Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà deux siècles, Malthus nous disait en substance qu’il fallait restreindre la croissance démographique d’une nation pour ne pas mettre en péril son avenir. Nous savons aujourd’hui qu’une population nombreuse est l’une des conditions de la puissance.
La période révolutionnaire et napoléonienne nous a démontré très tôt que le nombre faisait bien souvent la force. La démographie dynamique de la France a longtemps nourri sa puissance, sans d’ailleurs que des allocations soient alors distribuées. Mais celle-ci s’est émoussée !
Plusieurs initiatives privées ont débouché sur la mise en place d’allocations destinées aux parents au sortir de la Première Guerre mondiale, mais c’est le gouvernement d’André Tardieu qui a le premier mené une politique familiale volontariste, avec la loi du 11 mars 1932.
L’objectif visé par le versement d’allocations familiales est de contribuer au renouvellement des générations par une politique de soutien à la natalité et de maintenir le niveau de vie des familles. Cela explique que ces allocations aient longtemps été décorrélées des ressources des parents.
Le gouvernement de Manuel Valls a réussi là où celui de Lionel Jospin avait échoué, en parvenant à faire adopter la modulation du montant des allocations familiales en fonction des revenus des parents. La politique nataliste s’est alors teintée de justice sociale.
Notre collègue Olivier Henno, rapporteur et auteur du texte, nous invite à revenir sur cette corrélation, pour que le montant des allocations familiales ne soit plus lié aux ressources des bénéficiaires.
Si nous sommes tous attachés à la politique familiale menée par la France depuis plusieurs décennies, beaucoup, en revanche, sont partagés sur le sujet de cette décorrélation. Nombreuses, monoparentales ou recomposées, les familles françaises ont beaucoup évolué durant ces soixante-dix dernières années.
Les ménages ont ainsi vu leur taille moyenne se réduire de près d’une personne. Ce changement est dû à plusieurs facteurs : augmentation des séparations et développement de la monoparentalité, baisse du nombre moyen d’enfants par famille, vieillissement de la population, augmentation du nombre de personnes vivant seules. Sur la question qui nous intéresse aujourd’hui, il est important de tenir compte de l’augmentation du nombre de familles monoparentales et du risque de précarité associé à cette situation.
Les deux positions peuvent se justifier.
D’un côté, la politique familiale ne vise pas, a priori, un objectif de justice sociale. Elle a pour vocation non pas de corriger une différence de revenus, mais bien d’encourager à avoir des enfants. Les allocations devraient donc être fonction des enfants et non pas des ressources.
D’un autre côté, il peut apparaître tout à fait légitime de ne pas revenir sur la modulation des allocations en fonction des revenus. La valeur incitative de leur montant se justifie difficilement pour les parents ayant des revenus élevés.
À titre personnel, j’ai déposé deux amendements sur ce texte.
Le premier a pour objet d’intégrer ces allocations dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. Il me semble cohérent que celles-ci soient traitées comme des revenus.
Mon second amendement a été jugé contraire à l’article 40 de la Constitution par la commission. Il visait à permettre le versement des allocations familiales dès le premier enfant. Le seuil de deux enfants encourage en effet les familles à atteindre, si ce n’est à dépasser, le seuil fatidique du renouvellement de la population, à savoir 2, 1 enfants par femme. Il me semble néanmoins que cette incitation ne justifie pas qu’aucune allocation familiale ne soit versée pour le premier enfant.
Je note d’ailleurs que les fonctionnaires ont droit au supplément familial de traitement dès leur premier enfant. Je constate également que les allocations familiales sont versées dès le premier enfant dans l’intégralité des autres pays de l’Union européenne, ainsi qu’au Royaume-Uni.
À l’heure où la population européenne vieillit, il nous faut continuer d’inciter nos concitoyens à avoir des enfants. Si nous ne voulons pas voir notre population décroître, et notre puissance avec elle, nous devons surtout donner aux Français des raisons de croire que demain sera mieux qu’aujourd’hui.
Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront selon leurs convictions.