Intervention de Christian Redon-Sarrazy

Réunion du 3 février 2022 à 14h30
Évaluation de l'opportunité et de l'efficacité des aides versées au titre du plan de relance dans le cadre de la crise sanitaire — Débat organisé à la demande du groupe socialiste écologiste et républicain

Photo de Christian Redon-SarrazyChristian Redon-Sarrazy :

Les conséquences de la crise que nous traversons seront comparables à celles des chocs pétroliers de 1973 et de 1979. Quelle est la vision le Gouvernement ? En a-t-il seulement une ?

Troisièmement, la filière industrielle connaît toujours d’importantes difficultés de recrutement : 80 000 postes seraient à pourvoir et 44 % des entreprises déclarent peiner à trouver des employés. Bien que les embauches aient repris, le contexte reste tendu et pourrait contraindre encore la reprise. Quelle politique de revalorisation salariale entendez-vous impulser ? Comment allez-vous procéder ?

À ces défis, le Gouvernement répond par un retour à l’ordinaire, comme si la reprise était acquise.

Pas de budgets supplémentaires, en 2022, pour mettre en œuvre les contrats de filière, alors que ceux-ci ont un rôle clé à jouer !

Pas d’abondement ni de pérennisation des actions du plan de relance qui ont fait leurs preuves et répondent, même hors crise, à de vraies défaillances de marché !

Pas de crédits nouveaux non plus pour financer les actions menées au niveau territorial !

Je ne relève, par ailleurs, aucune politique prévisionnelle cohérente et concrète en matière de gestion de l’emploi et de reconversion des personnels, alors que les mutations sectorielles liées à la transition écologique entraînent des bouleversements profonds et des destructions de postes.

À la place de toutes ces actions, pourtant nécessaires, le Gouvernement nous présente un énième grand plan.

Depuis 2017, c’est donc le quatrième : deux programmes d’investissements d’avenir, PIA 3 et PIA 4, France Relance, et maintenant France 2030, pour un montant total de plus de 100 milliards d’euros, en grande partie débudgétisés, d’ailleurs. On n’attend même plus qu’un programme soit épuisé ni même évalué pour lancer le suivant !

Ces divers plans sont ensuite librement reventilés, réorientés, redéployés, au gré des orientations budgétaires et du calendrier politique du moment.

La Cour des comptes ne cesse d’en souligner les défaillances, mais on continue : pourquoi se priver, en 2022, d’un nouveau chèque en blanc de 34 milliards d’euros, adopté par amendement à l’Assemblée nationale, sans aucune étude d’impact ?

Je note que huit des dix actions indicatives de France 2030 sont déjà traitées dans le PIA 4, annoncé voilà moins d’un an, et qui n’est pas encore déployé…

Ces choix traduisent au mieux un manque d’anticipation préoccupant, qui conduit à présenter chaque année de nouveaux plans plus gros encore, pour financer toujours les mêmes secteurs, au pire un mépris de la procédure budgétaire, qui permet au Gouvernement de se constituer une réserve de dépenses en période préélectorale. Notons, d’ailleurs, qu’une « révision » du plan France 2030 est prévue dès le mois de juin 2022…

Je ne retrouve pas dans tout cela l’ambition qui devrait être celle de notre pays. L’assouplissement des règles d’aides d’État et le montant colossal du plan de relance ne doivent pas faire tourner les têtes : il importe avant tout de se doter d’une vision stratégique en matière de réindustrialisation, loin des seules « relocalisations vitrines », en faisant un effort global de compétitivité.

Là aussi, il faut voir plus loin et peser sur les discussions au niveau européen pour que la France bénéficie d’un retour sur investissement de sa production nucléaire et, plus largement, de son mix énergétique. De la sorte, nous pourrions garantir pour notre pays une compétitivité « durable » – au sens du concept de « développement durable » – de notre industrie.

En tout état de cause, le comité d’évaluation du plan France Relance juge insuffisant l’impact environnemental des mesures de relance.

La politique du Gouvernement manque d’ambition en matière de transformation stratégique durable de l’industrie.

Madame la ministre, quels enseignements tirez-vous de la mise en œuvre du plan de relance ? Comment prenez-vous structurellement en compte les augmentations faramineuses des prix de l’énergie, du carbone et des intrants stratégiques importés ?

René Char, avec qui j’ai commencé mon propos, engageait à « conduire le réel jusqu’à l’action » : le réel, c’est la place de la France dans le monde, laquelle s’est affaiblie au cours des cinq années passées. Pour ce qui est de l’action, il faudra bien plus que les plans France Relance ou France 2030 pour engager notre pays sur la voie du redressement indispensable au bien-être de chaque Français !

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