Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que les divergences étaient relativement nombreuses, au point de différer la tenue de la commission mixte paritaire, les deux assemblées sont parvenues à un compromis – « quoi qu’il en coûte » – dont chacune des majorités peut tirer profit.
Le résultat, le voici : un texte utile sous certains aspects, mais d’un intérêt trop réduit, marqué par son hypertrophie et son hétérogénéité. Pour paraphraser Pascal, je dirai que le projet de loi 3DS est un texte dont le centre est partout et la circonférence nulle part.
Parce qu’il fallait une commission mixte paritaire conclusive sans deuxième lecture, la rédaction finale a exclusivement relevé des rapporteurs, qui ont beaucoup travaillé sur le texte. Nous considérons néanmoins que cette façon de faire la loi est défaillante : sur un projet aussi complexe, une deuxième lecture aurait de toute évidence été utile.
On aboutit à 270 articles et, malgré tous les efforts fournis, il ne me semble pas exclu que, demain, nous retrouvions des irritants, précisément en raison de la manière dont ce texte aura été façonné. Nous le regrettons.
Qu’en est-il, alors, de ce projet de loi ?
Le Président de la République avait promis une « nouvelle donne ». L’avis des associations d’élus locaux est plutôt en demi-teinte, même si celles-ci se félicitent de certaines mesures.
Ce texte donne une étrange impression de collage et de superposition. D’ailleurs, le « S » de 3DS est un peu devenu celui de « supérette ». En effet, chacun peut trouver dans le texte des motifs de satisfaction ; chacun peut également, d’une certaine façon, le lire à sa manière.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain trouve lui aussi quelques motifs de satisfaction : les tentatives de détricotage de l’intercommunalité, quoi qu’en dise Françoise Gatel, ont été endiguées ; les compétences facultatives à la carte – et non l’intercommunalité à la carte – que nous avons défendues permettront d’introduire une nécessaire souplesse ; les mesures de régression sociale de la majorité sénatoriale sont heureusement supprimées, s’agissant du contrôle des bénéficiaires du RSA ; la lutte contre le non-recours aux droits est inscrite dans la loi, même si elle l’est à notre sens trop timidement ; un compromis a été trouvé sur les routes, en espérant que la rédaction sera opérationnelle au profit des départements en dernier ressort.
Nous avons également des regrets.
Le caractère trop cosmétique de la différenciation territoriale, qui devait être le cœur du texte, nous contrarie. Nous sommes effectivement certains que l’uniformité engendre l’inégalité, alors que la différenciation est justement à même de la traiter.
La suppression du transfert de compétences aux régions en matière d’emploi, d’apprentissage et de formation nous semble regrettable, tout comme les trop nombreuses concessions de la majorité présidentielle sur la loi SRU, s’agissant notamment des sanctions financières à l’encontre des communes récalcitrantes. Cela s’inscrit probablement dans la philosophie du quinquennat, qui a fait 15 milliards d’euros d’économie sur le logement.
Les élus locaux sont aux avant-postes de la crise sanitaire, mais la coprésidence de l’ARS leur a été refusée.
Les collectivités demeurent par ailleurs une variable d’ajustement budgétaire. Ainsi, l’actualisation du coût des transferts de compétence tous les cinq ans a été supprimée.
Nous regrettons également le non-renforcement du pouvoir du Conseil national d’évaluation des normes – curieux, du point de vue de la simplification ! Nous aurions pu aller beaucoup plus loin.
Enfin, il faut dénoncer une absence, celle du « D » de la démocratie. La progression structurelle de l’abstention à toutes les élections locales montre que nos concitoyens attendent de participer différemment, d’être inclus dans le fonctionnement local, non pas seulement au moment des élections, mais également pendant les mandatures. Ce volet démocratique manquant est, pour moi, l’un des plus grands regrets : au moment où il faut impliquer les citoyens, ce n’est pas cette loi qui leur donnera de nouvelles latitudes !
Malgré tout cela, nous voterons ce texte « à l’insu de notre plein gré », car, d’une certaine façon, le résultat aurait pu être pire.
Le projet de loi comporte des correctifs utiles, quelques améliorations bienvenues et rien de vraiment rédhibitoire, mais il reste un texte d’attente, aux ambitions trop réduites et dont la portée décentralisatrice n’est pas assez marquée. Disons que c’est un petit début, avec un petit « d » !