Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la politique du Gouvernement en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière.
A l'heure actuelle, un constat s'impose : les conditions de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière avant leur éventuelle expulsion sont dégradantes et inhumaines.
Sur les vingt-cinq centres de rétention, dont vingt en métropole, les deux tiers ne sont pas aux normes. L'arrêté du 24 avril 2001, qui précise les conditions de vie minimales dans les centres de rétention, est loin d'être appliqué de manière uniforme dans tous les centres. Peu d'entre eux disposent de chambres distinctes pour les hommes, les femmes et les enfants, d'équipements sanitaires en bon état, ou encore de bonnes conditions de chauffage ou d'aération. En outre, les personnes retenues ne disposent pas toujours de la possibilité de bénéficier des espaces de détente pourtant prévus par les textes.
A cela s'ajoute, non pas une surpopulation des centres de rétention, mais une saturation des effectifs, qui est à la source de tensions entre les étrangers retenus et qui, de surcroît, rend leurs conditions de vie particulièrement pénibles.
J'oserai dire que, aujourd'hui, la rétention administrative s'apparente de plus en plus à de la détention. Il faut y voir une des conséquences de la politique répressive du Gouvernement en matière d'immigration : je pense évidemment à l'allongement du délai de rétention, puisque la loi Sarkozy prévoit que celui-ci peut aller jusqu'à trente-deux jours.
Je reviens sur le cas des enfants retenus en centre de rétention, le plus souvent avec leurs parents, au motif que l'intérêt supérieur de l'enfant exige que celui-ci ne soit pas séparé de ses parents. De ce fait, et en raison de l'inadaptation des locaux, les enfants se retrouvent mêlés sans distinction aux adultes, hommes ou femmes. Ils vivent le plus souvent dans un climat dangereux, ce qui ne correspond pas à la notion de sauvegarde de l'intérêt de l'enfant.
Les associations, essentiellement la CIMADE, seule habilitée à être présente dans les centres de rétention administrative, ainsi que la défenseure des enfants, Mme Claire Brisset, s'accordent pour dénoncer la présence d'enfants dans ces centres, mais aussi les mauvais traitements auxquels ils sont inévitablement soumis. Nous les avons reçues récemment : toutes sont inquiètes et demandent que soit effectivement respecté le principe d'interdiction du placement des mineurs en centres de rétention.
Pourtant, les mineurs placés dans ces centres sont de plus en plus nombreux, qu'ils accompagnent ou non leurs parents. Ce phénomène est pour ainsi dire en train de se banaliser. Pis, il arrive que des mesures d'éloignement soient prononcées alors que l'enfant est scolarisé.
Ces pratiques, outre qu'elles ne respectent pas la convention internationale des droits de l'enfant, sont intolérables et constituent une source de souffrance supplémentaire dont ces enfants n'ont pas besoin. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour remédier à cette situation ?
Les centres de rétention administrative ne sont malheureusement pas le seul objet de nos critiques. En effet, à côté des centres de rétention, il existe d'autres lieux de rétention au statut beaucoup plus opaque et qui sont les locaux de rétention administrative. Mais, à la différence de ce qu'il en est pour les centres de rétention, aucun texte ne précise les conditions matérielles d'existence des étrangers et d'exercice de leurs droits dans ces locaux de rétention administrative.
Ainsi, peu de locaux disposent de la totalité des équipements qui devraient y exister.
Par ailleurs, la présence d'un service médical et de la CIMADE n'est nullement obligatoire. En raison de l'augmentation prévue des mesures d'éloignement, ces locaux de rétention administrative, plus simples à organiser puisque qu'aucun texte ne vient en préciser les modalités de fonctionnement ne risquent-ils pas d'augmenter de manière inquiétante ?
Monsieur le ministre, ces interrogations et ces inquiétudes appellent des réponses immédiates. Il n'est pas possible à la fois d'augmenter de 60 % le nombre des reconduites à la frontière et de faire vivre les étrangers en attente d'expulsion dans de telles conditions.
Vous me répondrez que des moyens budgétaires sont prévus pour augmenter le nombre de places dans les centres de rétention, afin de passer de 845 places à plus de 1500. Nous en prenons acte, mais allez-vous continuer à y entasser sans distinction des adultes, des mineurs, des familles entières ?
Il faut également penser aux personnels chargés de la sécurité : quels moyens leur donne-t-on ? Les policiers qui assurent la garde sont le plus souvent très jeunes et manquent d'expérience pour accomplir cette mission délicate. Sont-ils suffisamment formés pour faire en sorte que la gestion d'un centre de rétention ne s'apparente pas à celle d'un établissement pénitentiaire ?
Tels sont, monsieur le ministre, les points sur lesquels je souhaitais attirer votre attention. Il est urgent que ce gouvernement respecte les droits fondamentaux dont tout étranger devrait pouvoir bénéficier, qu'il soit ou non en situation régulière. Quels sont aujourd'hui vos engagements en la matière ?