Intervention de Jean-François Husson

Réunion du 2 février 2022 à 15h00
Énergie et pouvoir d'achat : quel impact de la politique du gouvernement — Débat d'actualité

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cela fait de longs mois que le pouvoir d’achat des Français et de nos entreprises est touché par l’envolée des prix de l’énergie.

Au-delà de cette flambée conjoncturelle, tous les experts s’entendent pour dire que les prix de l’énergie ne seront plus ce qu’ils ont été et qu’ils seront structurellement plus élevés. C’est peu de dire que les bouts de sparadrap ou les chèques électoraux que le Gouvernement propose, pour ne pas dire distribue depuis plusieurs mois ne seront pas à la hauteur de cet enjeu.

Avançant sans boussole ni anticipation, au gré des hausses les plus récentes des prix du gaz, de l’électricité ou encore des carburants, le Gouvernement a déployé une série de mesures sans véritable cohérence entre elles, complètement dépourvues de vision d’ensemble ou de stratégie.

Pour chacune d’entre elles, il a tâtonné jusqu’au dernier moment pour finir par concevoir des dispositifs aux insuffisances multiples, tentant de répondre au mécontentement grandissant de nos concitoyens dans une vision de court terme, et aux conséquences inquiétantes pour nos finances publiques, le coût total de l’opération s’élevant à 20 milliards d’euros.

Le Gouvernement, pour un montant de quelque 600 millions d’euros, a d’abord majoré de 100 euros le chèque énergie, dont bénéficient près de 6 millions de foyers modestes. Cette décision, prise en urgence, s’est vite révélée insuffisante.

En ce qui concerne la flambée des prix du gaz, qui explique en grande partie la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, le Gouvernement, dans la crainte peut-être d’un retour du mouvement des gilets jaunes et à quelques mois d’échéances électorales importantes, s’en est remis à la bonne vieille méthode du blocage des prix et de l’économie administrée. Il a opté pour la procrastination avec un blocage très temporaire, dont la facture, soyez-en sûrs, sera in fine présentée aux consommateurs. En revanche, rien ou presque n’est prévu pour les entreprises, grandes oubliées du dispositif.

Les tergiversations du Gouvernement, ses mesures successives sans cohérence d’ensemble et son absence de vision à plus long terme sont tout aussi manifestes en ce qui concerne la hausse des prix de l’électricité.

Alors que le Premier ministre s’était engagé, dès septembre dernier, à limiter à 4 % l’augmentation à venir des tarifs réglementés de l’électricité, le Gouvernement a attendu les débats en séance à l’Assemblée nationale pour déposer, bien évidemment sans étude d’impact, un amendement au projet de loi de finances pour 2022 ne prévoyant rien de moins qu’une minoration de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE).

Cette minoration, d’abord estimée à 4 milliards d’euros, a été réévaluée une première fois à 6 milliards d’euros ; aujourd’hui, on sait que la suppression quasi totale de la TICFE coûtera 8 milliards d’euros et qu’elle ne permettra même pas de faire la moitié du chemin pour honorer l’engagement du Premier ministre.

Si le Gouvernement ne fait pas d’efforts pour contenir les dépenses, c’est bien le contribuable d’aujourd’hui, au travers d’une hausse de la fiscalité, ou bien celui de demain, avec une dette qui s’accroît, qui devra payer !

Face à cette mesure fiscale insuffisante, le Gouvernement a déposé un autre amendement, en nouvelle lecture du projet de loi de finances, permettant de bloquer les tarifs réglementés de l’électricité et de faire payer la facture aux consommateurs en 2023.

À cela s’ajoute désormais le relèvement de 20 térawattheures de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), mesure par laquelle le Gouvernement se défausse sur EDF d’environ – excusez du peu ! – 8 milliards d’euros.

J’ai l’impression d’assister à une interminable partie de mikado, avec des dispositifs qui s’enchevêtrent et ébranlent la confiance des Français. Par ailleurs, le Gouvernement est incapable d’estimer les conséquences concrètes de cette hausse des prix de l’énergie pour nos entreprises. Cette forme d’improvisation, qui tend vers l’amateurisme, n’est plus tenable.

L’exemple le plus criant de cette improvisation du Gouvernement et de sa faculté à concocter en catastrophe des solutions bancales, et néanmoins très coûteuses pour nos finances publiques, reste sa réaction face à l’envolée des prix des carburants.

Je pense tout d’abord à l’indemnité inflation, dont j’ai déjà eu l’occasion de détailler les nombreux inconvénients. Soucieux d’afficher une réaction devant les Français, et faute d’anticipation, le Gouvernement a annoncé dans l’urgence une mesure qui aurait vocation à couvrir non plus la seule augmentation des prix des carburants, mais plutôt l’inflation en général.

De ce tour de passe-passe a résulté un dispositif d’abord électoraliste, mais aussi largement inefficace, visant à saupoudrer sans beaucoup de discernement 4 milliards d’euros d’argent public.

À l’inverse, le Gouvernement propose aujourd’hui un relèvement du barème kilométrique, c’est-à-dire une mesure très ciblée mais qui ne règle pas les problèmes que rencontrent les Français vivant en zones rurales ou périurbaines, dépourvues d’offres de transports organisés ou collectifs.

De façon générale, les experts, la Commission de régulation de l’énergie, mais également la direction générale de l’énergie et du climat sont tous d’accord pour considérer que les prix de l’énergie, après cet acmé, resteront structurellement plus élevés qu’avant la crise.

Or cette hausse des prix alimente bien évidemment l’inflation, laquelle pèse à son tour fortement sur le pouvoir d’achat des Français et renforce les difficultés des plus modestes – travailleurs pauvres, foyers à petites retraites, étudiants… Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, est-ce là l’objectif de votre gouvernement ? Sachez-le, ce n’est pas le nôtre !

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