Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, voilà un texte qui nous aura certainement tenus en haleine jusqu’au bout du quinquennat !
Souvenez-vous : en 2019, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, on nous annonçait déjà l’imminence d’une réforme territoriale ambitieuse. On nous a mis en appétit, en nous promettant que de nombreux sujets auxquels le Sénat attache une grande importance y seraient évoqués. Les mots du jour étaient différenciation, décentralisation, et déconcentration. La décomplexification les rejoignit même brièvement.
Ces termes marquent une rupture avec l’évolution qu’ont connue les collectivités locales ces dernières années, puisque leur liberté a marqué le pas. Ce calendrier et cette ambition, visiblement trop optimistes, ne furent pas tenus. Certes, l’épidémie de covid-19 a perturbé les ordres du jour des assemblées. Puis, lorsqu’il fut finalement déposé sur le bureau de notre assemblée, ce texte, désormais nommé 3DS, s’est révélé aussi hétéroclite dans son contenu que timide par sa portée.
Aucunement découragé, le Sénat s’est ainsi attaché à renforcer considérablement ce projet de loi, en puisant abondamment dans ses cinquante propositions pour le plein exercice des libertés locales, et en tirant parti des nombreuses autres suggestions de ses membres, souvent élaborées en concertation avec les élus locaux. Notre objectif était clair : renforcer l’efficacité de l’action publique sur le terrain local en évitant tout nouveau big-bang territorial. À cet égard, je tiens à remercier nos collègues rapporteurs, Mathieu Darnaud, Françoise Gatel, Dominique Estrosi Sassone et Daniel Gueret pour le travail de grande qualité qu’ils ont effectué.
Je ne vous cacherai pas que la fin de non-recevoir opposée par l’Assemblée nationale à nombre de nos ajouts a pu nous inquiéter. Heureusement, un dialogue a pu se nouer avec les députés et l’exécutif, en vue de la préparation de la commission mixte paritaire. Au terme de ces échanges, de nombreux apports significatifs du Sénat furent rétablis dans le texte final : c’est donc un succès indéniable pour les collectivités.
Sans revenir de manière exhaustive sur l’ensemble de ces avancées, je me bornerai à évoquer ici quelques-uns des points qui nous tiennent le plus à cœur.
Je tiens d’abord à souligner les progrès importants réalisés sur l’exercice des compétences des collectivités. En permettant des délégations « ascendantes » de compétences, en ouvrant la voie aux intercommunalités « à la carte », ou encore en facilitant la restitution des compétences voirie et tourisme, lorsque la situation locale s’y prête, nous faisons le choix de la confiance dans l’intelligence territoriale, et donnons tout son sens à la différenciation. Il en va de même pour les compétences eau et assainissement, pour lesquelles, malgré un désaccord persistant avec les députés, des compromis faciliteront la situation des collectivités concernées.
Dans le domaine de la déconcentration, nous nous réjouissons de voir que certaines propositions sénatoriales, aboutissant à un renforcement du rôle du préfet du département, ont été retenues – je pense à l’attribution de la DSIL ou au suivi des questions environnementales dans le département.
La construction d’éoliennes est une question délicate ; nous nous réjouissons de la présence dans le texte d’un dispositif qui permettra une plus grande maîtrise des implantations par le bloc communal. Toutefois, nous regrettons le rejet des propositions sénatoriales qui rendaient leur liberté aux communes.
Dans le domaine de l’aménagement du territoire, en particulier le transfert de 10 000 kilomètres de routes nationales, la version finale du texte offre désormais des garanties appréciables aux départements.
En parallèle, le volet sanitaire du projet de loi comporte une rédaction de compromis plus sécurisante sur le caractère volontaire de la participation des collectivités aux programmes d’investissement des établissements de santé, que ceux-ci soient publics ou privés.
Enfin, la rédaction finale du titre III, consacré à l’urbanisme et au logement, au demeurant substantiel, conserve plusieurs avancées importantes du Sénat.
Notre assemblée a inscrit ses travaux dans la lignée de ses propositions antérieures de réforme de la loi SRU. Le renforcement du contrat de mixité sociale et le fait que celui-ci ne sera plus soumis à l’accord de la commission nationale SRU accorderont aux territoires et au couple maire-préfet la confiance et la flexibilité qu’ils méritent.
Dans le même esprit, le volet « sanction » du dispositif a également été ajusté, notamment la suppression de la possibilité de reprise du contingent communal par le préfet, ainsi que la majoration automatique de 100 % des sanctions en cas de deuxième carence.
Par ailleurs, nous nous réjouissons du maintien dans le texte d’un dispositif anti-ghetto, qui permettra de stabiliser les résidences fragiles et de renforcer leur mixité sociale.
Si le compromis élaboré lors de la commission mixte paritaire a indéniablement permis au Sénat d’obtenir des avancées majeures dans de nombreux domaines, certaines questions demeurent ouvertes, et continueront de faire l’objet de propositions de notre part. Je pense tout particulièrement à la question de l’obligation des transferts des compétences eau et assainissement – Mathieu Darnaud l’a évoqué –, ou encore à l’interdiction de construction de logements très sociaux dans des communes comptant déjà plus de 40 % de logements sociaux.
Il était important d’inscrire…