Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 3 février 2022 à 14h30
Lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides : les moyens sont-ils à la hauteur — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord souhaiter un prompt rétablissement à ma collègue Marie-Claude Varaillas, qui devait intervenir à ma place, mais est contrainte à l’isolement pour les raisons que vous savez.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a souhaité débattre de la lutte contre les violences faites aux femmes, qui avait été déclarée grande cause du quinquennat par Emmanuel Macron en 2017.

Le 1er décembre dernier, le ministre de la justice, M. Éric Dupond-Moretti, avait prononcé les mots suivants devant la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale : « on a fait énormément de choses, même si le crime nous rappelle parfois, hélas, qu’on n’en a pas fait assez peut-être. »

Comme l’a rappelé ma collègue Laurence Cohen dans sa présentation, la lutte contre les violences faites aux femmes s’est imposée dans le débat public. Au cours des cinq dernières années sont intervenues des évolutions législatives importantes, toutes grevées néanmoins d’un même défaut : des moyens budgétaires et humains insuffisants pour que les objectifs fixés dans la loi soient atteints.

En apparence, le budget consacré à la lutte contre les violences faites aux femmes a progressé durant le quinquennat.

Ainsi le budget du ministère délégué chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes a-t-il doublé entre 2017 et 2022, passant de 22, 3 millions d’euros à 50, 6 millions d’euros.

Toutefois, comme nous l’avions souligné, avec mon collègue Arnaud Bazin, dans notre rapport d’information de juillet 2020 sur le financement de la lutte contre les violences faites aux femmes, abondamment cité par nos collègues cet après-midi, il en va bien autrement dans la réalité.

En effet, l’augmentation du budget du ministère s’est accompagnée d’une augmentation de ses missions, réduisant de facto les crédits supplémentaires concrètement alloués à notre sujet.

Par ailleurs, une partie de cette enveloppe supplémentaire provient de la réallocation d’anciens crédits non utilisés, ce qui signifie que la mise en œuvre de certaines mesures s’est faite au détriment d’autres actions initialement prévues.

Le Gouvernement revendique une enveloppe totale de plus de 1 milliard d’euros consacrée à la lutte contre les violences faites aux femmes.

Mais là encore le compte n’y est pas, puisque ce milliard d’euros s’échelonne en réalité sur plusieurs exercices budgétaires. En outre, près de la moitié des fonds affichés va à la rémunération des enseignants qui abordent en classe les questions d’égalité entre les sexes.

Le bilan est donc à bien des égards à relativiser quant aux efforts financiers consentis durant ce quinquennat.

Il ne faut pas nier cependant les progrès qui ont été réalisés. Laurence Cohen disait en préambule que nous souhaitions un débat objectif. Cette volonté est partagée par les acteurs de terrain, en particulier les associations qui viennent en aide aux femmes victimes de violences.

Je pense notamment à l’association Femmes solidaires, qui a établi un rapport, en novembre 2021, sur l’accueil des femmes victimes de violences sexistes, sexuelles et conjugales par la police ou la gendarmerie.

Il est fait mention, dans ce rapport, de l’augmentation du nombre de policiers et gendarmes formés ou de l’intégration dans le cursus des magistrats d’une formation sur l’accueil des femmes victimes de violences.

Ses auteurs saluent par ailleurs le déploiement dans les commissariats et les gendarmeries de référents violences, d’intervenants et intervenantes sociaux, de psychologues, ainsi que l’organisation d’expérimentations prometteuses, comme celle de la Maison des femmes de Saint-Denis, qui accueille dans ses locaux des policiers et policières spécifiquement formés afin que les plaintes des victimes puissent être prises sur place.

L’association Femmes solidaires note néanmoins la persistance des freins auxquels sont confrontées les victimes. Ainsi, la peur des représailles, l’absence de soutien des proches, parfois, le coût d’une procédure et l’appréhension engendrée par le fait de se rendre dans un commissariat ou une gendarmerie – telles sont les raisons invoquées le plus fréquemment – font que seule une victime de violences sur six porte plainte.

Les victimes continuent de subir le manque de personnel, qui rend impossible de garantir un accueil de qualité, ainsi que les pénuries de moyens, qui font matériellement obstacle aux dépôts de plainte et empêchent la justice de remplir sa mission dans les meilleurs délais et de garantir ainsi la sécurité des femmes.

Face à une telle situation, les associations apportent leur aide aux femmes en participant à l’accueil avec les services de police ou de gendarmerie. Ces relations sont citées comme un facteur important d’amélioration de l’accueil et de l’audition de la victime. Elles permettent une prise de rendez-vous plus rapide et plus efficace, avec une personne formée sur les questions de violences, mais aussi une présentation, en amont de l’audition, de la situation de la victime.

Madame la ministre, ma première question sera donc la suivante : que pensez-vous de la proposition d’intégrer les associations dans le processus d’accueil des victimes de violences ?

La pandémie a affecté l’ensemble de la société, et les plus précaires ont été particulièrement touchés. Ma collègue Michelle Gréaume avait déposé, voilà un an, une proposition de loi visant à mettre en place une aide financière d’urgence en direction des victimes de violences conjugales. Nous constatons, dans notre territoire, que l’un des principaux freins au départ du domicile, outre l’emprise exercée par le conjoint, est le manque de ressources financières propres.

La mise en place d’une aide financière d’urgence destinée aux victimes de violences conjugales permettrait d’encourager la démarche de départ.

Tel sera l’objet de ma deuxième question : que pensez-vous, madame la ministre, de la proposition consistant à attribuer pendant trois mois, sous forme d’avance sur droits, soit directement à la personne soit à la structure d’hébergement d’urgence, une aide financière afin d’aider les victimes de violences conjugales à quitter le domicile ?

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