Intervention de Dominique de Villepin

Réunion du 2 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances pour 2005 — Décentralisation

Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux de vous retrouver à l'occasion du débat sur la partie collectivités locales du budget du ministère de l'intérieur. Permettez-moi, tout d'abord de rendre hommage au travail remarquable accompli par Jean-François Copé.

Je voudrais aussi saluer l'arrivée à mes côtés de Marie-Josée Roig. Je ne doute pas que, par sa connaissance du mandat de maire, elle m'apporte une aide précieuse pour faire vivre la relation harmonieuse et confiante entre l'Etat et les collectivités. Marie-Josée Roig complétera mon intervention en répondant à plusieurs de vos questions.

Je sais l'intensité et la qualité des débats qui ont eu lieu ici même, hier et cette nuit, en présence de Jean-François Copé. J'en ai pris connaissance avec intérêt et je vous en remercie.

Vous avez, hier soir, rappelé le rôle prépondérant du Parlement dans les décisions qui concernent les budgets locaux. Je veux à mon tour affirmer, en particulier devant les orateurs qui se sont exprimés sur ce sujet, l'importance du travail accompli par le Comité des finances locales.

Sur des sujets de plus en plus techniques et complexes, il a permis, sous la présidence de Jean-Pierre Fourcade, de dégager des lignes de force et, sans se substituer à vous, d'éclairer utilement vos travaux.

Ces débats vous ont permis de percevoir les axes de la politique pour les collectivités locales que j'entends conduire sous l'autorité du Premier ministre. Après le vote de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, il m'appartient, devant vous, de tenir les engagements qui ont été pris afin que cette décentralisation permette de mieux servir les Français, et que, pour cela, les différents niveaux de collectivités disposent rapidement des instruments juridiques et financiers nécessaires.

C'est pourquoi vous retrouvez un certain nombre de priorités dans ce projet de loi de finances. Elles permettent de satisfaire des objectifs qui sont au centre de l'action gouvernementale : d'abord, assurer un meilleur équilibre entre les territoires ; ensuite, renforcer notre cohésion nationale ; enfin, soutenir l'activité économique et l'emploi.

Pour atteindre ces objectifs, j'évoquerai devant vous cinq défis majeurs : le renforcement de la péréquation, le développement de l'intercommunalité, mais aussi la modernisation de notre fiscalité locale, le financement des transferts de compétences et, enfin, le soutien de l'activité économique, à travers la progression des dotations inscrites en dépenses à mon budget ; elles représentent cette année 2, 5 milliards d'euros.

En premier lieu, la péréquation, ardente obligation de l'Etat, sera dynamisée dès 2005.

Vous avez pu analyser en détail cette nuit les inscriptions budgétaires en prélèvement sur recettes. Elles progressent de près de 3 % et représentent 44 milliards d'euros. C'est le quatrième budget de l'Etat. Additionnées aux autres concours de l'Etat aux collectivités locales, c'est même le deuxième budget et plus du quart des recettes de l'Etat. Leur adaptation permettra de mieux faire fonctionner la solidarité nationale et territoriale.

Plus de justice dans les dotations nécessite de disposer de marges de manoeuvre. J'ai obtenu de telles marges pour le budget 2005, grâce au maintien du pacte de croissance entre l'Etat et les collectivités. Je remercie d'ailleurs MM. Mercier, Saugey, Doligé et Fournier d'avoir bien voulu s'en féliciter à leur tour. La conséquence de ce choix, c'est, malgré l'extrême contrainte qui pèse sur le budget de l'Etat, une augmentation de 1, 2 milliard d'euros pour la seule dotation globale de fonctionnement, à répartir entre chaque catégorie de collectivité. Deux principes président à cette répartition : d'une part, des mécanismes d'attribution plus simples ; d'autre part, davantage de ressources pour les collectivités qui en ont besoin.

Ces principes se retrouvent à tous les niveaux de la péréquation, désormais inscrite dans notre Constitution.

Le premier niveau est la dotation forfaitaire. Son mode de calcul prendra désormais en compte la population réelle - une population actualisée chaque année - et la superficie de la commune. Au nom du même esprit de justice, nous avons choisi de remplacer le potentiel fiscal par le potentiel financier, qui reflète mieux les ressources pérennes des communes.

Mais nous devons aussi faire face, sur le territoire, à deux enjeux essentiels.

Le premier, c'est la situation de villes où nos concitoyens sont confrontés plus qu'ailleurs au chômage, aux difficultés d'intégration et au mal de vivre, et qui comportent des quartiers sensibles. Avec Jean-Louis Borloo, il nous a paru indispensable de leur consacrer des ressources en forte progression : 20 % en 2005, et 600 millions d'euros en cinq ans, au titre de la dotation de solidarité urbaine. En leur donnant des moyens particulièrement importants, cette réforme financière légitime pleinement le rôle que je veux donner aux maires dans le projet de loi sur la prévention de la délinquance.

Le second enjeu, c'est la nécessité de soutenir nos zones rurales. La péréquation volontariste que nous mettons en place bénéficiera aux espaces ruraux, en particulier les bourgs-centres, ces chefs-lieux de canton qui constituent l'ossature du territoire, les bassins de vie et d'animation, qui offrent à la population des services publics de proximité. Ils méritent toute notre attention. C'est pourquoi la dotation de solidarité rurale progressera de 20 %, c'est-à-dire de 80 millions d'euros, dès 2005. L'augmentation pourra même atteindre 40 % dans les zones de revitalisation rurale.

Enfin, j'ai pris la décision d'ouvrir cette péréquation aux départements et de réduire les différences de dotation entre eux : d'une part, en élargissant l'accès à la dotation de fonctionnement minimale à quarante départements supplémentaires et, d'autre part, en créant une dotation de péréquation urbaine pour les départements très urbains.

Vous le voyez, mesdames et messieurs les sénateurs, cette péréquation dont on parle depuis si longtemps, nous allons la faire.

En deuxième lieu, c'est le même souci de fournir aux Français un service de qualité partout sur le territoire qui nous impose de soutenir l'intercommunalité.

J'ai eu l'occasion de dire aux maires de France, il y a quelques jours, mon attachement à nos communes et à nos maires, ainsi que le refus du Gouvernement de s'engager dans la désignation au suffrage direct des élus de l'intercommunalité. La fonction de maire n'est pas une fonction qui se délègue à l'échelon supracommunal.

Pour autant, l'intercommunalité doit être mise au service de nos communes. Là encore, dans la loi du 13 août 2004 comme dans ce projet de loi de finances, nous avons voulu simplifier les règles, notamment le coefficient d'intégration fiscale. Vous le savez, il représente une des principales sources de variation de la dotation d'intercommunalité. Nous avons également souhaité répondre à une de vos aspirations : resserrer les écarts de dotations entre communautés de communes et communautés d'agglomération.

En troisième lieu, nous devons moderniser notre fiscalité locale.

Cette modernisation, elle aussi très souvent évoquée par les orateurs, est nécessaire, comme nous y a invités le Président de la République. Elle concerne la taxe professionnelle qui pénalise encore trop l'emploi et l'investissement, ainsi que la taxe sur le foncier non bâti, qui pèse trop lourdement sur les exploitants agricoles dont on a besoin pour dynamiser le monde rural.

Pour y parvenir - et cela vous rassurera sans doute, monsieur Fournier -, nous devons respecter deux principes : d'une part, préserver le lien entre l'activité économique et les territoires ; d'autre part, préserver la liberté de vote des taux de ces impôts locaux. Soyez assurés que ces principes seront respectés : la loi organique sur l'autonomie financière, que je vous ai proposée et que vous avez votée cet été, nous en fait l'obligation. C'est à la lumière de ces mêmes principes que le Gouvernement examinera les recommandations de la commission Fouquet.

Il en sera de même pour le foncier non bâti, pour lequel les conclusions de la commission animée par Jean Arthuis constitueront, bien sûr, un apport précieux.

C'est dire que ces réformes se feront avec vous, après des concertations très approfondies.

En quatrième lieu, le financement intégral des transferts de compétences constitue, bien sûr, un autre des grands défis.

J'ai entendu vos inquiétudes à ce sujet. Elles sont légitimes : nombre d'élus ont été échaudés par la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, et des 35 heures.

Avec Marie-Josée Roig, nous avons pris deux engagements. Le premier est la clarté et la loyauté dans les transferts de crédits et de personnels : les transferts seront intégralement compensés. C'est inscrit dans la Constitution, ce qui nous impose une obligation de résultat. Le tout sera contrôlé, en toute impartialité, par la commission d'évaluation des charges. Le second engagement est la progressivité, car ce dispositif montera en puissance graduellement : ce n'est qu'en 2007-2008 que les transferts seront pleinement réalisés. Par exemple, les personnels TOS continueront d'être payés par l'Etat en 2005.

En cinquième lieu, nous devons ensemble stimuler l'activité et soutenir l'investissement des collectivités.

Dans la partie inscrite dans le budget du ministère de l'intérieur destinée aux collectivités locales, se trouvent des leviers d'action particulièrement importants pour les investissements civils. Les collectivités locales assument, en effet, près de 70 % de l'investissement public civil de notre nation.

Il était donc pour moi essentiel, dans la conjoncture économique actuelle, de maintenir à un bon niveau cette partie de mon budget.

Les dotations d'équipements progressent en effet de 3 % en 2005.

Je sais que les élus locaux, notamment dans le monde rural, sont particulièrement sensibles à la dotation globale d'équipement, qui permet la participation financière de l'Etat à la réalisation de certains de leurs projets d'investissements. Son montant s'élèvera donc à 931 millions d'euros en autorisations de programme.

Elle se répartit à hauteur de 441 millions d'euros pour la DGE des communes, contre 428 millions en 2004, et 490 millions d'euros pour la DGE des départements, contre 476 millions en 2004.

La dotation de développement rural permet de financer des projets au profit d'EPCI ruraux. Elle augmente, elle aussi, de 3 %, et représentera donc un montant d'autorisations de programme de 119, 3 millions d'euros.

De même, la dotation régionale d'équipement scolaire et la dotation départementale d'équipement des collèges passent de 894, 6 millions d'euros en 2004 à 921, 5 millions en 2005.

S'agissant des compensations des transferts de compétences, comme vous le savez, le Gouvernement a fait le choix de les compenser par des transferts de fiscalité vers les départements et vers les régions. Les crédits correspondants sont inscrits en première partie de la loi de finances.

Les transferts précédents avaient été compensés par la dotation générale de décentralisation, dont le montant continue à être indexé tous les ans. Cette dotation a été, pour l'essentiel, intégrée dans la DGF en 2004 et elle évoluera donc en 2005 de 3, 29 %.

Une part résiduelle a été néanmoins maintenue en crédits budgétaires afin de pouvoir procéder plus facilement à des ajustements fins. Cette part résiduelle s'établira en 2005 à 697, 5 millions d'euros pour la DGD des communes, des départements et des régions et à 247, 5 millions d'euros pour la collectivité de Corse.

S'agissant, enfin, des autres concours de l'Etat, je souhaite évoquer trois contributions spécifiques auxquelles vous attachez beaucoup d'importance.

Tout d'abord, le fonds de compensation pour la TVA est la principale contribution de l'Etat aux dépenses d'investissement des collectivités locales. Son montant prévisionnel pour 2005 s'élève à 3 791 millions d'euros, soit une augmentation de 2, 18 % par rapport à 2004. Je sais que ce sujet préoccupe beaucoup les élus et que les conditions d'éligibilité au FCTVA sont parfois discutables. C'est pourquoi, j'ai demandé à Marie-Josée Roig et au nouveau ministre délégué au budget qu'un groupe de travail interservices puisse être rapidement mis en place entre nous pour examiner cette question.

Ensuite, le produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation routière s'élève en 2005 à 560 millions d'euros, soit une augmentation de 30, 23 %.

Enfin, il est prévu de faire progresser le fonds d'aide à l'investissement des SDIS : les autorisations de programme continueront d'augmenter, pour atteindre 61 millions d'euros en 2005, contre 54 millions cette année. Par ailleurs, 65 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits : ils permettront de couvrir les dépenses de l'exercice et même de rattraper le retard.

Vous le constatez, monsieur Mercier, l'Etat reste attentif à cette compétence partagée que sont les services d'incendie et de secours.

Avant de conclure, je voudrais remercier M. Arthuis, président de commissions des finances, M. Hyest, président de la commission des lois, ainsi que M. Philippe Marini, rapporteur général du budget, M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, et M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois. Vous avez accompli, messieurs, comme à l'accoutumée, un travail de précision, toujours constructif, qui m'a été très utile.

Pour cette partie de mon budget qui concerne les collectivités locales, j'ai la conviction que deux caractéristiques sont au rendez-vous : le respect des engagements et la confiance dans la parole donnée. Vous l'avez compris, je ne pense pas que l'on puisse trouver dans ce budget prétexte à rehausser les impôts.

Mme Marie-José Roig répondra plus précisément à certaines des questions posées par les différents intervenants.

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