Intervention de Carole Bienaimé Besse

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 27 mai 2022 : 1ère réunion
Audition de Mme Carole Bienaimé besse membre de l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique arcom

Carole Bienaimé Besse, membre de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) :

Merci Madame la Présidente. Je suis accompagnée d'Alexandra Mielle, chef du département « protection des publics », de Géraldine Van Hille, cheffe du département « Cohésion sociale », et de Lucile Petit, directrice de la nouvelle direction « plateformes » de l'Arcom. Nous sommes venues en force pour vous montrer la détermination de l'Autorité sur ces sujets.

Tout d'abord, concernant les droits des femmes, l'Arcom - et le CSA à l'époque - est engagée sur le respect par les médias d'une juste représentation de la société française et donc des femmes à l'antenne, en recensant leur nombre et en publiant un rapport annuel. La loi de 2014 nous a donné les moyens de réaliser ce recensement indispensable. Pour mesurer leur progression, les chaînes devaient pouvoir s'autoévaluer et comptabiliser le nombre de personnalités féminines à l'antenne.

Les missions de l'Autorité ne s'arrêtent pas là. Il ne s'agit pas uniquement de compter les femmes à l'antenne, mais aussi de s'assurer que les programmes audiovisuels ne diffusent pas de stéréotypes ou qu'ils n'encouragent pas les violences faites aux femmes. Cette mission est liée au sujet qui nous intéresse aujourd'hui.

En plus de la loi de 2014, citons celle de 2017, qui a donné compétence au CSA en matière de programmes publicitaires, considérant qu'ils pourraient eux aussi véhiculer des stéréotypes sexistes, sexuels et sexués.

Vous l'avez dit, la protection des mineurs est une mission historique du Conseil, et maintenant de l'Autorité. Cette notion est également très présente dans le cadre de la directive « Services de médias audiovisuels » (SMA). Au niveau européen et même international, les préoccupations sont les mêmes. S'il peut y avoir des divergences sur des sujets relatifs au soutien à la création, les problématiques sont les mêmes partout concernant la protection des mineurs. Comment s'assurer que ces derniers puissent continuer à être protégés sur les plateformes numériques comme ils le sont en regardant la télévision ?

À l'origine, notre mission visait à nous assurer, dans le cadre de la régulation, que les mineurs ne subissent pas trop de pression publicitaire, et que les programmes participent à leur épanouissement et à leur enrichissement culturel et intellectuel. Il s'agissait de faire en sorte qu'ils ne soient pas exposés à des images inappropriées : jeux d'argent, extrême violence et pornographie.

De ce point de vue, la signalétique développée par le Conseil est aujourd'hui connue. Les éditeurs se la sont appropriée. Grâce à leurs comités de visionnage en interne, ce sont eux qui décident d'apposer telle ou telle signalétique. Dès 2004, nous avons rédigé une recommandation leur demandant de ne diffuser des programmes pornographiques qu'entre minuit et cinq heures du matin, avec un verrouillage permanent au moyen d'un code personnel et d'une information régulière des abonnés à ce sujet. Auparavant, la signalétique empêchait les mineurs d'être exposés à ces programmes pornographiques ou d'une extrême violence en journée.

Ensuite, la délibération du 20 décembre 2011 s'appliquant aux services de médias audiovisuels à la demande, nous a permis d'étendre ce dispositif de verrouillage des programmes pornographiques à ces services. Nous nous adaptons sans cesse pour faire en sorte que le dispositif mis en place à l'origine soit cohérent avec les différents modes de diffusion. Ils ne sont plus uniquement sur les postes de télévision mais en mobilité sur les plateformes ou les tablettes. Le visionnage est désormais souvent solitaire. Les parents ne peuvent pas toujours s'assurer que leurs enfants visionnent un contenu approprié. Ceci est sans compter la multiplication des écrans au sein d'un même foyer. Souvent, chaque membre du foyer dispose de son propre appareil et les mineurs peuvent être exposés à des contenus inappropriés seuls dans leur chambre.

À l'Arcom, nous entendons toujours la régulation de deux manières : le droit, mais aussi l'incitation. C'est ce travail d'incitation, de droit souple, qui peut apporter une véritable évolution. Nous avons donc commencé à promouvoir les outils de contrôle parental, comme nous y incitaient les membres de notre comité d'experts du jeune public, composé et renforcé en 2017. Avec le changement des usages, il a semblé essentiel de nous appuyer sur des experts et des personnalités de la société civile, des chercheurs en neurosciences, des pédopsychiatres, qui nous accompagnent régulièrement.

En 2020, un protocole d'engagement pour la prévention de l'exposition des mineurs à la pornographie en ligne a été signé par les pouvoirs publics, les associations et des acteurs économiques du numérique. Il a été piloté conjointement par le CSA de l'époque, l'Arcom aujourd'hui, et par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP). Ce travail a été réalisé main dans la main et en bonne intelligence pour créer la plateforme Jeprotegemonenfant.gouv.fr. Ce site propose des conseils aux parents sur la vie affective des mineurs et rappelle les chiffres énoncés par la Présidente Billon. Effectivement, à 12 ans, bon nombre d'enfants ont déjà été exposés à des images pornographiques. Grâce à tous les opérateurs, y sont intégrés des tutoriels pour installer les outils de contrôle parental des différentes marques sur un ordinateur ou un smartphone. Cette profusion d'outils ne permet en effet pas aux parents de se les approprier rapidement, alors même qu'ils sont indispensables. Nous sommes conscients qu'ils ne suffisent pas et que la promotion et le dialogue sont aussi importants.

Dans le cadre de ce protocole d'engagement, nous avons par ailleurs conçu un baromètre permettant d'évaluer le taux d'utilisation de ces outils par les Français. Il est mis à jour de façon trimestrielle.

Enfin, le cadre juridique a été renforcé, et le code pénal a été modifié. Je peux notamment citer l'article 227-23. Depuis la loi du 30 juillet 2020, le Président de l'Arcom peut mettre en demeure les sites pornographiques et saisir le juge si besoin. Nous mettons ces compétences en oeuvre depuis la parution du décret à l'automne dernier. Nous avons été saisis par de nombreuses associations de protection de l'enfance. Les sites disposent de quinze jours pour se mettre en conformité. Nous avons procédé par ordre, en nous appuyant sur les saisines qui nous avaient été communiquées sur les sites suivants : Pornhub, Xhamster, Xvideos, Xnxx, Tukif, ainsi que Jacquie & Michel TV et Jacquie et Michel TV2. Nous avons fait des constats d'huissier pour nous assurer que ces dispositifs n'étaient pas en place. Certains sites ont considéré qu'ils avaient mis en oeuvre les outils adéquats, mais la loi précise bien qu'ils doivent être efficaces. Il nous revient de nous assurer qu'ils répondent à ce qui est demandé. Par ailleurs, dans le cadre de la loi, l'Arcom peut adopter des lignes directrices concernant la fiabilité des procédés techniques mis en oeuvre. Ce sont des normes incitatives sans force coercitive. Elles n'ont pas réellement d'impact sur l'exigence de conformité à la loi.

Comme dans le cadre de la lutte contre le piratage de contenus culturels ou sportifs, la notion de sites miroirs est à prendre en compte. La procédure de l'article 23 de la loi du 30 juillet 2020 peut être enclenchée lorsqu'un site est accessible à partir d'une autre adresse, et que son contenu pornographique demeure accessible sans procédé technique permettant de s'assurer que les utilisateurs sont majeurs. C'est très important. Lorsqu'un juge décide de la fermeture d'un site, il arrive en effet fréquemment qu'on le voie renaître sous une autre adresse, et ce en quelques heures.

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