Intervention de Corinne Feret

Réunion du 2 février 2022 à 15h00
Caractère universel des allocations familiales — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Corinne FeretCorinne Feret :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre d’un texte remettant en cause un principe fort auquel le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est particulièrement attaché : la justice sociale.

Oui, c’est lors du quinquennat de François Hollande, et plus précisément lors du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, que la modulation du montant des allocations familiales et de ses deux composantes, en fonction des ressources du ménage ou de la personne qui a la charge des enfants, a été instituée.

Certes, cette mesure s’est traduite par une meilleure maîtrise des finances publiques, à un moment où les comptes de la branche famille étaient déficitaires, mais, surtout, elle a permis, tout en respectant le principe d’universalité, d’aider davantage les familles modestes, qu’il s’agisse des familles nombreuses ou monoparentales.

Oui, cette modulation, qui avait avant tout un objectif de justice sociale, a permis de dégager des marges de manœuvre pour revaloriser l’allocation de rentrée scolaire, l’allocation de soutien familial ou encore le complément familial. Nous avions l’ambition non seulement de réduire la pauvreté, mais également de la prévenir et d’en limiter la reproduction d’une génération à l’autre, ce qui justifiait un soutien accru aux familles modestes et à leurs enfants.

Nous considérions, et c’est toujours le cas aujourd’hui, qu’une politique en direction des familles ne doit pas avoir pour unique finalité d’améliorer un taux, en l’espèce celui de la fécondité par femme. Il s’agit plutôt de déployer toute une série de mesures, que ce soit par l’État, les collectivités territoriales ou les organismes de sécurité sociale, pour aider les familles à élever leurs enfants, à faire face aux charges financières qu’entraînent leur naissance et leur éducation.

Ces mesures peuvent prendre la forme de prestations financières versées aux parents ou d’aides publiques en direction d’infrastructures qui facilitent la garde des enfants ou l’exercice des fonctions parentales.

Tout ne passe donc pas par les prestations familiales et c’est bien pour cela que nous plaidons toujours pour la mise en place d’un véritable service public de la petite enfance.

C’est bien pour cela, aussi, qu’il est erroné d’affirmer que la modulation des allocations familiales aurait constitué une remise en cause d’un des principes fondamentaux de notre solidarité nationale. Il n’y a pas de plus grande solidarité que d’aider les plus vulnérables.

Il est tout aussi excessif d’affirmer que la réforme introduite en 2015 serait responsable d’une baisse de la natalité. L’Insee vient d’indiquer que la France restait en tête des pays européens en la matière. On peut tordre les chiffres dans tous les sens, les faits sont là !

Évoquer les conséquences du rallongement des études et de l’entrée tardive sur le marché du travail permettrait, bien plus que la modulation des allocations familiales, d’expliquer la baisse du taux de fécondité selon les tranches d’âge.

Pour encourager la natalité dans notre pays, je note qu’il est de bon ton, ces derniers temps, de faire des propositions démagogiques, voire populistes, comme le versement de 10 000 euros pour chaque nouvelle naissance dans une famille « de la France rurale ».

Revenons plutôt à des mesures qui ont fait leurs preuves pour encourager les femmes à avoir des enfants : augmentation des solutions d’accueil et de garde, politiques volontaristes en matière de logement ou pour la sécurisation des parcours professionnels. Permettre aux femmes d’avoir des enfants et de travailler, de conserver un emploi stable : voilà qui devrait davantage occuper certains candidats à la présidentielle !

Enfin, nous trouvons dommage que cette proposition de loi ne s’appuie sur aucune donnée chiffrée précise. Compte tenu des enjeux, notamment budgétaires, une étude d’impact aurait permis de lever bien des doutes.

À titre personnel, j’avoue ne pas avoir non plus compris les sous-entendus de M. le rapporteur, pour qui la modulation des allocations familiales conduirait à s’interroger sur la possibilité que d’autres prestations, jusqu’ici universelles, comme les prestations d’assurance maladie, soient elles aussi modulées, ce qui remettrait en cause notre modèle social. Il n’en a évidemment jamais été question lors de la réforme de 2015 et il ne me semble pas que cela soit à l’ordre du jour. C’est donc hors sujet ! Je le dis, car, à l’imprécision, il ne faudrait pas ajouter des contrevérités.

Vous l’avez compris, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre cette proposition de loi, d’autant que la France traverse une période difficile, dans un contexte sanitaire instable qui est venu encore fragiliser nos compatriotes les plus vulnérables, notamment les enfants mineurs de familles monoparentales, dont 40 % vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

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