Vous m’interrogez, monsieur le sénateur Alain Marc, sur le taux de ratification des ordonnances et les décisions du Conseil constitutionnel.
S’agissant tout d’abord de la référence que vous avez faite au nombre d’ordonnances sur la session parlementaire 2019-2020, reconnaissons que le premier semestre 2020 est inclus dans cette période. Pardonnez-moi de le dire ainsi, mais la comparaison n’est sans doute pas la meilleure quand on sait combien, au cours du printemps 2020, et souvent, d’ailleurs, avec le soutien et le concours du Sénat, nous avons dû recourir à des ordonnances pour faire face à un impondérable bien connu de toutes et de tous ici.
J’en viens à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Si, dans sa décision du 28 mai 2020 relative à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dite « Force 5 », celui-ci a semblé assimiler une ordonnance non ratifiée à une disposition législative, dès lors que le délai d’habilitation était échu, il l’a fait uniquement au sens et pour l’application de l’article 61-1 de la Constitution, c’est-à-dire pour déclarer cette QPC recevable devant lui.
Le juge constitutionnel a d’ailleurs eu l’occasion d’apporter cette précision dans une décision du 3 juillet 2020. Il a également rappelé qu’une ordonnance non explicitement ratifiée devant le Parlement demeure un acte réglementaire, susceptible de recours devant le juge administratif. Cela peut être le cas, notamment, lorsque le pouvoir exécutif outrepasse les limites de l’habilitation.
En aucun cas les prérogatives du Parlement ne sont donc atteintes par cette jurisprudence, dont le Conseil d’État considère qu’elle ne modifie en rien son rôle de garant de la conformité de l’ordonnance à la loi d’habilitation. Elle permet simplement de transférer au Conseil constitutionnel l’intégralité du contrôle de la conformité des lois et des ordonnances aux droits et libertés fondamentales. Cela apporte de la lisibilité à notre état de droit et garantit une meilleure protection des libertés de nos concitoyens.
Dès lors, le Gouvernement n’a pas considéré que ces décisions devaient modifier sa pratique de ratification.
J’ai néanmoins rappelé les éléments de réflexion qui devaient être les nôtres en la matière, partant du constat que, s’il fallait ratifier l’ensemble des ordonnances, nous aurions un sujet d’organisation de l’ordre du jour assez difficile à traiter devant nous, mais que, en revanche, nous avions un travail à faire, avec le Sénat et l’Assemblée nationale, sur certaines ratifications d’ordonnances.