Intervention de Stéphane Demilly

Réunion du 2 février 2022 à 15h00
Caractère universel des allocations familiales — Article 1er

Photo de Stéphane DemillyStéphane Demilly :

À la lecture de l’exposé des motifs de cette proposition de loi de mon collègue et ami Olivier Henno, je me suis posé quatre questions. Premièrement, y a-t-il vraiment un problème de natalité en France ? Deuxièmement, le montant des allocations familiales est-il de nature à influencer le taux de fécondité ? Troisièmement, faut-il une politique égalitaire ou une politique équitable ? Quatrièmement, enfin, le système de protection sociale peut-il se permettre une dépense supplémentaire ?

En réponse, j’ai fait les constats suivants. Tout d’abord, notre taux de fécondité, qui s’élevait à 1, 87 en 2020, est le meilleur d’Europe. Cela s’explique par le fait que notre pays a su intégrer le fait familial dans les besoins quotidiens des familles : je pense au travail à temps partiel, aux cantines dans les écoles, au développement des crèches, aux aides pour les vacances, ou encore à l’évolution de notre droit du travail.

C’est bien la conciliation entre la vie professionnelle, la vie familiale et la vie sociale qui permet aux familles de réaliser leur désir d’enfant ; d’ailleurs, ce n’est pas un hasard si le gouvernement allemand s’est inspiré avec succès de notre modèle.

Il me paraît donc trop rapide de déduire d’un rétablissement des allocations familiales pour les familles aisées une incidence positive sur le taux de fécondité en France. Victor Hugo nous rappelait dans Les Misérables que la première égalité est l’équité ; de la même façon, notre pays a opté pour le principe de redistribution verticale, de manière à promouvoir une plus grande justice sociale. Un retour à l’universalité des allocations familiales marquerait un changement de cap à contre-courant de l’histoire du modèle social.

Enfin, cette mesure ne se contenterait pas de renforcer un sentiment d’injustice sociale déjà grandissant : notre système de protection sociale, déjà déficitaire de plus de 38 milliards d’euros, dont 2 milliards pour la CNAF, n’est tout simplement pas en mesure de digérer une nouvelle inflation de dépenses.

Dès lors, même si j’entends les arguments de nombre de Français qui ont le sentiment de donner sans jamais recevoir, je ne suis pas sûr à titre personnel que cette proposition soit des plus judicieuses, que ce soit d’un point de vue démographique, social, budgétaire, ou politique. C’est la raison pour laquelle je traduirai mon scepticisme en abstention.

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