Intervention de Sophie Taillé-Polian

Réunion du 3 février 2022 à 14h30
Lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides : les moyens sont-ils à la hauteur — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Sophie Taillé-PolianSophie Taillé-Polian :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, 2022 ne fait que commencer et on recense déjà 13 féminicides, décompte macabre s’il en est.

Vous justifiez votre politique, madame la ministre, sur la base de chiffres qui traduiraient une diminution des violences. Je vous incite néanmoins à la prudence et à la mesure. En effet, ma collègue Laurence Rossignol et moi-même l’avons relevé ensemble, il y a eu 109 féminicides en 2016. Ces chiffres ne sauraient donc révéler une tendance. Ils dénotent simplement la persistance des violences et exigent que nous soyons à la hauteur de la situation.

Les violences, on le sait, sont perpétrées de multiples manières. À cet égard, je tiens à saluer les femmes qui ont le courage de prendre la parole et de porter la parole des victimes, dans des circonstances toujours difficiles et délicates, pour dénoncer de tels faits. C’est grâce à elles que nous avons progressivement pris conscience des problèmes très graves auxquels nous sommes confrontés.

Aujourd’hui, personne ne dit que le Gouvernement ne fait rien. En revanche, nous disons – cette formule a été prononcée à de nombreuses reprises au cours du débat – que le Gouvernement n’est pas à la hauteur. Il est difficile de l’être, certes : la situation est grave, très fortement enracinée dans notre société, où le patriarcat domine depuis des siècles.

Mais, de surcroît, le Gouvernement n’est pas à la hauteur de ses propres mots. Vous parlez de grande cause du quinquennat et brandissez le chiffre de 1 milliard d’euros, quand nous observons, sur le terrain, que le compte n’y est pas ; en découlent déceptions et colère.

En effet, la situation ne s’améliore pas beaucoup. Nous constatons que des associations dont les militants et les professionnels œuvrent à aider les femmes se retrouvent en difficulté. Nous constatons que la situation du logement ne permet pas de répondre aux problèmes qui sont pointés année après année.

On peut bien nous parler de grande cause nationale et nous dire que l’argent est là ; mais nous voyons que tel n’est pas le cas ! C’est le Gouvernement qui se met lui-même en difficulté…

Vous n’êtes pas à la hauteur des mots mêmes que vous prononcez ! Ce décalage engendre une grande colère et explique que nous ayons tant de mal à nous mettre d’accord, quand nous devrions, tous ensemble, promouvoir une dynamique collective.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour remercier le groupe CRCE d’avoir fait inscrire ce débat à l’ordre du jour.

Madame la ministre, vous seriez soutenue par l’ensemble des groupes politiques du Sénat si vous aviez été à la hauteur de vos mots et de ceux du Président de la République.

On ne saurait considérer que les choses vont beaucoup mieux aujourd’hui. Certes, un nombre important de femmes et d’hommes prennent conscience du problème. Les moyens mobilisés, néanmoins, ne sont pas à la hauteur, comme l’a bien montré mon collègue Éric Bocquet dans le rapport d’information qu’il a coécrit avec Arnaud Bazin au nom de la commission des finances – je ne doute pas qu’il y reviendra avec précision.

Les moyens et les montants mis en avant par le Gouvernement ne trouvent pas de traduction sur le terrain. Ce refrain du milliard d’euros est en définitive très artificiel ; on l’a bien vu au moment de la polémique engendrée par les annonces de Mme Schiappa fin 2019 et début 2020 ! Il ne faut pas jouer avec ça : nous sommes tous suffisamment conscients de la gravité des faits.

Il est temps qu’advienne un sursaut collectif. Le prochain quinquennat devra faire enfin de ce sujet une véritable grande cause ; le cas échéant, tout le monde répondra présent pour soutenir le travail engagé.

Sur le terrain, dans les commissariats, au moment des dépôts de plainte, lorsqu’il faut mettre à l’abri une famille ou protéger une femme qui prend la parole, les moyens ne sont pas là, malgré les belles paroles !

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