Intervention de Marie-Noëlle Gerain-Breuzard

Commission d'enquête Hôpital — Réunion du 18 janvier 2022 à 14h30
Audition des présidents des conférences de directeurs d'établissements de santé : Mme Marie-Noëlle Gérain-breuzard présidente de la conférence des directeurs de chu Mm. Francis Saint-hubert président de la conférence nationale des directeurs de centres hospitaliers et jacques léglise président de la conférence des directeurs d'établissements privés non lucratifs

Marie-Noëlle Gerain-Breuzard, présidente de la conférence des directeurs de CHU :

Concernant l'absentéisme et le taux de lits fermés, la période est complexe. Les chiffres évoluent chaque semaine. Lorsque l'article qui évoquait 20 % de lits fermés dans les hôpitaux a été publié, nous avons réalisé une enquête dans l'ensemble des CHU. 14 % de lits étaient alors fermés à l'AP-HP et 5 % en moyenne dans les autres CHU du territoire. Les chiffres sont donc à nuancer. Les CHU, en outre, enregistraient 8 à 9 % d'absentéisme en moyenne en 2019. En 2020, le taux a augmenté à 10 ou 11 %. Cette semaine, dans le CHU où je travaille, le taux atteint 15 %. 100 lits ont été fermés au CHU de Tours par manque de personnel. En tout état de cause, les réalités s'apprécient de manière variable selon les zones du territoire et selon les moments.

Sur les éléments à conserver après la crise, la situation a permis aux personnes de se connaître dans une institution de 10 000 salariés. Les personnes se sont rendu compte de l'utilité de chacun. Cet état d'esprit perdure. En revanche, la période ne doit pas être idéalisée, dans la mesure où de nombreuses interventions sur des patients non atteints par le covid sont déprogrammées. L'état de santé de la population se dégrade en conséquence. Le défi est devant les cardiologues, les cancérologues, les orthopédistes, etc. Il s'agit également de la réalité de la période de crise.

Je pense que nous avons besoin de normes de qualité. La vie de personnes est entre nos mains. Personne ne comprendrait que la santé s'affranchisse complètement de normes de qualité. En revanche, malgré la violence de la cinquième vague dans le CHU que je dirige, la Haute Autorité de santé nous rendra visite dans deux mois quoi qu'il arrive. Or la préparation d'une visite de la HAS requiert une énergie incommensurable. Simultanément, le Cofrac viendra labelliser les laboratoires, tandis que l'Autorité de sûreté nucléaire viendra labelliser la radioprotection dans les services d'imagerie. Vous pouvez imaginer ce que la somme des normes qui sont édictées par ces trois institutions représente de travail, de détails et de préparation pour toutes les équipes sur le terrain, malgré la cinquième vague. Des normes de qualité sont nécessaires ; nous apprécierions en revanche davantage de souplesse compte tenu des éléments de contexte pour mettre en place les visites de certification.

S'agissant de la comparaison avec les Espic, la marge de manoeuvre dont dispose M. Léglise pour négocier les rémunérations avec le corps médical est devenue la réalité quotidienne d'une direction des affaires médicales d'un hôpital public. Nous devons déployer beaucoup d'habileté pour tenter d'être concurrentiels, sachant que nous ne le sommes finalement pas. Avant d'entrer dans la salle, je recevais un message du chef de service de biochimie qui donnait un exemple que je vous livre : « Dans mon service deux internes, un brillant que je vais garder comme assistant et qui sera rémunéré 3 500 euros, un un peu moins bon qui part dans le privé qui sera rémunéré 8 500 euros. » Cette réalité est notre quotidien.

Sur la gouvernance et l'organisation en pôles ou en services, en tant que directeur de CHU, je serais incapable de rencontrer régulièrement 65 chefs de service. L'organisation en pôles est par conséquent indispensable sur un certain nombre de points. Lors de l'instauration des pôles, on avait pensé qu'au sein de ceux-ci, les médecins parleraient plus facilement de gestion entre eux. Je ne suis pas certaine que ce soit le cas. Il reste que le chef de pôle doit coordonner un ensemble, parler et prioriser les choix au nom de cet ensemble. La question de l'harmonie au sein d'une gouvernance est plus complexe que la simple organisation en pôles ou en services. Le service est un noyau. Je ne vois pas l'intérêt de l'abolir.

La loi Rist n'évoque pas que les pôles et les services. Comme le rapport Claris, elle mentionne les relations humaines au sein d'une équipe. Or les relations humaines ne se décrètent pas. Elles se construisent. Certains responsables médicaux, certains responsables paramédicaux et certains directeurs ont à vivre de vrais changements de culture. L'état d'esprit est difficile à installer. Les réformes doivent à présent être mises en oeuvre. Chacun n'y est pas prêt, y compris chez les présidents de CME. Du temps sera nécessaire pour éviter une nouvelle réforme dans quelques mois.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion