Intervention de Florence Lassarade

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 16 décembre 2021 à 9h20
Audition publique sur le thème : « covid long quelle connaissance et quelle prise en charge ? » jean-françois eliaou et gérard leseul députés florence lassarade et sonia de la provôté sénatrices rapporteures

Photo de Florence LassaradeFlorence Lassarade, sénatrice, rapporteure :

Vos nombreuses interventions nous ont délivré des informations très diverses. Si je suis le docteur Jérôme Larché qui estime que près de 700 000 personnes ont eu un Covid long en France, et étant donnée la capacité d'accueil de cinq cents malades par centre, il faudrait à peu près mille centres de référence pour prendre en charge correctement tous les patients. Actuellement, on donne des fiches conseils aux médecins généralistes. Mais puisqu'il y a encore 75 % des patients qui ont un médecin référent, ne faudrait-il pas davantage insister auprès des généralistes pour qu'ils puissent eux-mêmes orienter correctement leurs patients ? On sait que les généralistes sont débordés et qu'ils n'ont pas le temps de se former. Néanmoins, ne pourrait-on pas leur fournir une information assez percutante et concise, qui leur permettrait d'accompagner leurs patients ?

Je pense que, dans un premier temps, il faut d'abord s'adresser à un centre de référence proche de son lieu de résidence. Je salue l'organisation mise en place par les Hôpitaux de Genève qui paraît très pertinente, avec une plateforme dédiée au Covid-19. J'ai peur que nos confrères se perdent dans toutes ces fiches conseils, pourtant pleines de bonne volonté, et qu'il leur soit difficile d'avoir une idée claire de ce qui est disponible.

Pour ce qui est du « patient expert », mon expérience de médecin pédiatre m'a amenée à être beaucoup plus à l'écoute des patients, des parents et de leur inquiétude. Cela me paraît un élément essentiel, que le système français n'a pas toujours bien pris en compte. Le médecin est là pour la phase aiguë et pour la phase chronique : n'a-t-il pas besoin, justement, de l'éclairage et de l'appui des patients experts, qui sont le plus souvent tout à fait bienveillants ?

Dr Jérôme Larché. - Il est clair que mettre en place mille centres de référence n'a aucun sens. Le véritable enjeu aujourd'hui est la reconnaissance du Covid long ou du post-Covid, la sémantique n'étant pas ce qu'il y a ici de plus intéressant, la reconnaissance de cette entité pathologique nouvelle, au sujet de laquelle subsistent beaucoup d'incertitudes et d'inconnues, mais pour laquelle il faut organiser une prise en charge à l'échelle nationale.

Je pense que le rôle du ministère, de la HAS et des ARS est de poser un cadre pour cette prise en charge, et il est donc normal que des fiches de recommandations soient diffusées. Le travail des ARS est important parce qu'elles assurent un maillage territorial adapté à chaque situation, tant géographique que sociale. Mais le cadre, lui, doit rester national.

Les médecins généralistes sont les médecins de premier recours, et il faut insister là-dessus. Ceci implique qu'il faut les former, et les webinaires sont essentiels. Mais on ne peut pas les laisser tout seuls face à ce problème et aux contraintes de la prise en charge post-Covid. Ainsi, plutôt que leur dire d'envoyer les patients à un centre de référence pour toute suspicion de post-Covid, il faut les rendre capables de faire eux-mêmes les premières étapes de la démarche diagnostique, quitte à être aidés avec des outils de téléexpertise pour fluidifier les parcours de soins. Les centres de référence doivent de leur côté prendre en charge les cas les plus complexes et en assurer le suivi.

À titre de comparaison, le Royaume-Uni, où un rapport officiel a estimé il y a quelques semaines à 1,2 million environ le nombre de patients ayant un Covid long, dispose déjà d'une centaine de centres de référence. La France a à l'évidence un certain retard, qu'il faut essayer de combler rapidement. Il est possible de trouver un moyen terme raisonnable entre les dix centres actuels et une cible de mille qui est inatteignable. On doit essayer d'être agile, fluide, et utiliser toutes les ressources possibles. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, il faut organiser un vrai maillage au niveau de chaque territoire, de façon systémique. Parce que c'est vraiment dangereux.

Une question, qui relève plutôt de la première partie, me tracasse : une vaccination au détour d'un Covid ou lors d'un Covid long peut-elle poser problème, s'il y a un phénomène inflammatoire par exemple ? Je pense qu'il faut de toute façon vacciner tout le monde. Mais a-t-on pu observer une accentuation des symptômes lors de la vaccination ou de la revaccination ?

Dr Jérôme Larché. - Le docteur Robineau a évoqué ceci lors de son intervention et je suis complètement d'accord avec lui. Chez certains patients, la vaccination a pu accentuer certains symptômes pendant quelques jours ; chez d'autres elle n'a eu aucune conséquence, chez d'autres encore on a pu constater un peu d'amélioration. Il n'existe pas encore d'études donnant des conclusions fermes. Je rejoins mon collègue du ministère de la santé et pense qu'il faut être extrêmement pragmatique. Aujourd'hui, la vaccination est l'un des outils majeurs pour éviter de nouvelles contaminations, donc des formes de Covid long, mais surtout des formes graves et qui conduisent en réanimation. Donc, ma réponse à cette question que les patients me posent régulièrement est extrêmement simple : je n'ai pas aujourd'hui de réponse concernant le Covid long. Par contre, la vaccination reste absolument indispensable en termes de prévention du Covid, en tenant compte bien sûr des modalités de bonne administration et des contre-indications. Que les patients aient ou non un Covid long n'entre pas dans ma décision - en tout cas, rien aujourd'hui ne permet de dire autre chose.

Dr. Julien Carricaburu. - Ces derniers conseils rejoignent l'opinion du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, qui a été interrogé très précisément sur ce point. Nous avons relayé modestement cette réponse au moyen de messages « DGS-urgent » adressés à l'ensemble des médecins qui sont abonnés, pour lever les doutes.

Dr. Mayssam Nehme. - On dispose d'un faisceau d'indices, avec une étude qui sera publiée très bientôt. Comme l'a dit le docteur-Robineau, la plupart des symptômes restent stables. Dans une étude qui sera publiée très prochainement, on trouve plus de 72 % des personnes dont les symptômes restent stables. Chez d'autres, les symptômes s'aggravent pendant quelques jours, avant de se stabiliser. Enfin, chez certaines personnes, on voit une amélioration des symptômes.

La vaccination est recommandée pour les personnes qui gardent des symptômes persistants suite à une infection au Covid. Elle n'est peut-être pas un outil thérapeutique mais elle pourrait agir en prévention de symptômes persistants du Covid long. Une grande étude au Royaume-Uni, publiée dans le Lancet par Antonelli et al., a montré que les personnes vaccinées qui ont eu une infection après la vaccination ont deux fois moins de risques d'avoir des symptômes persistants à vingt-huit jours que les personnes non vaccinées infectées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion