Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 2 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances pour 2005 — Sécurité

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'exprime au nom de M. Charles Gautier, qui ne peut être parmi nous aujourd'hui.

Sa question porte sur le financement de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, et de la loi pour la sécurité intérieure, la LSI.

Il semble que le bilan de leur application soit finalement des plus mitigés. L'effort qui avait été annoncé pour garantir la sécurité de nos concitoyens n'a pas été tenu dans la durée.

La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure accordait, dès juillet 2002, des moyens supplémentaires à la police - 1, 18 milliard d'euros et 6 500 recrutements - et à la gendarmerie - 1, 02 milliard d'euros et 7 000 recrutements. Or les résultats sont contrastés.

La police a bien acheté des gilets pare-balles et des véhicules en 2002 et 2003, mais il a fallu attendre la mi-2004 pour que tout le matériel soit effectivement acheté et distribué dans les services.

Quant au renforcement de la présence policière sur le terrain, elle n'a pas été réalisée : si 1 900 emplois ont effectivement été créés, ce nombre comprend les emplois créés par la gauche en 2002. En outre, 1 000 emplois administratifs devaient être créés en 2004, sous réserve de l'accord de Bercy. En réalité, la plupart des emplois créés au titre de la LOPSI ont servi à officialiser 2 100 emplois de policiers en surnombre, dont 1 000 avaient été prévus par la gauche en 2001.

La progression nette n'aura donc finalement été que de quelques centaines de postes.

Cette opération est, par ailleurs, perturbée par un flux de départs à la retraite anticipés - 800 départs supplémentaires par rapport à la moyenne - du fait de la réforme des retraites. Rien ne semble avoir été prévu pour compenser ces départs.

Le phénomène est encore accentué par la réduction du nombre d'adjoints de sécurité, de l'ordre de 2 000. Dans les faits, la capacité opérationnelle des effectifs diminue, ce qui se traduit, dès 2003, par une déflation des effectifs dans certaines zones sensibles alors que, entre 1999 et 2002, avec la police de proximité, la gauche avait au contraire augmenté les effectifs dans les départements sensibles !

Moins de 30% des crédits de la LOPSI ont été ouverts, alors que plus de la moitié devaient être dépensés avant 2005. J'y vois la preuve que les mesures d'affichage du Gouvernement sur la sécurité n'ont été suivies d'aucune mesure en faveur de nos concitoyens.

La loi pour la sécurité intérieure, adoptée en mars 2003, avait pour objectif de lutter contre l'insécurité au quotidien. Très répressive, elle allège les procédures et le travail des policiers. En fait, elle vise tout particulièrement les populations socialement les plus fragiles : mendiants, prostituées, mineurs...

Les faits constatés au titre de la LSI ne représentaient que 0, 32% de la délinquance en 2003 et moins de 0, 5% au premier trimestre de 2004. Ce dispositif, très répressif, est donc plutôt inefficace, mais il produit une illusion de sécurité en gonflant les activités policières. La justice ne parvenant pas à traiter tous les dossiers qui lui sont transmis, elle classe sans suite, nourrissant ainsi le sentiment d'insécurité.

Monsieur le ministre, faute de moyens, de nombreux programmes concernant le travail des forces de l'ordre sont actuellement bloqués. Je citerai, sans être exhaustif, le déploiement des nouveaux centres d'information et de commandement de la police, le système d'information géographique pour la cartographie de la délinquance, le système de radiolocalisation des patrouilles de police, les outils d'interception de téléphones mobiles, les interceptions de données sur le réseau Internet pour lutter contre le terrorisme, le renouvellement du fichier Schengen, l'introduction d'éléments biométriques dans les fichiers des empreintes digitales, la montée en charge du fichier des empreintes génétiques.

Le blocage de toutes ces mesures, qu'il s'agisse de celles de Nicolas Sarkozy ministre de l'intérieur et, pour les plus récentes, des vôtres, monsieur le ministre, sont le fait de Nicolas Sarkozy ministre des finances, qui méconnaît ainsi ses propres engagements !

Les groupements d'intervention régionaux, les GIR, ne sont eux-mêmes efficaces que pour pallier les besoins des services régionaux de la police judiciaire, les SRPJ, au détriment de la lutte contre la criminalité. Cette dernière, enracinée dans l'économie souterraine, nécessite un travail sur le long terme.

En fait, l'efficacité dont se targue le Gouvernement est contredite par une réalité inquiétante : sur le terrain, la violence n'a pas reculé.

Enfin, la modification des indicateurs semble faire naître partout de sérieux doutes sur les chiffres annoncés.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous permettre le rattrapage de consommation des crédits prévus et non débloqués ? Donnerez-vous un jour des moyens financiers suffisants à l'Institut national des hautes études de sécurité, l'INHES, et au jeune Observatoire national de la délinquance, afin de répondre à l'urgence que constitue la mise en place d'un outil fiable de mesure de la délinquance ?

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