Intervention de Elisabeth Moreno

Réunion du 3 février 2022 à 14h30
Lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides : les moyens sont-ils à la hauteur — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Elisabeth Moreno :

Madame la présidente, avant toute chose, permettez-moi de vous remercier de votre patience. Ces débats suscitent tant de passion qu’il a pu nous arriver de dépasser le temps de parole qui nous était imparti.

Je vous remercie également, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, pour ces échanges très riches, et je salue l’inscription à l’ordre du jour de vos travaux de ce débat sur les violences conjugales et intrafamiliales.

Il y a des combats qui nécessitent de dépasser les clivages partisans, il y a des combats qui appellent à faire preuve d’autant de détermination que d’humilité, il y a des combats qui ne peuvent être instrumentalisés à des fins politiciennes : le combat contre les violences conjugales et intrafamiliales est de ceux-là.

Parce que ce fléau tue, parce que des vies humaines sont en jeu, j’ai l’intime conviction que nous devons faire preuve de la plus grande exemplarité. Nous le devons, tout d’abord, aux victimes. Nous le devons, ensuite, aux associations qui, depuis des années, dénoncent ces violences et travaillent sans relâche à y mettre un terme. Nous le devons aussi, de manière plus générale, à nos concitoyennes et à nos concitoyens.

Si le Gouvernement s’est investi comme jamais auparavant pour enrayer ce fléau, le travail législatif a été lui aussi extrêmement important et précieux ; je veux vous en remercier.

Bien sûr, des différends et des divergences de vues ont pu apparaître entre nous. Pour autant, in fine, nous pouvons être fiers d’avoir œuvré collectivement à toujours mieux protéger les victimes de violences dans notre pays. C’est là l’idée que je me fais de l’action publique, loin des polémiques stériles. Il importe que nous mettions notre énergie au service des victimes, qui en ont besoin. Je crois à la coconstruction et au débat entre le Parlement et le Gouvernement, entre la majorité et les oppositions. Tels sont les ingrédients clés pour atteindre nos objectifs.

Longtemps tues, longtemps ensevelies sous l’indifférence collective, cantonnées à la rubrique des faits divers, les violences conjugales et intrafamiliales sont à présent au cœur du débat public. La loi du silence s’est brisée. La passion qui s’est exprimée dans nos échanges cet après-midi témoigne de notre préoccupation accrue sur ce sujet ; c’est tant mieux !

Les vagues de libération de la parole, sur les réseaux sociaux notamment, le travail acharné des associations, que beaucoup d’entre vous ont souligné, et la mobilisation des élus ont produit leurs fruits : désormais, de plus en plus, les victimes parlent, et la société ouvre enfin les yeux.

Néanmoins, vous le savez, le chemin qui mène à l’éradication totale des violences faites aux femmes est long. Cette transformation culturelle est pourtant salutaire ; je voudrais, comme vous, pouvoir l’accélérer.

Parce que ces violences se nichent dans tous les interstices de notre société, parce qu’elles ignorent les frontières géographiques, sociales ou culturelles, les réponses à fournir pour les enrayer mobilisent une myriade d’intervenants différents : les forces de l’ordre, les professionnels de santé, les acteurs judiciaires, les travailleurs sociaux, les associations.

Oui, c’est bien là le premier pilier de la « grande cause » de ce quinquennat. Ce combat est un enjeu interministériel que le Président de la République et le Gouvernement ont érigé en grande priorité. Nous devrions tous saluer cette initiative, que beaucoup de mes homologues, dans d’autres pays, nous envient.

À ce propos, vous avez été nombreux à saluer le travail de l’Espagne, où je me suis rendue, au mois de juillet dernier, afin de rencontrer mon homologue et de comprendre ce qui avait été accompli dans ce pays. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, cela fait quinze ans que l’Espagne se bat pour éradiquer le fléau des violences conjugales. Pourtant, la ministre Irene Montero me confiait qu’elle doit continuer de faire face à ce qu’elle appelle le « terrorisme familial ». Nous devons donc rester humbles.

Notre ambition reste forte et je m’y accroche, parce que j’y crois. Cette ambition, nous l’avons rendue concrète et réelle. Nous avons fait en sorte que le numéro national d’écoute et d’accompagnement, le 3919, soit désormais accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Le budget alloué à mon ministère a été doublé. Nous avons démultiplié les bracelets anti-rapprochement, les téléphones grave danger, ainsi que les ordonnances de protection. Nous avons augmenté le nombre d’intervenants sociaux dans les commissariats et dans les gendarmeries. Le nombre de postes d’enquêteurs spécialisés dans les violences intrafamiliales sera multiplié par deux d’ici cinq ans.

Par ailleurs, une expérimentation est en cours pour que les victimes puissent aller déposer plainte chez des amis, à la mairie, dans une association, dans tous les lieux où elles se sentent suffisamment en sécurité pour le faire. Nous avons également mis en place, avec Olivier Véran, un dispositif de dépôt de plainte et de recueil de preuves sans dépôt de plainte auprès des femmes victimes de violences accueillies à l’hôpital.

Enfin, 30 centres de prise en charge des auteurs de violences ont été ouverts dans l’Hexagone et en outre-mer pour lutter contre la récidive.

Il s’agit là de mesures très concrètes, qui ont fait leurs preuves et sur lesquelles le Parlement s’est engagé.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le combat pour éradiquer les violences faites aux femmes n’est pas un combat idéologique, c’est un combat culturel. Il s’agit d’un enjeu de civilisation, et nous avançons à grands pas. Si le nombre de féminicides a baissé depuis quinze ans, si les victimes se signalent aujourd’hui beaucoup plus qu’hier, ce combat n’est pas encore achevé pour autant. C’est pourquoi nous devons rester humbles et déterminés.

Oui, c’est vrai, il faut aller plus loin. Oui, c’est vrai, nous pouvons améliorer les dispositifs existants. Oui, c’est vrai, la tolérance zéro doit être de rigueur en cas de défaillances et de manquements. C’est pourquoi nous ne relâcherons pas nos efforts.

Mais les victimes ont aussi besoin de savoir qu’il n’y a pas de fatalité et que des vies sont sauvées tous les jours. Continuons de nous battre ensemble, et nous réussirons à enrayer ce fléau dans notre pays !

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