Intervention de Raymonde Poncet Monge

Réunion du 2 février 2022 à 15h00
Caractère universel des allocations familiales — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Raymonde Poncet MongeRaymonde Poncet Monge :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’ordonnance du 4 octobre 1945 créant la sécurité sociale repose sur un principe fondamental : chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.

Ce principe se déclinait pour chacun des risques et le lien entre cotisations variables et prestations universelles fondait le contrat social de solidarité. Ce lien a été distendu, voire rompu, par la fiscalisation en 1991, via la CSG, qui a conduit au transfert d’une partie du financement de la protection sociale vers l’impôt.

Il en était alors ainsi pour la branche famille, dont la pièce maîtresse – les allocations familiales – servait des prestations universelles et sans condition de ressources à toutes les familles ayant à charge au moins deux enfants de moins de 20 ans, afin de compenser la perte de niveau de vie, et ce par rapport aux familles sans enfant. Il s’agissait donc d’un mécanisme de compensation et de solidarité horizontales.

Nous rejoignons nos collègues auteurs de cette proposition de loi pour défendre ce principe fondateur d’universalité, sans toutefois partager le lien qu’ils établissent entre modulation des allocations familiales et inflexion de la natalité. Ici, une corrélation n’est pas une causalité.

Nous ne pensons pas que la modulation pour les familles aisées – pour l’Insee, ce sont bien les déciles supérieurs qui sont ici concernés – ait pu les décourager d’avoir des enfants, d’autant que les aides fiscales restent très favorables à ces familles. Ainsi, les 10 % ayant les plus hauts revenus concentrent 31 % des gains nets liés aux quotients familial et conjugal, là où les 30 % les plus modestes ne bénéficient que de 6, 5 % de ces gains.

L’erreur de la modulation, en supposant que la justice sociale en ait jamais été une motivation sincère, est bien d’assigner aux prestations familiales un objectif de redistribution verticale à la place d’un impôt dont c’est réellement l’objet principal, à savoir l’impôt sur le revenu.

Ainsi, plutôt que d’attaquer le risque famille et le principe d’universalité de ces prestations, il aurait été plus pertinent de questionner un angle mort de la politique familiale au regard de la justice sociale : le quotient familial à l’effet fortement anti-redistributif. En effet, comme le relevait déjà le Conseil des prélèvements obligatoires dans un rapport publié en 2011, l’économie d’impôt due au quotient familial croît plus que proportionnellement au revenu.

La raison budgétaire – restaurer l’équilibre de la branche, en rabotant le droit à prestations selon les revenus – a donc primé sur le principe fondateur et il n’est pas contestable que la porte de la modulation selon les revenus, et non selon les besoins, est ainsi ouverte pour d’autres risques, fragilisant l’attachement au modèle social.

Nous restons donc attachés au principe de redistribution horizontale entre ménages selon leur composition afin d’amortir la baisse de niveau de vie induite par la naissance des enfants et leur éducation. Le budget moyen pour un enfant de sa naissance à ses 3 ans s’élèverait à 490 euros par mois.

Ce budget est supérieur pour le premier enfant. C’est pourquoi il est temps d’élargir la prestation au premier enfant, moment où les risques de décrochage financier par rapport aux ménages sans enfant sont les plus grands et peuvent effectivement, pour les ménages modestes, retarder un projet d’enfant.

De plus, la décision de modulation n’a pas été soutenue en 2015 par un accompagnement renforcé pour les ménages modestes. C’était donc une pure mesure d’économie et il aurait fallu l’assumer ! Nous sommes donc favorables à l’idée de revenir sur cette modulation, mais en consolidant la politique familiale.

En conclusion, pour répondre à l’objectif de la politique familiale de soutenir les parents dans l’accueil et l’éducation des enfants, notre groupe préconise l’allocation par enfant d’un montant fixe d’allocations familiales, et ce dès le premier enfant, mesure soutenue par 60 % de nos concitoyens selon le dernier baromètre de la Drees, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.

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