Intervention de Daniel Salmon

Réunion du 3 février 2022 à 14h30
Quelle réglementation pour les produits issus du chanvre — Conclusion du débat

Photo de Daniel SalmonDaniel Salmon :

Revenons au sujet de ce débat, qui avait vocation à embrasser la totalité de la filière du chanvre. Revenons sur cette plante, jadis cultivée pour ses fibres, puis tombée en désuétude notamment en raison du lobbying des industriels du nylon, du pétrole et de la pâte à papier.

Presque partout, le chanvre est aujourd’hui en pleine renaissance. Cette plante est capable de pousser en quelques mois jusqu’à trois mètres de haut, sans engrais ni pesticides, avec des rotations de culture de cinq ou sept ans.

Cannabis sativa L. répond formidablement aux défis écologiques, dans les domaines du bâtiment, du textile, du plastique biosourcé, des cosmétiques ou de l’alimentation. Il permet aussi au consommateur d’y trouver des bénéfices apaisants.

Les usages de cette plante sont donc multiples, et ses bénéfices peuvent être réellement source de bienfaits. Alors que la France est le premier producteur européen et le troisième au monde, avec 20 000 hectares de cultures, alors que le potentiel de la filière du chanvre, estimé à 2 milliards d’euros, ne demande qu’à croître, vous freinez inlassablement son développement au moyen d’une législation pouvant être qualifiée d’absurde et d’anachronique, comme le prouve dernièrement l’arrêté interdisant la vente des fleurs et des feuilles de chanvre. Par là même, vous affectez la rentabilité de l’ensemble de la filière.

Car, si la fleur n’est qu’une petite partie de la plante, les obstacles mis à l’encontre de sa commercialisation sont symboliques de toutes les chausse-trapes mises en place pour contrer cette filière.

En conséquence, les entreprises françaises sont contraintes de s’approvisionner à l’étranger pour commercialiser cette molécule, qui n’est pourtant pas classée comme stupéfiant, et subissent ainsi une distorsion de concurrence difficile à comprendre. En privilégiant l’importation au lieu de permettre une production locale et contrôlée, nous dégradons encore un peu plus le solde de notre balance commerciale.

Prisonniers d’une position dogmatique sur le cannabis, nous sommes en train de nous priver de l’un des plus formidables outils de la transition écologique.

Si cela ne nous surprend pas vraiment, madame la ministre, nous ne pouvons que regretter que le Gouvernement n’ait pas répondu aux questions et aux inquiétudes des acteurs de la filière.

Jusqu’à quand allons-nous rester coincés dans cette posture politicienne qui freine aujourd’hui l’émergence d’une filière française, que tant d’acteurs attendent ? Jusqu’à quand allons-nous sacrifier le potentiel de nos producteurs et notre savoir-faire ?

Il est maintenant temps d’aller de l’avant ! Au-delà des questions réglementaires, cette filière d’avenir demande l’appui de l’État pour se développer, mais reste largement ignorée, alors même que nous devons préparer la France de 2030.

Les acteurs demandent de nombreuses mesures afin que soit enfin rattrapé le retard que nous accusons face à nos voisins européens.

Tout d’abord, il faut assurer l’accompagnement financier des agriculteurs voulant lancer des chanvrières, et élaborer une cartographie globale des productions de chanvre dans toute la France, afin de faciliter les contrôles et le travail des autorités.

Ensuite, nous devons développer les débouchés de la protéine de chanvre, en intégrant cette plante auprès des légumineuses dans le plan Protéines du Gouvernement, le chènevis décortiqué et déshuilé contenant 60 % de protéines !

Il faut également édicter des normes claires et précises permettant d’utiliser le chanvre dans la construction. C’est une urgence pour la filière du béton de chanvre, affectée par les changements de bord des exigences de validation la concernant.

Enfin, il est essentiel de consacrer un budget spécifique pour réindustrialiser la France en consacrant des outils à la production de textiles issus du chanvre, afin de développer le savoir-faire français et de lutter contre le chanvre chinois, non écologique, qui pourrait demain envahir le marché aux dépens de la production française. Ainsi, le plan France 2030 pourrait constituer un levier pertinent pour abonder les fonds nécessaires.

Pour conclure, permettez-moi d’élargir mon propos sur la question de la légalisation du cannabis, dont la réglementation est, là aussi, bloquée par des positions rétrogrades et contre-productives.

Depuis les premières autorisations de mise sur le marché de médicaments contenant du THC en 2013, quand Mme Marisol Touraine était ministre des affaires sociales et de la santé, et si l’on excepte l’expérimentation engagée il y a deux ans autour du cannabis thérapeutique – nous la saluons, d’ailleurs –, presque dix années ont passé sans évolution réglementaire.

Pendant ce temps, vingt et un des vingt-sept pays de l’Union européenne ont autorisé le cannabis thérapeutique, alors que nous nous concentrions sur des expérimentations. Que de temps perdu, notamment pour les personnes souffrant de sclérose en plaques ou de glaucome !

Madame la ministre, on ne doit pas réduire le chanvre au THC et au CBD. C’est une vision globale des différentes utilisations de cette plante qui doit nous guider. Il est plus que jamais nécessaire d’avancer sur ces questions à partir de fondements objectifs, et de développer une approche pragmatique et adaptée à notre pays.

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