Intervention de Jean-Michel Arnaud

Réunion du 3 février 2022 à 14h30
Lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides : les moyens sont-ils à la hauteur — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Jean-Michel ArnaudJean-Michel Arnaud :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le mouvement de libération de la parole, engagé à partir de 2017, et qui restera probablement dans nos livres d’histoire comme un marqueur social du début du XXIe siècle, a propulsé dans l’agenda politique et médiatique la question des violences sexistes et sexuelles.

Ce fléau est tristement illustré par les derniers chiffres du ministère de l’intérieur, qui constate une augmentation de 33 % des violences sexuelles en 2021. Les intervenants qui m’ont précédé ont rappelé ces chiffres terribles : 113 femmes tuées en 2021, 13 depuis le début de l’année… Tout cela est insupportable non seulement pour ces femmes et pour leurs familles, mais aussi pour tous les hommes de France qui ne se reconnaissent pas dans la manière dont un certain nombre de nos concitoyennes sont maltraitées, quand elles ne sont pas tout simplement assassinées, par des membres de la classe masculine.

Quels sont les résultats, à ce jour, de la politique de lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides, consacrée grande cause du quinquennat par le président Macron ?

Si des évolutions législatives et réglementaires louables, résultant d’une véritable prise de conscience transpartisane, sont à porter au crédit du présent quinquennat – d’aucuns les ont évoquées avant moi –, celles-ci doivent désormais infuser dans toutes les politiques publiques. C’est en ce sens que la délégation aux droits des femmes, comme l’a rappelé la présidente Billon, que je salue, a enjoint le Gouvernement à prendre en compte cette problématique dans le cadre de l’agenda rural, à la suite des travaux dont est issu le rapport intitulé Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l ’ égalité – j’en fus l’un des corapporteurs. La ministre Elisabeth Moreno et le secrétaire d’État Joël Giraud, chargé de la ruralité, ont entendu l’appel du Sénat : je les en remercie sincèrement.

Parallèlement à ces avancées juridiques et symboliques, des moyens financiers supplémentaires ont régulièrement été annoncés. Malheureusement, ils ne sont pas encore à la hauteur de l’enjeu, surtout en matière de judiciarisation des violences faites aux femmes. Il subsiste un manque patent de moyens, directement lié à la paupérisation de la justice en France : je rappelle que sur 1 000 euros de dépense publique 4 petits euros seulement sont alloués au ministère de la justice.

Cette donnée budgétaire se traduit par de réelles carences sur le terrain : dans mon département, les Hautes-Alpes, il n’existe plus à ce jour de médecine légale, discipline pourtant indispensable à la sécurisation des réponses pénales dans les affaires de violences, notamment intrafamiliales. Oui, vous avez bien entendu : il n’y a aucun médecin légiste dans un département comme le mien !

Par ailleurs, en amont de la phase judiciaire, il est indispensable d’améliorer les dispositifs d’alerte et de prévention. Je pense notamment à la formation des primo-intervenants à la détection des signaux faibles, dont la manifestation s’apparente souvent à des suspicions de violences. Plus la détection est précoce, vous le savez, plus l’efficacité de la prise en charge s’en trouve accrue.

Comme l’a évoqué Bruno Belin voilà quelques instants à propos des pharmaciens, je pense que d’autres professionnels de santé, sages-femmes, maïeuticiens, pourraient être sensibilisés à ces problématiques dans le cadre de leur activité libérale et associés aux processus et protocoles de prévention.

Si l’aspect financier reste central, il ne faut pas sous-estimer la question de l’organisation des services mobilisés. Lors des auditions que nous avons menées préalablement à l’élaboration du rapport d’information Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l ’ égalité, nous avons réalisé que l’impératif de coordination des acteurs restait sans doute le nerf de la guerre : détecter, signaler et prendre en charge une femme victime de violences appelle une coordination de différents services relevant souvent de divers ministères. Cet effort d’horizontalité ne va pas de soi dans une administration toujours très verticale.

Face à ces freins, des initiatives issues du terrain ont vu le jour. Je pense, par exemple, au travail accompli par les maisons de confiance et de protection des familles au sein des groupements de gendarmerie. Il serait par ailleurs important de systématiser les permanences des CIDFF dans les maisons France Services.

Sans revenir sur les propositions contenues dans notre rapport, déjà évoquées par ma collègue Annick Billon, je tiens à souligner également les difficultés induites par la raréfaction de certains services publics, phénomène qui complexifie encore la lutte contre les violences faites aux femmes.

Pour conclure, je tiens à saluer non seulement l’ensemble des associations de femmes, mais aussi les hommes qui se battent sur le terrain pour aider les femmes victimes à trouver une solution d’hébergement d’urgence et pour apaiser leurs souffrances physiques et psychiques.

Madame la ministre, j’espère que les 75 recommandations de notre rapport Femmes et ruralité pourront trouver les traductions concrètes que les femmes et les hommes de notre pays attendent.

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