Intervention de Annick Billon

Réunion du 3 février 2022 à 14h30
Lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides : les moyens sont-ils à la hauteur — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Annick BillonAnnick Billon :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a beaucoup à dire et à faire sur le sujet grave qui nous réunit aujourd’hui. Chaque année, en France, 213 000 femmes sont victimes de violences de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Et 113 femmes sont mortes en 2021.

Les récents chiffres publiés par le ministère de l’intérieur font état d’une hausse de 57 % des violences intrafamiliales et de 82 % des violences sexuelles déclarées depuis le début du quinquennat.

Comment ne pas être découragé par ces chiffres, alors même que la lutte contre les violences faites aux femmes a été déclarée « grande cause du quinquennat » par le Président de la République au début de son mandat ?

J’aimerais pour ma part saisir l’occasion offerte par l’organisation de ce débat, inscrit à l’ordre du jour par le groupe CRCE – je remercie à cet égard Laurence Cohen, très investie dans la délégation aux droits des femmes –, pour mettre en lumière des femmes qui sont trop souvent les oubliées des débats publics et des financements : je veux parler des 11 millions de femmes des territoires ruraux.

La délégation aux droits des femmes a mené un travail de fond sur le sujet, rédigeant un rapport intitulé Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l ’ égalité.

Quand nous avons commencé à nous pencher sur cette question, aucune des 181 mesures de l’agenda rural ne mentionnait l’égalité entre les femmes et les hommes ni quelque problématique spécifique aux femmes que ce soit. Je me réjouis que le Gouvernement ait décidé de se saisir de ce sujet.

En matière de violences, ces femmes font face à ce que l’on pourrait qualifier de « double peine » : elles sont proportionnellement davantage victimes de violences, puisque la moitié des interventions de gendarmerie pour violences intrafamiliales et la moitié des féminicides ont lieu dans ces territoires ruraux, alors même qu’ils ne réunissent qu’un tiers de la population.

Ces femmes sont aussi plus isolées, moins informées, moins protégées. Un quart seulement des appels au numéro d’écoute 3919 émane des territoires ruraux.

À cela s’ajoutent des difficultés de mobilité, qui compliquent le dépôt de plainte, le recours aux associations ou encore le départ du domicile.

En résumé, l’identification et la protection des femmes victimes de violences sont plus complexes en milieu rural. Les acteurs locaux manquent souvent de moyens. Ils souffrent d’un défaut de coordination, qui affaiblit le pilotage des politiques publiques de lutte contre les violences.

Face à ces constats, notre délégation a formulé de nombreuses recommandations. J’en citerai quatre.

Tout d’abord, il convient de mieux communiquer autour des dispositifs d’aide existants, de s’appuyer davantage sur les pharmaciens – ce n’est pas notre collègue Bruno Belin qui me contredira ! –, de généraliser le recours aux supports de communication du quotidien tels que les sachets de pain, les boîtes postales ou tout autre dispositif susceptible d’être vu par les femmes concernées.

Ensuite, il faut améliorer les conditions d’accueil des victimes, en mettant en place au moins une maison de confiance de la gendarmerie nationale dans chaque département. Il est également nécessaire de recruter davantage d’intervenants sociaux en gendarmerie et de renforcer la formation professionnelle des accueillants. Ces mesures doivent être prises dans chaque département, sans oublier, évidemment, les territoires ultramarins.

Par ailleurs, nous devons développer les dispositifs d’hébergement, pour les victimes, mais aussi pour les auteurs de violences, dont la prise en charge permet de réduire le risque de récidive.

Enfin, la délégation recommande de nommer au sein de chaque équipe municipale un référent égalité, qui servirait notamment de point d’entrée sur le sujet des violences intrafamiliales.

Je résume : plus de fluidité, plus de cohérence entre les acteurs, plus de moyens. Madame la ministre, je vous sais très attentive à toutes les propositions émises par la délégation aux droits des femmes du Sénat. Quelles suites entendez-vous donner à ses 75 recommandations ?

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