Intervention de Jacques Grosperrin

Réunion du 1er février 2022 à 14h30
Menaces que les théories du wokisme font peser sur l'université l'enseignement supérieur et les libertés académiques — Débat organisé à la demande du groupe les républicains

Photo de Jacques GrosperrinJacques Grosperrin :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la science et la connaissance doivent être respectées dans leur autonomie et leur indépendance. Indispensables à la transmission, elles n’admettent aucune pénétration idéologique. Le savoir n’est pas une opinion, la vérité scientifique n’est ni une croyance ni une conviction politique.

L’université est aujourd’hui – pas partout – le théâtre d’affrontements idéologiques, menés par les tenants d’une déconstruction assumée contre l’institution elle-même.

Ceux qui me connaissent savent que mes propos ne relèvent ni d’un fantasme ni d’une obsession. Ils reflètent une réalité vécue dont les exemples abondent, un phénomène que dénoncent une majorité d’enseignants-chercheurs, lesquels constatent une confusion croissante entre la liberté académique et la liberté d’expression.

Ma préoccupation est laïque et républicaine. Je suis inquiet devant les dérives constatées. Il ne faut pas baisser la tête devant la bien-pensance moralisatrice, celle d’une gauche communautariste en panne d’idées, très éloignée dans la réalité de l’égalité et de l’émancipation.

Je pense à tous ces étudiants sérieux et travailleurs, qui aspirent à penser par eux-mêmes et auxquels on veut imposer un nouveau terrorisme intellectuel. Ils subissent une atmosphère pesante. Ils constatent une situation dans laquelle il n’est plus possible d’avancer l’idée que le voile est un symbole d’oppression de la femme par l’homme. Ils se font traiter d’islamophobes, de racistes, d’homophobes via un discours extrémiste qui sature l’espace universitaire, comme nous l’avons entendu ce jour.

Madame la secrétaire d’État, nous souhaitions en avoir fini avec la contamination de la recherche par le militantisme. Nous avions tort.

Certains de nos universitaires engagés tentent de nouveau de conquérir les amphithéâtres. Ils délaissent le cadre de la démocratie et du bulletin de vote, certainement pas assez chic pour eux. Obnubilés par leur ego et ne sachant pas où se tourner, ils ont jeté un coup d’œil outre-Atlantique et ont décidé que la race, le genre et les discours de domination leur permettraient d’exister à peu de frais, en leurrant leurs étudiants.

Ils recherchent une revanche à tout prix, mais sur quoi ? Dans la confusion et la provocation, le militantisme académique veut le beurre et l’argent du beurre. Peu lui importent l’affaiblissement de tous et le devenir de ces étudiants.

Nous n’acceptons pas le monde social que certains chercheurs militants mettent en avant, en appauvrissant d’autant les ressources conceptuelles de l’université. Ils tentent, sans prendre de risques excessifs statutairement, de cumuler la posture du chercheur et celle de l’acteur. Personne n’est dupe de leurs techniques de déconstruction, même si l’intimidation empêche parfois de les dénoncer.

Car les menaces sont bien là. Devant toutes les discriminations, l’état d’éveil ou wokisme permanent sait utiliser à plein la légitimité potentielle des causes défendues, grâce à la sensibilité des consciences au principe de l’égalité des droits. La confusion entre recherche et militantisme s’ajoute alors à la cancel culture pour imposer une conception égalitariste comme seul critère de production académique.

Devant les attaques dont la liberté académique est victime, l’État doit apporter de nouvelles garanties. Il faut mettre un terme à la confusion qui s’est installée. Les menaces, internes et externes, sont incontestables. Nous attendons encore, d’ailleurs, les conclusions de l’enquête portant sur la recherche universitaire.

Les services de l’État disposent de moyens d’action. De nombreux articles du code de l’éducation le disent clairement : l’activité d’enseignement et de recherche doit s’exercer dans des conditions de totale indépendance et dans la sérénité indispensable à la réflexion et à la création intellectuelle.

Le service public de l’enseignement supérieur est laïque, indépendant de toute emprise politique ou idéologique. Les principes d’objectivité et de tolérance ne sont pas négociables. Les possibilités de rappeler efficacement le code de l’éducation et de procéder aux contrôles qui s’imposent ne manquent pas, pour autant que la volonté politique s’exprime.

Encore faut-il que les textes eux-mêmes ne soient pas modifiés par l’État. Une modification du code de l’éducation en date du 24 décembre 2020 interroge, par exemple, quand elle conduit à affirmer que « le service public d’enseignement supérieur contribue à la lutte contre les discriminations, à la réduction des inégalités culturelles ou sociales ». Comment pourrions-nous ne pas être d’accord ?

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