Merci à vous toutes. Vous êtes engagées dans un combat politique extrêmement dur. Je sais qu'il est compliqué de regarder ces vidéos, qui affectent le sommeil. On ne sort pas intact de leur visionnage, comme les policiers de la brigade des mineurs ne sortent pas indemnes de ce qu'ils voient. C'est aussi un combat à contre-courant d'un certain esprit libertaire et libéraliste qui voudrait que l'accès aux images pornographiques soit quasiment un droit de la personne. Comment pouvons-nous affronter ce phénomène qui a pris une dimension totalement différente ces dernières années, en termes de volume, mais aussi de nature ?
Le rapport de notre délégation s'inscrit en soutien à ce que vous faites. Les élus que nous sommes ne peuvent pas détourner les yeux de ces sujets. Vous avez besoin de soutien, comme les juges et tous ceux qui affrontent ce problème.
Ceci étant dit, nous ferons des propositions. C'est vrai, la loi existe. Nous nous interrogerons pour savoir si elle est suffisante. L'énergie que demandent les actions en justice et les sanctions prévues par la loi aujourd'hui est trop grande et disproportionnée par rapport à ce que nous affrontons. La loi de 2016 sur la prostitution existe. Inutile de vous dire que nous avons ensemble constaté la faiblesse de son application. Nous avons peut-être d'autres options légales et juridiques. Je reste perplexe quant à notre capacité collective à mener les enquêtes et les instructions.
Je ne suis pas certaine que l'éducation, quelle qu'elle soit, puisse contrecarrer la puissance de l'image pornographique chez des adolescents qui seront bien plus attirés par ces contenus, tant qu'ils sont accessibles sur un simple téléphone, que par le discours d'une militante associative qui assurera une heure d'éducation affective et sexuelle, quand elle aura lieu. Nous ne faisons pas le poids. Les images sont à la portée des jeunes mais aussi des adultes. Les hommes se trouvent confortés dans une certaine image de la sexualité. Les femmes consultent ensuite des psychologues pour savoir s'il est normal que leur compagnon exige ce genre de pratiques. La pornographie constitue aussi un élément important de la culture du viol.
Merci pour ce que vous faites. Notre travail va normalement vous appuyer. Nous nous poserons toutes les questions, sans tabous. Je suis pour ma part assez peu sensible au discours sur les libertés individuelles des hommes qui regardent ces contenus.
À mon sens, la vraie question porte sur ce qui est du cinéma et sur ce qui n'en est pas. La pornographie, ce sont des snuff movies, dans lesquels les actes filmés ne sont pas simulés C'est ainsi que nous devons la qualifier.
Comment pouvons-nous essayer d'appliquer à l'industrie de la pornographie la jurisprudence « Morsang-sur-Orge » du 27 octobre 1995, un des arrêts les plus connus du Conseil d'État sur le respect de la dignité de la personne humaine comme composante de l'ordre public ? Notre société peut-elle accepter que soient accessibles en France ces images qui ne sont pas du cinéma, mais de la réalité ? Est-il normal d'accéder à des images dans lesquelles une pénétration n'est pas simulée mais effectuée ? Sur ces sujets, nous devons être radicaux pour obtenir la moitié de nos revendications.