Le paquet comprend treize révisions législatives et nouvelles initiatives interdépendantes ainsi qu'une stratégie sur la forêt.
Il comprend trois pièces maîtresses qui donnent le cadre général :
- la révision du système d'échange de quotas d'émission (SEQE) de l'UE, y compris son extension au transport maritime, la révision des règles relatives aux émissions de l'aviation et la mise en place d'un système distinct d'échange de quotas d'émission pour le transport routier et les bâtiments ;
- la révision du règlement sur la répartition de l'effort en ce qui concerne les objectifs de réduction des émissions des États membres dans les secteurs ne relevant pas du SEQE de l'UE, même si le paquet introduit des zones de recouvrement pour le transport et les bâtiments ;
- la révision du règlement relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l'utilisation des terres, du changement d'affectation des terres et de la foresterie (UTCATF).
Ces trois textes ont déjà été révisés en 2018 : il y a donc des antécédents de négociations. Deux textes totalement nouveaux apparaissent comme des « boucliers » destinés à protéger les ménages et les acteurs économiques européens du choc induit par ce paquet. Il s'agit du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et du fonds social pour le climat.
Les autres textes sont plus ciblés et apparaissent comme des déclinaisons sectorielles pour atteindre les objectifs assignés par les trois règlements posant le cadre. Je ne les cite pas pour ne pas être trop long.
La difficulté de ce paquet réside dans l'interconnexion des textes : si l'on modifie un curseur dans l'un, il faut procéder à des ajustements dans d'autres pour atteindre l'objectif global de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Cette interdépendance interne au paquet se double de ramifications externes. Un seul exemple : les ressources liées à l'extension du champ du système d'échange de quotas d'émissions et au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières font partie des nouvelles ressources propres proposées par la Commission. Si l'on remet en cause ces éléments, il faudra également en tenir compte sur le volet ressources propres et en tirer les conséquences sur le remboursement de la dette liée au plan de relance européen.
Cette interdépendance des textes et le caractère transversal du paquet rendent particulièrement complexe la conduite des négociations, qui ont pris un peu de retard au départ. L'objectif de la présidence française est de poursuivre les négociations pour parvenir à des orientations du Conseil en fin de semestre. Le Parlement européen, après avoir tâtonné dans son organisation interne, a également pour objectif d'adopter ses positions d'ici l'été. Les négociations ne s'achèveront donc pas sous présidence française mais risquent d'avancer durant la suspension de nos travaux parlementaires. Si les objectifs sont tenus, la phase de trilogues devrait débuter sous présidence tchèque du Conseil.
Je voudrais maintenant évoquer plus particulièrement quelques enjeux spécifiques à certains textes, en commençant par l'extension proposée du marché carbone.
La Commission européenne s'appuie notamment sur les bons résultats enregistrés par le système d'échanges de quotas d'émission de l'Union, qui aurait permis d'atteindre des résultats plus élevés que ceux prévus, sans toutefois être en capacité de répondre en l'état à la nouvelle ambition climatique de l'Union.
Le transport maritime serait inclus dans le champ du marché à compter de 2023, avec une restitution progressive des quotas gratuits d'ici 2026.
Surtout, le marché serait étendu aux secteurs du transport routier et du bâtiment à compter de 2026, avec une période de test de démarrage en 2025.
Ces deux secteurs, qui représentent un volume important d'émissions, relèvent jusqu'à présent exclusivement du règlement sur la répartition de l'effort. Compte tenu du grand nombre d'émetteurs, c'est la mise à disposition de combustibles destinés aux secteurs du bâtiment et du transport routier qui serait réglementée par le nouveau cadre.
La Commission européenne propose d'utiliser une partie des recettes générées par l'extension du mécanisme de marché de quotas aux secteurs du bâtiment et du transport routier pour alimenter un nouveau fonds social pour le climat qui serait doté de 72,2 milliards d'euros sur la période 2025-2032, allant donc au-delà de l'actuel cadre financier pluriannuel.
Cette proposition de réforme est loin d'être consensuelle. La France a très clairement exprimé des réserves, tout comme le président de la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie du Parlement européen, que nous avons auditionné. M. Pascal Canfin qui considère que la Commission a commis une « erreur majeure », va dans le même sens puisqu'il a proposé la semaine dernière que « le nouveau marché carbone ne concerne que les entreprises, à travers leurs bâtiments commerciaux, et les poids lourds ».
Il précise qu'il faudra alors « diminuer le fonds social en conséquence. À un moment où l'on se bat contre la hausse du prix de l'énergie, étendre le marché carbone au chauffage serait difficilement explicable. Le coût politique de l'extension du marché du carbone, comme le conçoit la Commission, serait majeur, mais l'impact climatique serait très faible parce que l'immense majorité des déplacements de particuliers sont contraints, notamment dans les territoires où il n'existe pas d'alternatives à la voiture individuelle ».
C'est donc un sujet important de débat, qui repose la question de l'accompagnement de la transition, notamment pour les États de l'Est : une réduction du fonds social est-elle acceptable et jusqu'à quel point ?
Une refonte du dispositif remet par ailleurs en cause le schéma proposé sur les ressources propres.