Intervention de Jean-Claude Tissot

Réunion du 3 février 2022 à 14h30
Évaluation de l'opportunité et de l'efficacité des aides versées au titre du plan de relance dans le cadre de la crise sanitaire — Conclusion du débat

Photo de Jean-Claude TissotJean-Claude Tissot :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de conclure ce débat, dont mon groupe a pris l’initiative. L’occasion nous a été donnée d’aborder de nombreux sujets et thématiques ayant trait à la nécessaire relance économique de notre pays.

Je tiens à remercier, au nom de mon groupe, l’ensemble de mes collègues sénatrices et sénateurs ayant participé à la discussion. Nous vous remercions également, madame la ministre, pour vos réponses claires et pour les précisions que vous nous avez apportées.

Au printemps 2020, les premiers mois de la crise sanitaire avaient révélé au grand jour les nombreuses défaillances de notre économie et de notre industrie, incapables de produire et de fournir en quantité suffisante des matériels médicaux indispensables en période pandémique.

Pourtant, dès 2017, lors de la campagne présidentielle, le candidat et futur président Emmanuel Macron avait promis « un vrai plan Marshall de la réindustrialisation de nos territoires économiquement perdus ».

Malgré les lourdes conséquences de la pandémie, cette crise aura eu le mérite, madame la ministre, de ramener sur le devant de la scène cette promesse et cette indispensable prise de conscience.

Depuis, le plan de relance de 100 milliards d’euros présenté en septembre 2020 et le programme d’investissements France 2030 d’octobre 2021, doté de 34 milliards d’euros, sont venus s’ajouter aux nombreuses aides financières instaurées pour compenser les restrictions sanitaires.

Les données économiques encourageantes récemment enregistrées, et dont le Gouvernement fait régulièrement état, sont la preuve que, lorsque l’État joue son rôle de soutien, d’investisseur et de régulateur, il permet de maintenir à flot une économie malmenée par une crise mondiale.

Toutefois, comme l’a rappelé mon collègue Christian Redon-Sarrazy en ouverture du débat, le comité d’évaluation du plan France Relance, présidé par Benoît Cœuré, a livré une évaluation très prudente de l’efficacité de l’action publique de relance.

Nous suivrons donc avec attention les prochains rapports de ce comité, qui nous permettent, en tant que parlementaires chargés du contrôle de l’action du Gouvernement, d’obtenir des informations pertinentes.

Pour en revenir au cœur du débat, il est nécessaire de reprendre la question initiale : les aides du plan de relance ont-elles été économiquement efficaces ?

En introduction, et le sujet est revenu dans de nombreuses questions posées au cours du débat, nous vous demandions, madame la ministre, d’évaluer précisément les premiers résultats obtenus ou à venir pour l’industrie française.

J’ai bien entendu vos remarques sur différents sites industriels et sur le nombre d’emplois créés ou préservés par ces mouvements spécifiques. Ces premiers constats paraissent néanmoins insuffisants, tant l’enjeu de la réindustrialisation est important.

L’économiste Patrick Artus, interrogé sur la politique industrielle du Gouvernement, dressait le bilan suivant : « le plus inquiétant est sans doute la poursuite de la désindustrialisation ».

Selon l’Insee, depuis 2019, l’industrie française a perdu plus de 45 000 emplois, alors même que le secteur privé créait 185 600 emplois supplémentaires.

Ces chiffres attestent que la France se jette à corps perdu dans une croissance des services marchands et abandonne toujours plus son développement industriel.

Pourtant, les enjeux essentiels pour notre avenir que sont la transition écologique et le retour de notre souveraineté économique dans un contexte géopolitique particulièrement instable nécessitent une force de production industrielle installée dans notre pays et adaptée aux futurs enjeux.

Or voici ce qui est indiqué noir sur blanc dans le rapport du comité d’évaluation du plan France Relance : « pour répondre à la crise, l’objectif de relance à court terme a prévalu sur celui de transformation structurelle de l’industrie française ».

Toute la difficulté est là, et nous le reconnaissons volontiers, madame la ministre : comment aider sans délai une filière industrielle en difficulté, tout en l’accompagnant vers le changement ?

Face à ce défi, deux axes majeurs sont à prendre en considération pour bâtir une politique industrielle adaptée.

Le premier axe concerne les principaux secteurs stratégiques et les grands groupes industriels.

Le plan France 2030 est intéressant à cet égard, car il sanctuarise des investissements dans des filières définies, telles que la recherche médicale et les moyens de transport bas-carbone, et sur des objectifs de long terme.

Toutefois, nous ne comprenons pas les récents agissements du Gouvernement dans le secteur de l’énergie, filière ciblée par France 2030.

Le Gouvernement fait en effet le choix de sacrifier EDF en relevant le plafond de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh). Alors que 8 milliards d’euros sont consacrés, dans ce plan, à la construction d’une France décarbonée et résiliente, renforcer l’endettement de l’opérateur historique est un drôle de choix d’avenir !

Le deuxième axe concerne les filières jugées moins stratégiques et essentiellement composées des plus petites entreprises, dans lesquelles nous avons malheureusement perdu des savoir-faire lors de la délocalisation de la production. Les pouvoirs publics ne doivent pas laisser tomber ces secteurs : ils doivent les accompagner dans une nécessaire relocalisation.

La filière textile – nous l’avons vu lorsque nous avions besoin de masques – peut offrir, en la matière, un exemple pertinent, tant la production localisée est la mieux-disante sur le plan environnemental.

Dans mon département de la Loire, l’entreprise des Tissages de Charlieu, soutenue à hauteur de 800 000 euros par le plan France Relance, est un bel exemple de relocalisation. Elle a pu relocaliser la production de sacs et de cabas grâce à la volonté de son dirigeant et à l’engagement de tous les salariés.

La transformation stratégique durable de l’industrie française passera par un accompagnement des principales filières stratégiques par les pouvoirs publics, mais aussi par un soutien à toutes les entreprises souhaitant relocaliser une production.

Enfin, en conclusion de ce débat, il est important de souligner que les crédits du plan de relance ont été, dans leur majorité, rapidement engagés, et devraient continuer de l’être durant l’année 2022.

Dorénavant, en espérant que cette crise sanitaire se termine enfin, nous devons nous interroger sur la suite : comment notre économie fera-t-elle face à la diminution progressive des aides publiques ?

Un bilan plus complet et détaillé de l’opportunité et de l’efficacité des aides du plan de relance devra être réalisé dans les mois et les années à venir.

Une nouvelle fois, madame la ministre, je vous remercie pour les réponses que vous nous avez apportées.

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