Intervention de Angèle Préville

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 16 décembre 2021 à 9h20
Audition publique sur le thème : « covid long quelle connaissance et quelle prise en charge ? » jean-françois eliaou et gérard leseul députés florence lassarade et sonia de la provôté sénatrices rapporteures

Photo de Angèle PrévilleAngèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office :

Je reviens sur la reconnaissance du Covid long comme maladie professionnelle, plus spécifiquement pour les soignants. Je suis très étonnée par le nombre qui a été mentionné à propos des possibilités de Covid long. Il y a donc certainement des soignants qui ont un Covid long qui les empêche de travailler. Pouvez-vous nous donner le nombre de demandes qui ont été déposées par eux et le nombre de dossiers qui ont abouti ?

Dr Amélie Tugaye. - Je n'ai pas de spécification aussi fine, je n'ai que des chiffres globaux. Je peux malgré tout vous dire que la commission nationale a étudié 626 dossiers au total. Parmi eux, 36 % correspondaient à des dossiers hors tableau, c'est-à-dire aux 117 symptômes persistants.

Il est dommage que la plupart des patients s'arrêtent à la question du tableau des maladies professionnelles et n'aient pas forcément conscience qu'il est possible d'obtenir une reconnaissance en maladie professionnelle par la procédure des comités. Il n'y a pas de demandes parce que les patients ne le savent pas.

Je vais maintenant vous transmettre une sélection de questions des internautes. « Infectée par la Covid depuis mars 2020 sur mon lieu de travail : perte de l'odorat ; vingt-deux mois en Covid long et toujours en arrêt de travail. La CPAM refuse donc l'Affection de longue durée (ALD) et la reconnaissance de la maladie professionnelle. Comment prouver que j'ai eu la Covid à mon travail, car pas encore de test PCR en mars 2020 ? »

Ensuite : « Bonjour. Covid long depuis mars 2020, je constate que malgré l'ampleur de ce problème de santé publique, la prise en charge est inégale selon la région dans laquelle on habite et je souhaite savoir à quel moment il y aura partout en France des centres de parcours de soins et de suivi adaptés. »

Une autre question : « Face aux difficultés d'accès aux différents spécialistes, sans compter les difficultés pour les patients de se rendre aux différents rendez-vous, pourquoi ne pas développer des call centers médicaux ? Un patient pourrait exposer tous ses symptômes à distance. »

De nombreuses autres questions ont été posées par les internautes. Nous allons les collationner et je propose qu'elles soient adressées aux intervenants qui veilleront à leur apporter des réponses non personnalisées. Je vous en remercie par avance.

Dr Amélie Tugaye. - La reconnaissance en ALD hors liste exige, au-delà du côté invalidant de la pathologie - c'est a priori le cas de cet internaute puisque son arrêt de travail est long - et de la durée de plus de six mois, une prise en charge complexe. Or une personne peut connaître un véritable épuisement sans nécessairement bénéficier d'une prise en charge, complexe ou pas ; pour cette raison, elle ne pourra pas prétendre à une ALD, qui est toujours conditionnée à ce critère de prise en charge complexe. Une circulaire en définit les contours.

Une reconnaissance en maladie professionnelle relève d'une situation « hors tableau », donc la demande sera préalablement examinée par des médecins conseils de l'assurance maladie qui en étudieront tous les éléments. S'il n'y a pas de test PCR, mais que l'argumentaire est suffisamment solide, le médecin conseil appréciera si la demande peut être présentée en comité régional. Si l'internaute qui a posé la question n'a pas encore fait sa demande, qu'il la fasse dans ce sens-là.

Dr Jérôme Larché. - Je souhaite apporter un complément de réponse. On observe aujourd'hui une vraie hétérogénéité dans le traitement des dossiers et dans les réponses apportées. Les caisses primaires ne jouent pas exactement le même jeu, et cela pose problème. Mes patients proviennent de toute l'Occitanie, voire d'autres régions de France, et il y a à l'évidence des endroits où ils sont écoutés, où les CPAM cherchent réellement des solutions, et d'autres endroits où le Covid long n'est pas un enjeu et ne suscite aucun intérêt.

Même si je sais qu'avec les incertitudes actuelles, il est complexe d'élaborer un cadre formel, la CNAM a un vrai rôle à jouer pour qu'il y ait de l'équité dans le traitement des dossiers. Aujourd'hui, ce n'est clairement pas le cas dans les réponses des CPAM aux patients. Cette question reviendra tant qu'on n'aura pas de cadre clair pour l'ensemble des patients.

Dr Amélie Tugaye. - C'est un problème dont la CNAM a conscience, et nous sommes en train de rédiger des instructions au réseau, tant pour les maladies professionnelles que pour le traitement des demandes d'ALD. Je signale malgré tout que le taux de refus n'est que de 5 %. Il n'y a donc pas de refus massifs. Certes, ce taux n'est peut-être pas totalement représentatif puisque notre requête portait sur des motifs clairement associés au Covid long. Certaines demandes faites sur d'autres motifs peuvent n'être pas intégrées dans ce taux. Il n'empêche que lorsqu'on est sur des intitulés Covid long, il n'y a pas beaucoup de refus. Je ne pourrais même pas parler d'hétérogénéité selon les régions, parce qu'on est sur des effectifs qui sont très faibles. Il est donc assez compliqué d'aller plus loin dans les analyses.

Dr Jérôme Larché. - Comme vous l'avez dit, si l'on se base uniquement sur les chiffres dont nous disposons, les taux de refus seront faibles. Mais la raison en est qu'aujourd'hui, l'accès des patients à une prise en charge pluridisciplinaire reste très compliqué. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas beaucoup de patients qui ont des besoins parce qu'il n'y a pas beaucoup de demandes. Le problème est que pour faire un diagnostic et monter un dossier suffisamment complet pour prétendre à une ALD, il faut que les patients aient pu suivre en amont un parcours de soins pluridisciplinaire, c'est-à-dire bénéficier d'un suivi et d'une prise en charge parfois complexes. Quand l'accès à un diagnostic de Covid long sera déverrouillé, vous verrez probablement un peu plus de dossiers. C'est là qu'il faudra veiller à avoir une homogénéité dans le traitement des dossiers.

Je sais que cette problématique nationale est compliquée. Le vrai problème tient à la difficulté de l'accès au diagnostic. Les files d'attente pour avoir un rendez-vous dépassent parfois six mois, ce qui est absolument intolérable.

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