, une activité économique doit remplir quatre conditions :

- contribuer substantiellement à au moins un des six objectifs environnementaux ;

- ne causer aucun préjudice important aux cinq autres objectifs environnementaux ;

- respecter des garanties sociales et de gouvernance minimales ;

- être conforme aux critères techniques définis.

Ce règlement se veut ainsi binaire : les activités sont qualifiées de durables sur le plan environnemental uniquement si elles sont conformes à ces exigences dans le cas contraire ; sinon elles ne peuvent bénéficier de cette certification.

Dans ce cadre, trois types d'activités peuvent être éligibles à la taxonomie :

- les activités durables, qui contribuent substantiellement à l'un des six objectifs environnementaux ; il s'agit des activités à faibles émissions de carbone ;

- les activités transitoires, qui ne disposent pas pour l'instant de solution de remplacement bas-carbone mais qui s'inscrivent toutefois dans une trajectoire de décarbonation ;

- les activités habilitantes, qui ne sont pas compatibles avec la neutralité carbone, mais qui sont nécessaires à la transition écologique.

Pierre Laurent va maintenant vous présenter les autres points importants de ce règlement ainsi que ses enjeux.

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