Intervention de Martine Filleul

Réunion du 3 février 2022 à 14h30
Lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides : les moyens sont-ils à la hauteur — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Martine FilleulMartine Filleul :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, grâce au groupe communiste, que je remercie, la question nous est posée cet après-midi de savoir si les moyens déployés en matière de lutte contre les violences faites aux femmes sont à la hauteur.

Sortant des polémiques et regardant la réalité crue des chiffres, nous devons bien nous résoudre à dénombrer 146 féminicides en 2019, 102 en 2020, 113 en 2021 et 13 depuis le début de cette année ! Ces chiffres apportent à eux seuls la réponse : assurément non, alors même qu’Emmanuel Macron avait annoncé que la lutte contre les violences faites aux femmes serait la grande cause de son quinquennat.

Si des avancées sont à noter sur le plan législatif, le déploiement des politiques publiques est clairement insatisfaisant, les moyens étant nettement insuffisants par rapport à l’ampleur du phénomène.

Sur les 46 mesures annoncées dans le cadre du Grenelle des violences conjugales voilà plus de deux ans, seules 38 sont totalement réalisées à ce jour. Il s’agit essentiellement des moins coûteuses ; celles qui exigent des moyens se font toujours attendre… C’est notamment le cas de l’accompagnement social et de l’hébergement d’urgence des victimes de violences contraintes de fuir leur domicile.

À l’heure actuelle, la mise en sécurité des femmes est empêchée par la saturation des dispositifs d’hébergement spécialisés et par l’absence de solutions d’accompagnement adaptées : 40 % des femmes qui appellent le 115 et demandent un hébergement d’urgence ne se voient proposer aucune solution et 12 % d’entre elles seulement obtiennent en définitive une place dans un lieu d’accueil adapté où elles bénéficient d’un accompagnement spécialisé, crucial pour la sortie des violences.

La Fondation des femmes estime qu’il manque au bas mot 32 millions d’euros au budget de l’État pour répondre aux besoins et créer les 13 000 places d’hébergement spécialisé manquantes.

Plus largement, avec la libération de la parole des victimes, les associations font face à un afflux de femmes qui recherchent un accompagnement et à une recrudescence de leur activité. Or, les moyens dont elles disposent étant largement insuffisants, elles se retrouvent dans l’incapacité de répondre à certaines demandes d’aide, d’écoute ou de soutien.

Par ailleurs, la politique de prévention a été un véritable angle mort du Grenelle. En effet, pour intervenir en amont des violences et engager un véritable changement des mentalités parmi les jeunes générations, la prévention en milieu scolaire et la formation à l’égalité représentent un enjeu majeur. Or, sur ce plan, rien de significatif n’a été entrepris. Un grand nombre d’établissements scolaires n’ont pas les moyens d’assurer les cours de sexualité et d’égalité.

De manière générale, il faut améliorer la culture de la protection dès les premières violences révélées et augmenter massivement le nombre d’ordonnances de protection accordées.

Il faut également davantage de magistrats, de policiers et de gendarmes sélectionnés, formés et volontaires : non seulement les victimes ne sont que 27 % à se déplacer au commissariat ou à la gendarmerie, mais, de surcroît, de nombreuses femmes rencontrent des difficultés pour déposer plainte, confrontées à un refus des forces de l’ordre.

Je vous pose donc, madame la ministre, la question que toutes les associations et toutes les victimes vous adressent : à quand le « quoi qu’il en coûte » contre les violences faites aux femmes ?

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