Intervention de Bruno Belin

Réunion du 3 février 2022 à 14h30
Lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides : les moyens sont-ils à la hauteur — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Bruno BelinBruno Belin :

À la question « sommes-nous à la hauteur ? », dont le groupe communiste, que je remercie, nous permet de débattre aujourd’hui, la réponse est « non », madame la ministre.

Les chiffres sont têtus et ils nous choquent – Mme Gruny évoquait son département de l’Aisne, qui a enregistré une hausse de plus de 23 % des violences sexuelles.

Les féminicides ont été plus particulièrement évoqués, mais nous devons avoir en tête aussi toutes les violences quotidiennes, et rechercher leurs causes.

Sommes-nous à la hauteur en matière de sécurité ? Non ! On le voit bien, nous ne sommes pas en capacité d’assurer la sécurité d’une femme au sujet de laquelle nous disposons pourtant d’informations préoccupantes relatives à son entourage. Nous ne sommes pas capables de lui fournir un hébergement.

Il faudrait d’ailleurs, madame la ministre, inverser la sanction du départ. Actuellement, en cas de problème dans un foyer, c’est la victime qui doit partir, ce qui pose une véritable difficulté en milieu rural – nos collègues Maryse Carrère et Daniel Chasseing l’ont noté –, où il n’existe pas de logements d’urgence. Si vous voulez mettre en œuvre un véritable plan contre les violences conjugales, il faudra un jour penser à la question du logement d’urgence.

Sommes-nous à la hauteur en matière de santé ? Non ! Le rapport réalisé par la délégation aux droits des femmes sur les femmes et la ruralité montre que treize départements n’ont pas de gynécologue, madame la ministre ! À chaque fois qu’un lieu de santé disparaît, c’est un lieu de confidence et de confiance qui disparaît. La progression des déserts médicaux est l’une des causes, selon moi, du développement de la violence intrafamiliale. À cet égard, je voudrais saluer mes consœurs et confrères pharmaciens qui ont su développer durant les confinements l’opération « masque 19 », permettant aux femmes de donner l’alerte en cas de violences.

Sommes-nous à la hauteur pour ce qui est de la place des femmes ? Non ! Au sein des conseils municipaux, nous avons su inventer les correspondants défense. Inventons les correspondants violence ! Cela ne coûterait rien ! À chaque fois qu’une femme peut être écoutée, c’est la parole qui se libère et vous vous mettez en situation d’apporter des réponses.

Cessons de nous réfugier derrière des quotas et décidons, tout simplement, d’ouvrir à la parité toutes les écoles qui forment les commissaires de police et les officiers de gendarmerie, mais aussi les plus grandes écoles de la République. Vous le savez comme moi, l’École nationale d’administration (ENA) compte actuellement 80 % d’hommes. Si, à chaque niveau de l’État, il n’y a pas une place pour les femmes, la violence sera toujours là.

Sommes-nous à la hauteur sur les questions de formation ? Non ! Vous le savez très bien, l’article L. 312-16 du code de l’éducation ne prévoit que quelques minutes d’éducation à la sexualité. Ouvrons les vannes de la formation, madame la ministre, à l’école et dans les collèges ! Ouvrons les vannes de l’instruction civique ! Par le respect que fera naître une telle formation, les choses s’amélioreront.

Laurence Rossignol et Laurence Cohen l’ont dit, un travail sur la pornographie est en cours au sein de la délégation aux droits des femmes. Je peux vous l’assurer, mes chers collègues, vous tomberez de votre siège quand vous entendrez ce qu’il en est en réalité de l’accès à cette pornographie et de la brutalité de la violence afférente. Il faudra avoir le courage de prendre un certain nombre de décisions : en la matière et une fois de plus, nous ne sommes pas à la hauteur.

Puisque l’occasion m’en est donnée, je veux saluer le travail accompli par la délégation aux droits des femmes et par sa présidente, Annick Billon. C’est un honneur d’y participer, madame. C’est une grande chance pour le Sénat que d’avoir cette délégation !

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