Intervention de Christine Lavarde

Réunion du 2 février 2022 à 15h00
Caractère universel des allocations familiales — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Christine LavardeChristine Lavarde :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, beaucoup a déjà été dit, notamment sur la chute drastique de la natalité. Pourtant, le désir d’enfant est toujours là, constant, puisqu’en 2020, comme en 2010, les Français aspirent à avoir 2, 39 enfants par famille.

Récemment, le Haut-Commissariat au plan a énoncé clairement que la politique familiale avait vocation à soutenir la natalité, tout en relevant que l’orientation générale des décisions prises ces dernières années n’avait pas été dans ce sens.

Selon une étude de l’Institut national d’études démographiques (INED), publiée en novembre 2021, « les politiques familiales et les conditions économiques conjoncturelles jouent un rôle majeur sur les niveaux de fécondité ».

Depuis 2013, la politique familiale a été détricotée. Le mouvement, engagé lors du quinquennat de François Hollande, n’a pas été corrigé avec l’arrivée d’une nouvelle majorité, même si le Président de la République, en avril 2019, a donné à la famille le statut de « permanence » de la société et a indiqué vouloir rétablir « la force d’une politique familiale ».

Ce détricotage s’est opéré sous l’effet de deux mouvements de transfert.

Tout d’abord, on est passé de prestations universelles à des prestations ciblées, majoritairement délivrées sous conditions de ressources. Le quotient familial a été abaissé en 2013, puis encore en 2014. Cette même année, les allocations familiales ont été modulées et le seuil d’attribution de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) a été modifié. Il s’agissait de mesures de restriction financière et non de mesures de redistribution : il n’y a pas eu plus d’argent pour les familles les plus modestes ; il y en a juste eu moins pour les familles moins modestes ou aisées.

Ces changements ont eu un effet sensible sur les familles affectées. Ainsi, l’Union nationale des associations familiales (UNAF) a chiffré les pertes que la modulation des allocations familiales a entraînées pour les familles de trois enfants à 34 000 euros pour le premier plafond et à 51 000 euros pour le second plafond. Avec la modulation, on a demandé un effort aux familles aisées ayant des enfants, mais non aux célibataires aisés ou aux couples n’ayant pas ou plus d’enfants à charge ; cela confirme le caractère strictement budgétaire de la mesure.

La branche famille est excédentaire : elle sert à financer des déficits créés ailleurs. D’ailleurs, en novembre dernier, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, le Sénat a supprimé le transfert d’un milliard d’euros de la branche famille vers la branche maladie ; il entendait ainsi dénoncer le manque de mesures prises par ce gouvernement durant cinq ans en faveur de la famille. Une véritable politique familiale consisterait à revaloriser les prestations à leur juste niveau !

Le second transfert ayant contribué à ce détricotage est une modification de la nature de ces dépenses : alors qu’elles relevaient de la politique familiale, elles sont essentiellement devenues des dépenses de politique sociale. On peut en prendre pour exemple la hausse de 138 euros par mois de l’allocation pour garde d’enfants pour les familles monoparentales déshérités, la création de places en crèche soutenue uniquement dans les quartiers défavorisés, ou encore les repas à un euro à la cantine.

Cette confusion apparaissait d’ailleurs clairement, monsieur le secrétaire d’État, dans le discours que vous avez prononcé en octobre dernier devant la Conférence de la famille…

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