Intervention de Claire Quidet

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 20 janvier 2022 : 1ère réunion
Table ronde avec des associations féministes engagées dans la lutte contre la prostitution et la pornographie

Claire Quidet, présidente du Mouvement du Nid :

Le Mouvement du Nid intervient en prévention depuis vingt-cinq ans dans les collèges et les lycées autour des questions de prostitution, d'égalité filles-garçons, de respect, de stéréotypes de genre, de violences sexistes et sexuelles. La question de la pornographie est toujours abordée. À partir de cette expérience, je voudrais souligner quelques points concernant les incidences de la pornographie chez les jeunes.

Je serai très rapide pour respecter mon temps de parole. Ce raccourci mériterait d'être développé. Je tiens à votre disposition un document plus détaillé à ce propos. Je rappelle en préambule qu'au sens très complet de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé sexuelle correspond à la promotion d'un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social dans le domaine de la sexualité. Elle exige une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, sources de plaisir et sans risque, libre de toute coercition, discrimination ou violence. Il n'est pas nécessaire d'être spécialiste de la question de la pornographie pour constater que sa consommation ne va pas contribuer à forger une bonne santé sexuelle chez les jeunes. Vous l'avez souligné, l'accès à la pornographie se fait de plus en plus jeune. Il y a un décalage énorme dans la maturité sexuelle des enfants ayant accès à ces scènes.

J'évoquerai trois types de répercussions que nous constatons chez les jeunes, au travers de toutes les réflexions qu'ils nous rapportent lorsque nous intervenons en milieu scolaire.

Il y a d'une part les répercussions sociales. La vision de la sexualité se transforme. Elle n'est plus centrée sur la rencontre de l'autre, mais sur une performance individuelle qui se joue souvent contre son ou sa partenaire plutôt qu'avec lui ou elle. La prise en compte de l'autre, de son désir, de ses attentes, de ses limites, disparaît au profit d'une forme très scénarisée et autocentrée de l'acte sexuel. Nous constatons qu'un certain nombre de craintes s'expriment, notamment chez certains garçons lorsqu'ils doutent de leurs capacités ou de leur volonté à tenir ce rôle de performance ou de domination. Ils se demandent donc s'ils sont normaux, s'ils sont de vrais garçons.

S'y ajoute une confortation des stéréotypes, des identités de genre et des rôles sexuels. Il s'agit là d'une représentation d'un univers très hétéronormé où les hommes sont à l'initiative et où les femmes sont réceptives. L'hypersexualisation et l'objectification des filles et des femmes y est la norme.

Enfin, il y a des répercussions sur l'idée que se font les jeunes de la notion de consentement. La pornographie réactive à l'infini le vieil adage selon lequel un « non » n'est pas toujours à prendre en compte ou à respecter, et qui dirait que les rares limites exprimées par les personnages féminins ou féminisés ne sont pas respectées. La scénarisation du viol est d'ailleurs un argument commercial souvent mis en avant. Ce message peut très vite être intériorisé par les jeunes.

Il y a, bien sûr, des répercussions psychologiques chez les plus jeunes ou les plus fragiles. Ces répercussions se traduisent par des réminiscences sexuelles, des images qui reviennent en boucle et provoquent des cauchemars, des angoisses, des états de panique, des peurs d'être agressé, et une habituation à la violence psychologique et sexuelle. Des études de médecins démontrent tous ces impacts chez les jeunes.

Je peux également mentionner les répercussions médicales. Un certain nombre de médecins travaillent sur la question de l'accoutumance à la pornographie. Je vous invite à consulter les travaux du médecin psychiatre Serge Stoleru, qui décrypte très bien ce phénomène et ce besoin des jeunes voulant regarder de plus en plus de vidéos, de plus en plus violentes, pour retrouver l'effet ressenti lors de leur première exposition à la pornographie.

Devant de telles conséquences, qui mériteraient d'être davantage développées, il est urgent d'agir. Les quelques heures de prévention dont peuvent bénéficier certains jeunes de notre part ou de celle d'autres associations ne pèsent vraiment pas lourd face à la façon dont cette industrie s'est rendue si aisément accessible aux enfants et adolescents. Nous devons, je pense, aller beaucoup plus loin qu'une simple limitation d'accès.

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