Intervention de Francis Saint-Hubert

Commission d'enquête Hôpital — Réunion du 18 janvier 2022 à 14h30
Audition des présidents des conférences de directeurs d'établissements de santé : Mme Marie-Noëlle Gérain-breuzard présidente de la conférence des directeurs de chu Mm. Francis Saint-hubert président de la conférence nationale des directeurs de centres hospitaliers et jacques léglise président de la conférence des directeurs d'établissements privés non lucratifs

Francis Saint-Hubert, président de la conférence nationale des directeurs de centres hospitaliers (CNDCH) :

Les chiffres de la DGOS résultent de remontées de nos établissements, qui ont été agrégées. Ces remontées ne sont pas nécessairement exhaustives. Nous constatons, au niveau de notre conférence, que la situation est relativement disparate. Dans certains endroits, notamment au niveau des soins de suite et du secteur médico-social, des lits ont été fermés par manque de personnel. Je vois essentiellement deux raisons. Nous n'avons pas constaté, comme c'est le cas dans mon département, de départs massifs et significatifs du personnel. J'ai repris les chiffres des trois dernières années. En 2021, je constate une légère augmentation du nombre des départs des aides-soignants et des infirmiers diplômés d'État, qui s'explique également en partie par l'obligation vaccinale. Les personnes sont parties car elles n'ont pas voulu se faire vacciner. En revanche, habituellement, pour gérer les absences, nous recourons régulièrement à du personnel intérimaire. Or les centres de vaccination, qui avaient besoin de professionnels de santé, ont absorbé ces personnels mobiles. Le « matelas » de personnels mobiles dont nous disposions pour gérer les pics d'activité n'existe plus dans nos territoires.

Par ailleurs, nous constatons, dans certaines écoles, que deux tiers seulement des élèves entrés en instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) sortent diplômés. Le recrutement par Parcoursup ne nous semble absolument pas adapté à cette profession. Il y a d'autres éléments. Par exemple, les jeunes demandent immédiatement s'ils auront à travailler les week-ends. Il s'agit d'un vrai phénomène, qui ne concerne pas que les personnels hospitaliers. Le désengagement est massif quand il est nécessaire de travailler les week-ends. L'hôpital n'y échappe pas. C'est pourquoi nous devons réfléchir à nos organisations.

Nous avons vécu plusieurs vagues au cours de la crise sanitaire. Les enseignements de chaque vague diffèrent. La première vague a été à l'origine d'une forme de sidération à tous les niveaux. Nous avons par exemple démonté les blocs opératoires pour installer des lits de réanimation. La mobilisation et la solidarité ont été extraordinaires. Les hôpitaux ont agi de façon autonome. Cette flexibilité est cependant venue principalement du personnel. Les administratifs et les directeurs ont parfois contourné le code des marchés publics. Les règles ont évolué très rapidement. Pouvons-nous fonctionner constamment avec ce modèle ? Nous nous interrogeons depuis plusieurs années sur un possible assouplissement du code des marchés publics. En revanche, pour garantir la bonne utilisation des deniers publics, il doit exister un minimum de règles.

Sur la question de l'assouplissement des règles, je tiens à préciser que les hôpitaux ont pour rôle de soigner les patients et d'accueillir les usagers et les familles. L'objectif est de s'inscrire dans une amélioration continue des soins. À cette fin, les professionnels ont des valeurs, des compétences et des expertises. Nous avons en outre besoin des moyens qui nous sont alloués. Par définition, ces moyens sont limités. En revanche, le désir des soignants de bien faire et les attentes des patients ne le sont pas. Comment mettre en perspective les moyens et le désir des soignants ? Des règles sont nécessaires. La gestion d'un hôpital consiste à harmoniser les aspirations des usagers, les aspirations du personnel et les moyens octroyés. Il existe par conséquent nécessairement des règles. À cet égard, je considère que la loi HPST a commis une grave erreur lorsqu'elle a supprimé les services. Il était possible de mettre en place des pôles sans supprimer les services. Certes, des corrections ont été apportées. En 1996, cependant, l'objectif de suppression de 100 000 lits a été clairement annoncé. Les ARH ont été mises en place pour planifier ces suppressions.

S'agissant de l'Ondam, son évolution a été définie non en fonction des besoins de la population, mais sur d'autres critères. Si cette enveloppe n'est interrogée à aucun moment, comment mettre en adéquation les besoins de la population et les moyens alloués ? Cette équation n'a jamais été résolue. Les gestionnaires sur le terrain sont alors contraints de trouver des solutions. Les directeurs sont des serviteurs de l'État. Ils font le maximum. En revanche, ils n'ont pas été des comptables, comme ils en sont trop fréquemment accusés. Simplement, l'État a décidé de réduire les dépenses et le nombre de lits.

Quelles sont aujourd'hui les questions que nous devons nous poser ? S'agissant du financement, aussi longtemps que l'enveloppe globale au niveau national n'est pas en adéquation avec les besoins de la population, indépendamment des sous-enveloppes et des règles induites, il existera toujours des difficultés à répondre aux besoins. L'enjeu du financement ne concerne donc pas les règles ; l'enveloppe doit être suffisante.

Sur la gouvernance et le statut des Espic, on peut prendre exemple sur d'autres organisations ou d'autres pays, mais la gestion ne se résume pas à l'application des règles. L'environnement d'un Espic n'est pas celui du secteur public. On ne peut donc pas transposer les règles de gestion, les contextes juridiques étant différents. Les acteurs ne se positionnent pas de la même façon. L'important est de laisser la gouvernance se stabiliser et chacun s'approprier les évolutions intervenues depuis 2019.

La délégation de gestion est possible. La question est de savoir si chacun souhaite réellement gérer des enveloppes. Je ne vois pas de forte demande en ce sens. Ces mécanismes existent déjà. Par exemple, les choix d'investissement biomédical sont déterminés par les médecins, la direction n'apportant qu'un éclairage. Cela passe ensuite en commission médicale d'établissement avant approbation par le directoire. Autre exemple : en pratique, ils ne sont pas réalisés par le directeur, mais par le président de CME avec les chefs de pôle et la direction des affaires médicales. Peut-être, dans certains cas, le facteur humain fait-il que cela ne se passe pas ainsi. En tout état de cause, il ne me semble pas utile de changer la loi et les organisations. Le rapport Claris met l'accent sur le facteur humain. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de légiférer pour aller plus loin.

Enfin, je vous donne un exemple de normes. Si un collègue est victime de violences, pour déclarer l'agression à l'Observatoire national de la violence, 144 items sont à remplir. En cas d'erreur, l'Observatoire national nous renvoie le tout. Nous perdons du temps à cocher des cases, quand nous devrions plutôt accompagner la victime. Finalement, les formulaires ne sont pas remplis, faussant les statistiques au niveau national.

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