Absolument pas : le Président de la République a été très clair à ce sujet depuis le début de son quinquennat.
Au sein du plan de relance, nous avons fait du sur-mesure pour nos entreprises exportatrices. Le chèque relance export permet de couvrir une partie de leurs coûts de prospection et les chèques VIE aident les jeunes volontaires internationaux en entreprise. Bpifrance organise par ailleurs un renforcement de l'assurance prospection-accompagnement pour les TPE et PME. Les crédits du Fonds d'études et d'aide au secteur privé (Fasep) ont également été renforcés. Les mesures du plan de relance export ont été prolongées jusqu'au 30 juin 2022 et adaptées pour répondre aux demandes des entreprises : les coûts de formation des chefs d'entreprise et de leurs équipes et les coûts d'interprétariat et traduction pourront être pris en charge.
Les barrières à l'export liées à la pandémie se lèvent progressivement : c'est le moment de repartir de l'avant ! Pour donner aux entreprises françaises et européennes les meilleures chances de prospérer sur les marchés étrangers, la présidence française défend un principe clair : tout le monde doit jouer selon les mêmes règles. Le système commercial multilatéral doit donc être remis en état de marche ; la tâche est rude, mais nous nous sommes attelés à une revitalisation et une réforme de l'OMC. Nous veillerons à ce que l'Union européenne s'engage pleinement dans les négociations de la douzième conférence ministérielle de l'OMC. Je rencontrerai sa directrice générale, Dr Ngozi Okonjo-Iweala, à Paris ce vendredi.
L'agenda bilatéral de l'Union est également important pour nos entreprises ; l'accord économique et commercial global (CETA) avec le Canada ou encore l'accord avec le Japon sont très favorables à nos intérêts économiques.
Quant au projet d'accord avec le Mercosur, notre position n'a pas changé : il ne peut être signé en l'état, nous attendons que la Commission européenne nous indique quelles garanties elle demandera en matière de déforestation, de lutte contre le changement climatique et de normes sanitaires et phytosanitaires, et quels instruments autonomes européens elle compte mettre en place pour répondre à ces préoccupations ; je pense notamment à un instrument de lutte contre la déforestation importée, qui pourra concerner cette zone économique.
Les accords commerciaux profitent à nos exportations et ont permis d'amortir l'impact de la crise sanitaire sur nos échanges. Le CETA avait déjà permis avant la crise une augmentation importante de nos exportations, notamment dans le secteur agroalimentaire. Les exportations de biens ont moins baissé vers les pays ayant conclu un accord commercial avec l'Union européenne que vers les autres pays.
Promouvoir l'ouverture, c'est aussi renforcer nos relations économiques avec certains partenaires clés, notamment sur le continent africain. Nous avons l'ambition de refonder en profondeur la relation UE-Afrique. Nous soutenons l'intégration continentale africaine, au travers notamment d'une aide à la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Nous encourageons aussi la conclusion et l'approfondissement d'accords économiques régionaux ou bilatéraux pour favoriser le développement durable des pays africains et renforcer nos chaînes de valeur. Nous travaillons avec l'Agence française de développement (AFD) et les acteurs de la diplomatie économique française pour accompagner l'entrepreneuriat africain et former les jeunes entrepreneurs. Après la conférence du 10 janvier, ce sujet sera à l'ordre du jour de la réunion informelle des ministres du commerce de l'UE qui se tiendra les 13 et 14 février à Marseille, ville de commerce international tournée notamment vers l'Afrique. Ces discussions prépareront la tenue du sommet Union européenne-Union africaine qui se tiendra quelques jours plus tard.
Le second axe de travail prioritaire de la présidence française est la contribution de la politique commerciale à nos objectifs de développement durable. L'Union est pionnière en matière de lutte contre le changement climatique ; nous pouvons en être fiers. Nous avons décidé de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 1990 d'ici à 2030. Une telle ambition nécessite la mobilisation de toutes les politiques de l'Union. Nous travaillons déjà à une telle cohérence, notamment dans le cadre du plan d'action pour la mise en oeuvre du CETA.
Notre présidence est l'occasion de redoubler d'efforts au travers de trois textes législatifs en cours d'examen au Conseil qui doivent inciter nos partenaires à relever leurs ambitions en matière de développement durable et garantir que les efforts consentis par l'UE ne conduiront pas à une dégradation de la situation dans des régions moins-disantes.
Le premier de ces textes est la révision du système de préférences généralisées (SPG), qui permet à des pays en développement d'accéder de manière préférentielle au marché européen. La Commission a fait une proposition, nous travaillons à l'adoption d'un compromis au Conseil afin de renforcer certains de ces volets, notamment en conditionnant l'accès à ces préférences à des actions de protection de l'environnement.
Le second texte porte sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), qui permettra de réduire les « fuites » de carbone et d'assurer l'efficacité environnementale du système européen d'échange de quotas d'émission. Annoncé le 14 juillet dernier, ce mécanisme est conçu pour être conforme aux règles de l'OMC et cohérent avec l'accord de Paris. Plusieurs points demeurent sensibles dans les discussions actuelles au Conseil : l'accompagnement des exportateurs, les filières aval et les produits qui, sans être directement ciblés par le MACF, contiennent des produits qui le sont ; sur ce dernier aspect, il ne faudrait pas qu'un contournement du dispositif soit possible. Nous souhaitons aboutir à une position commune sous la présidence française.
Le dernier texte auquel nous travaillons est le projet de règlement européen sur la déforestation. Un texte a été proposé par la Commission en novembre dernier ; nous voulons aboutir à une orientation générale du Conseil. Ce texte vise à interdire la mise sur le marché européen de matières premières sensibles ayant contribué à la déforestation ou à la dégradation des forêts, ou issues d'une extraction illégale. Café, cacao, huile de palme et bois seraient les principaux produits concernés. Nous attendons d'ici à la mi-février une proposition de la Commission sur le devoir de vigilance des entreprises. La France est pionnière en la matière, grâce à la loi Potier du 20 mars 2017. Nous souhaitons que soient présentées au plus vite, dans ce texte ou par un dispositif juridique ad hoc, des dispositions visant à empêcher les produits issus du travail forcé d'entrer sur le marché intérieur. Nous soutenons aussi le principe de clauses miroirs insérées dans les réglementations agricoles, sanitaires ou environnementales européennes permettant d'appliquer lorsque c'est pertinent aux produits importés certains standards européens, de manière compatible avec les règles de l'OMC. Nous attendons le rapport de la Commission sur ce sujet, ainsi qu'un acte délégué sur l'utilisation d'antibiotiques comme facteurs de croissance.
Au-delà des initiatives législatives, nous soutiendrons une révision de l'approche européenne sur le contenu des chapitres sur le commerce et le développement durable des futurs accords commerciaux de l'Union, en cohérence avec nos préoccupations environnementales, sociales et relatives aux droits humains. Il faut que ces dispositions soient crédibles et prennent en considération la pratique et les outils développés par nos principaux partenaires, y compris en matière de sanction des engagements.
Le troisième axe de notre stratégie est la mise en oeuvre d'une politique commerciale plus affirmée et moins naïve. Nous souhaitons bâtir une politique plus ferme qui contribue à notre souveraineté et accroître la capacité de l'Union européenne à défendre ses intérêts et ceux de ses entreprises contre les pratiques déloyales et abusives, au travers de trois instruments.
Nous travaillerons d'abord à la finalisation de l'instrument de réciprocité dans les marchés publics, actuellement en discussion en trilogue ; ce levier doit encourager l'ouverture des marchés publics dans les pays qui les ferment aujourd'hui à nos entreprises en permettant le blocage des produits issus de tels pays.
Nous entamons aussi au Conseil des discussions sur l'instrument anti-coercition, sur la base de l'excellente proposition de la Commission en décembre dernier. Ce nouvel outil, compatible avec nos engagements internationaux, doit dissuader les pays tiers d'adopter des pratiques coercitives, y compris des sanctions extraterritoriales, par la menace crédible d'une réponse proportionnée. Les entreprises européennes, en première ligne, seraient ainsi mieux protégées. Nous voulons un outil dont le spectre soit le plus large possible et qui soit suffisamment dissuasif pour les pays tiers.
Nous poursuivrons enfin les discussions entamées en vue de l'adoption d'un instrument permettant de mieux lutter contre les distorsions générées par les subventions étrangères sur le marché intérieur, afin que les entreprises européennes jouent à armes égales avec leurs concurrents étrangers. L'actuelle politique européenne de la concurrence ne permet pas d'encadrer pleinement les effets de ces soutiens étrangers, notamment en matière de marchés publics et de fusions-acquisitions.
En parallèle de ces travaux législatifs, nous souhaitons que la Commission poursuive les efforts qu'elle déploie sous l'égide du responsable européen du respect des règles du commerce, véritable procureur commercial européen auquel il incombe d'assurer la pleine mobilisation des outils commerciaux existants, en particulier nos instruments de défense commerciale. Une boîte à outils beaucoup plus ambitieuse ne suffit pas : il faut ensuite s'assurer que ces outils sont utilisés. Il doit aussi lever les barrières injustifiées auxquels nos exportateurs sont confrontés sur les marchés tiers et faire en sorte que les accords commerciaux soient pleinement respectés.
Je suis conscient que les attentes n'ont jamais été aussi fortes en matière d'évolution de la politique commerciale européenne. Il nous faut trouver un juste équilibre entre ouverture, défense des intérêts de l'Union et satisfaction de nos objectifs de développement durable pour que le commerce international de l'Union soit conforme à la fois aux valeurs européennes et à nos intérêts. Nous saisirons pleinement l'occasion offerte par la présidence française du Conseil pour y parvenir.