Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du 3 février 2022 à 14h30
Évaluation de l'opportunité et de l'efficacité des aides versées au titre du plan de relance dans le cadre de la crise sanitaire — Débat organisé à la demande du groupe socialiste écologiste et républicain

Agnès Pannier-Runacher :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviendrai pas sur l’ensemble des mesures d’urgence qui ont été mobilisées, et continuent de l’être pour quelques secteurs et entreprises particulièrement touchés par la crise, car tel n’est pas l’objet du débat du jour.

Je concentrerai en revanche mon propos sur le plan de relance, qui a été pensé très tôt comme l’instrument nécessaire pour protéger l’investissement et relancer l’économie, dans un contexte inédit de crise sanitaire puis de crise économique.

Ce plan de relance a également été conçu comme un instrument stratégique au service des transitions environnementale et digitale, dans un souci de résilience. Il est donc le garant de notre compétitivité.

Le plan France Relance, vous le savez, s’élève à 100 milliards d’euros, dont 40 milliards seront financés par l’Union européenne. Il a été construit et déployé en un temps record, j’y reviendrai. Je remercie le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain d’offrir au Gouvernement l’occasion de dresser aujourd’hui un bilan de sa mise en œuvre.

Pour assurer le déploiement efficace du plan France Relance, nous avons suivi une méthode ; cette méthode privilégie le collectif et la concertation, ainsi que l’impact.

Le collectif, tout d’abord : depuis la conception du plan de relance, et tout au long de son déploiement, nous n’avons cessé de consulter les acteurs et de les associer à la construction de notre vision stratégique.

Si le plan de relance a été préparé aussi rapidement, c’est qu’il est issu de plus d’un an de travail sur le Pacte productif, associant organisations syndicales, élus du territoire, élus nationaux, filières industrielles et experts académiques. Ce sont ces éléments, pensés collectivement et sur la base d’une stratégie parfaitement pesée, qui nous ont permis d’aller si vite sur le plan de relance.

Par ailleurs, le suivi de sa mise en œuvre a été confié au comité national de suivi de la relance et, au niveau local, aux comités régionaux et départementaux de pilotage et de suivi du plan de relance, présidés notamment par les préfets.

Le suivi est par ailleurs assuré au quotidien, au gré des retours auxquels vous avez pour partie contribué, par les instances de pilotage de chacune des politiques publiques, par exemple par le Conseil national de l’industrie (CNI), structuré en dix-neuf comités stratégiques de filière.

Cette concertation et cette vision nous ont permis d’améliorer sans cesse les dispositifs. Je pense, par exemple, à la simplification du processus de dépôt des dossiers pour les aides à l’industrie en octobre 2020.

Elles nous ont également permis de procéder à des redéploiements destinés à affecter la ressource là où l’effet de relance est le plus efficace.

Le principe d’impact, ensuite : nous avons eu à cœur de mettre en œuvre un plan de relance de façon rapide, ciblée, en nous donnant un objectif très clair : augmenter la croissance potentielle de notre pays en anticipant les transformations digitales et environnementales nécessaires.

Nous avons engagé tous les volets du plan de relance dès septembre 2020. Au début de l’année 2021, Bruno Le Maire et moi-même nous étions fixés pour objectif que 70 % du plan soit engagé d’ici à la fin de cette même année 2021. C’est chose faite : le taux d’engagement du plan France Relance a atteint 72 % à la fin 2021.

Les crédits ont été ventilés de manière équilibrée entre nos trois priorités, lesquelles sont parfaitement connues et stratégiques : contrairement à ce que j’ai cru entendre ici et là, elles n’ont jamais été perdues de vue !

Trois priorités, donc : 25 milliards d’euros ont été engagés pour accélérer la transformation écologique, 20 milliards d’euros pour le renforcement de notre compétitivité et pour la reconquête industrielle, 26 milliards d’euros pour soutenir la cohésion sociale, en particulier l’emploi et la cohésion territoriale.

Après seize mois de déploiement, où en sommes-nous ? Depuis septembre 2020, nous n’avons cessé de dire que l’efficacité de France Relance serait jugée à l’aune de la croissance, de l’emploi et de la réalisation des objectifs qui ont été fixés – amélioration de l’offre française, décarbonation, qualification, compétences et cohésion sociale.

Quant aux objectifs macroéconomiques de court terme que nous avions fixés à l’été 2021, ils sont atteints. La croissance du PIB avait été initialement estimée à 5 % pour 2021 ; elle atteint, selon l’Insee, un niveau de 7 %. Nous devions retrouver un niveau d’activité d’avant-crise mi-2022, c’était chose faite dès la fin du troisième trimestre 2021. La France est d’ailleurs, je tiens à le souligner, le premier pays européen à avoir retrouvé son niveau d’activité d’avant-crise.

L’objectif du plan de relance était de faire baisser dès 2021 le niveau du chômage ; l’emploi salarié en France a dépassé son niveau d’avant-crise dès le deuxième trimestre 2021.

L’ensemble de ces données sont parfaitement documentées par l’Insee : nulle expression politique n’intervient dans ce tableau.

Un million d’emplois, je le rappelle, ont été créés durant le quinquennat. Nous avons aujourd’hui, alors que nous venons de traverser la crise sanitaire et économique la plus impactante de ce siècle, le plus haut taux d’emploi depuis cinquante ans. On peut bien considérer que ce n’est pas suffisant, mais ce constat est lui aussi tout à fait documenté.

France Relance n’est pas qu’un plan de relance conjoncturel, c’est aussi une réponse à trois défis structurels que doit relever notre économie : la décarbonation et l’accélération de la transition écologique ; l’amélioration de l’offre française et la reconquête industrielle ; l’emploi, la formation et les qualifications.

Pour ce qui est de l’accélération de la transition écologique, je prendrai pour exemple la décarbonation de l’industrie. Trois feuilles de route très claires ont été publiées l’année dernière, retraçant les stratégies respectives de décarbonation des trois filières qui sont responsables de 75 % des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie : la métallurgie, le ciment et la chimie lourde.

Deux dispositifs viennent compléter ces feuilles de route. Le premier prévoit l’accélération des investissements visant à améliorer l’efficacité énergétique des procédés de production et à développer la production de chaleur par la valorisation des combustibles de récupération. Nous y consacrons une enveloppe de 1, 2 milliard d’euros.

Des investissements sont prévus, deuxièmement, dans les innovations qui nous permettront d’atteindre ces objectifs – je pense notamment à l’hydrogène bas-carbone.

Les résultats sont là : à date, plus de 140 projets de décarbonation, représentant 2, 8 millions de tonnes d’émissions de CO2 évitées, sont engagés, l’objectif étant d’atteindre, d’ici à la fin de ce semestre, les 3, 6 millions de tonnes, chiffre auquel il était prévu d’arriver, dans le cadre de notre trajectoire carbone, en dix-huit mois ! L’objectif est réalisé, c’est un acquis, et tout ce qui sera fait en plus équivaudra à une accélération de notre trajectoire.

Deuxième défi : la reconquête industrielle. Le constat a été dressé : une situation de dépendance industrielle dans certains secteurs critiques et une désindustrialisation progressive qui est le fruit de trente années de capitulation.

Je ne reviendrai pas sur les mesures qui ont permis, depuis quatre ans maintenant, de relancer la reconquête industrielle et de recréer de l’emploi pour la première fois dans ce secteur depuis 2000.

Je me concentrerai sur l’impact du plan de relance. Dans ce cadre, 10 600 projets industriels ont été financés, tous dispositifs confondus, autour de quatre priorités très claires : la décarbonation, que j’ai mentionnée ; la modernisation des chaînes de production, au travers du guichet « industrie du futur » ; l’innovation ; un choc de relocalisation.

Pour ce qui concerne l’innovation, vous avez évoqué l’automobile et l’aéronautique, monsieur le sénateur Redon-Sarrazy. Sachez que plus de 1 000 entreprises de la sous-traitance ont été accompagnées via le Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac) et le Comité d’orientation pour la recherche automobile et mobilité (Coram).

Quant au choc de relocalisation, il a d’ores et déjà permis d’accompagner 750 projets de relocalisation, notamment dans des secteurs critiques tels que la santé, l’électronique, l’agroalimentaire, les intrants critiques et le nucléaire.

Ces dispositifs, je le précise, ont bénéficié à plus de 90 % à des TPE, à des PME et à des entreprises de taille intermédiaire. Ils ont permis de financer 15 milliards d’euros d’investissements et de protéger ou de créer 230 000 emplois industriels.

Le troisième défi structurel que doit permettre d’affronter France Relance est celui des compétences. Je ne m’y étendrai pas, car il me reste peu de temps. J’indique seulement que 2 millions de primes à l’embauche ou à l’apprentissage ont été versées, et que 2021 fut une année historique pour l’apprentissage, puisque 720 000 jeunes y sont entrés, alors qu’ils étaient moins de 300 000 en 2017.

Oui, France Relance est un succès, même si cela ne diminue en rien tout le travail que nous devons continuer à mener pour conforter la position de notre économie.

Je souhaite conclure en rappelant que nous sommes le pays européen le plus avancé dans le déploiement de ce plan. Sans doute cela explique-t-il le différentiel de croissance que nous observons et, partant, les chiffres de notre balance commerciale. Il est acquis que lorsqu’un pays bénéficie d’un tel différentiel de croissance sa balance commerciale « tire » de facto sur les importations. Il s’agit là d’un effet macroéconomique parfaitement explicable, a fortiori dans un contexte d’augmentation du prix des matières premières.

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