Dans la droite ligne de mon collègue Alain Marc, et effectivement sans entrer dans une bataille de chiffres, j’observerai que l’on assiste indéniablement à une banalisation des ordonnances, avec, pour la plupart d’entre elles, une absence de toute procédure de ratification. Cela pose véritablement un problème quant à l’équilibre de nos institutions et, surtout, à la séparation des pouvoirs.
Un acte émanant du Gouvernement ne saurait, d’une manière ou d’une autre, avoir une valeur législative.
Il me semble que le dessaisissement du Parlement est désormais consacré. Comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre, les décisions du Conseil constitutionnel des 28 mai et 3 juillet 2020, par lesquelles ce dernier se reconnaît compétent, une fois le délai d’habilitation expiré, pour examiner les dispositions des ordonnances non ratifiées intervenant dans le domaine de la loi, ont donné le coup de grâce à la protection des assemblées.
J’aimerais, si vous le permettez, revenir à la genèse de notre Constitution.
Toutes les dispositions portant sur la rationalisation du parlementarisme ont été inscrites avec un postulat : l’absence de fait majoritaire. C’est donc pour soutenir un gouvernement potentiellement fragile que la rationalisation du parlementarisme a été mise en place, avec un rôle spécifique dévolu au Conseil constitutionnel, celui de stabiliser le gouvernement en place et de lui permettre de faire adopter ses réformes.
Aujourd’hui, l’esprit de la Constitution est pratiquement inversé, avec la coexistence d’un gouvernement fort et d’un Parlement affaibli.
Pensez-vous réellement, monsieur le ministre, que l’on puisse réformer et gouverner notre pays par ordonnances, alors même que la confiance des Français dans nos institutions et dans notre fonctionnement démocratique s’étiole de jour en jour ? Ne faut-il pas donner un coup d’arrêt à cette évolution néfaste pour nos institutions ?
À cet égard, je déplore sincèrement que la proposition de loi dite « Sueur » n’ait pas prospéré à l’Assemblée nationale.