Intervention de Bruno Studer

Commission mixte paritaire — Réunion du 17 février 2022 à 10h30
Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet

Bruno Studer, rapporteur pour l'Assemblée nationale :

Je vous remercie de nous accueillir au sein de votre assemblée, surtout dans cette configuration originale. La commission des affaires culturelles de l'Assemblée a eu, jusqu'alors, peu d'échanges avec la commission des affaires économiques du Sénat. Et pourtant, nous traitons souvent, désormais, de sujets communs, notamment dans le domaine numérique, certes avec un angle différent, mais c'est précisément de cette différence que naît, je crois, la richesse de nos débats.

Ce sont ainsi nos différences d'approche qui ont permis d'enrichir le texte que j'ai déposé à l'automne dernier. Je tiens à remercier la rapporteure du Sénat, Mme Sylviane Noël, avec qui j'ai eu, au cours des dernières semaines, des échanges très constructifs. Si constructifs d'ailleurs que je crois que nous sommes à même de vous proposer aujourd'hui un texte commun.

Je ne reviendrai pas ici sur les apports du Sénat - ils sont nombreux, en ce qui concerne tant la protection des données personnelles des mineurs, dont nous avions esquissé le régime à l'Assemblée nationale, que la responsabilisation des fournisseurs de systèmes d'exploitation, qui, il est vrai, était absente du texte.

Je souhaiterais toutefois préciser l'intention du législateur sur la rédaction qui vous est aujourd'hui proposée.

J'évoquerai, tout d'abord, la responsabilité des fournisseurs de système d'exploitation : cette avancée, permise par le Sénat, a été retravaillée en commun afin de clarifier le partage des responsabilités entre le fabricant et le fournisseur du système d'exploitation, pour correspondre à la réalité des pratiques industrielles actuelles et futures.

Ainsi, lorsque le fabricant est aussi le fournisseur du système d'exploitation, il lui appartient d'intégrer un dispositif de contrôle parental à ses équipements terminaux. En revanche, lorsqu'il sous-traite entièrement cette tâche à un tiers, alors il semble logique que ce tiers soit responsable de l'intégration d'un tel dispositif. Il certifiera alors au fabricant que son système d'exploitation est conforme à la loi, à charge pour le fabricant de communiquer ce certificat aux autres acteurs de la chaîne économique.

J'en viens, ensuite, à la désinstallation du dispositif : certains ont pu se méprendre sur le sens à donner à la phrase complétée par le Sénat. Le fait de mentionner cette désinstallation, si elle rassure les férus d'informatique, ne conduit pas à la rendre obligatoire : le Digital Markets Act (DMA) le fera en temps voulu s'agissant de ceux qu'il est convenu d'appeler les « contrôleurs d'accès ». Seulement, lorsque la désinstallation est rendue possible par le fournisseur de système d'exploitation - qu'il y soit tenu par un règlement européen ou qu'il le permette de lui-même -, elle doit être gratuite pour l'utilisateur. Tel est l'objet de cette précision.

Enfin, s'agissant de l'exposition des enfants aux écrans, notion introduite par le Sénat dans le champ du décret en Conseil d'État, je n'y étais pas, de prime abord, favorable - je m'étais d'ailleurs opposé à des amendements sur ce sujet à l'Assemblée nationale. En effet, la question de la protection des mineurs à l'égard des contenus préjudiciables et celle de l'exposition aux écrans sont, pour moi, de nature différente et ne se recoupent qu'imparfaitement. Si j'entends que les parents utilisent aujourd'hui le contrôle parental principalement pour les fonctionnalités relatives à la limitation du temps d'écran, il ne m'a pas paru souhaitable, sur le plan juridique, d'en faire l'une des caractéristiques des dispositifs que nous souhaitons rendre obligatoires, sauf à risquer une disproportion manifeste entre l'objectif d'intérêt général recherché et l'atteinte à certaines normes européennes.

Néanmoins, je note que ce n'est pas ce qu'a fait le Sénat : dans sa sagesse, il a souhaité que les fabricants contribuent à la diffusion de l'information disponible sur les risques liés à l'exposition précoce des enfants aux écrans. Cela me semble faire reposer une obligation somme toute modérée et très utile sur les fabricants, dès lors que cela ne se traduit pas par un marquage de l'ensemble de leurs appareils vendus en France qui ne serait pas conforme au droit de l'Union européenne.

Au final, c'est donc un texte équilibré que nous vous proposons, qui a tenu compte des contraintes des entreprises, notamment celles qui souhaiteraient acquérir du matériel informatique sans système d'exploitation, tout en renforçant de façon significative la protection des mineurs sur internet.

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