Intervention de Sonia de La Provôté

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 16 décembre 2021 à 9h20
Audition publique sur le thème : « covid long quelle connaissance et quelle prise en charge ? » jean-françois eliaou et gérard leseul députés florence lassarade et sonia de la provôté sénatrices rapporteures

Photo de Sonia de La ProvôtéSonia de La Provôté, sénatrice, rapporteure :

J'ai plusieurs questions concernant la caractérisation ou le profil des Covid longs. On a parlé du genre. Où en est-on dans l'analyse des déterminants sociaux évoqués plus tôt ? Le risque augmente-t-il en fonction de ces déterminants ? de l'âge ? Ou bien serait-ce simplement l'intensité des symptômes initiaux qui compte ?

Commence-t-on à avoir des données sur les contours et l'importance de l'errance diagnostique ? A-t-on une évaluation de son coût pour la Sécurité sociale et la santé publique ? Dans certains territoires, la prise en charge commence à être mieux organisée et mieux structurée, mais quelle part de l'offre représente-t-elle ?

L'une des difficultés rencontrées pour faire reconnaître un Covid long en maladie professionnelle est d'obtenir la confirmation qu'on a bien contracté le Covid en milieu professionnel. Où en est-on dans la mise en place des critères ? Comment établit-on le lien avec la profession puisqu'il n'y avait pas systématiquement de tests de dépistage au début de la pandémie ? Combien de demandes sont actuellement en instance devant la Commission des accidents du travail / maladies professionnelles - je souligne qu'elles concernent tous ces cas un peu atypiques pour lesquels la preuve du lien avec le milieu professionnel n'a pas encore été apportée ?

A-t-on une idée du nombre de consultations des sites Internet et des foires aux questions des canaux officiels ? Voit-on augmenter fortement le nombre de questions, de consultations, ce qui pourrait être un révélateur indirect d'une augmentation de l'incidence des Covid longs dans notre pays ?

Il a été précisé que réduire l'intensité des symptômes pendant la phase aiguë est la meilleure prise en charge possible, à l'hôpital et en réanimation. A-t-on également privilégié cette piste au regard d'un « amoindrissement » du risque de Covid long ? Je mets des guillemets parce qu'on n'a pas encore de certitudes en matière d'apparition de Covid long, qui représente un coût important pour la santé publique.

Je termine en évoquant les cellules post-Covid et les ARS : a-t-on mis en place une stratégie territoriale ? On voit bien que ce n'est pas encore structuré partout, qu'il y a encore des endroits où il n'y a pas de centres. Or, pendant la première vague, notamment, nous avons pu observer des contrastes régionaux importants en matière d'incidence : certaines régions ont été fortement touchées par l'épidémie, avec des formes très graves, un engorgement hospitalier et en réanimation très important. A-t-on privilégié le développement de filières de soins et de prise en charge post-Covid dans ces régions-ci ? En effet, il y a de fortes chances que là où l'épidémie de Covid a été importante, il y ait eu ensuite une épidémie de Covid long plus importante. Une stratégie a-t-elle été établie ?

Dr Jérôme Larché. - Je vais répondre, sinon à toutes vos questions, du moins à quelques-unes d'entre elles. La question du diagnostic, notamment biologique, avec les tests PCR me semble extrêmement pertinente. Lors de la première vague, seuls les patients hospitalisés ont eu un test PCR. Mais ces cas les plus graves n'étaient pas majoritaires. J'ai vu beaucoup de personnes ayant eu des symptômes en février ou mars 2020, et la plupart n'ont pas eu de test PCR. Les sérologies sont extrêmement aléatoires. Cela n'a pas tellement été évoqué, mais on sait aujourd'hui qu'environ 30 % des personnes qui ont eu le Covid n'ont pas de sérologie positive, et que les mois passant, le taux sérologique des personnes positives diminue. La sérologie est donc un très mauvais test diagnostic rétrospectif et il est très difficile d'identifier la pathologie Covid chez une personne présentant des symptômes du Covid long lorsqu'il n'y a pas eu de diagnostic Covid posé initialement. Bien sûr, c'est plus simple quand il y a une anosmie, mais tous les patients ne sont pas anosmiques. Il y a une véritable zone grise où il est compliqué d'identifier la pathologie, ce qui pose des difficultés en termes de reconnaissance assurantielle et de reconnaissance professionnelle.

En tant que médecin, mon rôle est d'écouter les patients et de ne pas mettre a priori leur parole en doute. Des milliers de patients sont très probablement dans cette situation-là. Éclaircir ceci est un véritable enjeu de santé publique et de politique sanitaire.

La question de l'errance diagnostique va de pair avec celle de l'accès aux soins et des possibles déterminants sociaux qui restent à identifier complètement, me semble-t-il. On sait très bien que, dans d'autres pathologies, les revenus financiers des patients ou leur répartition géographique sont des déterminants importants conditionnant la prise en charge et l'accès aux soins. Malheureusement, les personnes qui sont dans une situation financière ou sociale difficile sont souvent diagnostiquées avec retard et développent des formes plus graves, pour des pathologies comme le diabète, l'asthme ou le cancer. Je ne vois pas pourquoi les choses seraient différentes pour le Covid long ou pour le Covid et ces mêmes déterminants seront mis en évidence lorsqu'on aura un peu plus d'informations. Mon expérience est parcellaire et personnelle, je l'admets avec beaucoup d'humilité, mais je n'ai pas vu beaucoup de patients qui n'aient pas erré moins de trois mois. J'ai vu aussi des personnes qui, pendant trois, six voire neuf mois, n'ont pas eu accès à une prise en charge adéquate. Pour revenir au diagnostic, lorsque je reçois un patient, je ne lui dis pas d'emblée qu'il a un Covid long. Je le reçois comme n'importe quel patient à qui je dois établir un diagnostic sur une pathologie qui n'est pas encore déterminée. Mais ces personnes-là sont vraiment dans des situations compliquées, et il y a encore beaucoup de travail à faire.

Dr Amélie Tugaye. - Lorsque l'on prend en charge des patients en consultation, il va de soi que la question n'est pas tant de savoir quel diagnostic poser, mais quel est le ressenti du patient, et le retentissement sur son existence. Or la reconnaissance en maladie professionnelle suppose d'avoir un diagnostic. C'est indispensable. Lorsqu'on ne dispose pas d'un PCR, on peut utiliser un scanner ou des éléments sérologiques, mais la simple présomption ne suffit pas. Il faut par ailleurs que soit établi un lien avec le milieu professionnel.

Pour ce qui est du nombre de dossiers, nous avons depuis un an 117 cas qui sont étudiés spécifiquement au titre de symptômes persistants du Covid, et ces cas sont des femmes à 80 %.

Enfin, je regrette de ne pas avoir d'informations sur la fréquence de consultation des pages Covid long.

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