Nos associations ont fait des signalements au procureur. Des enquêtes y ont fait suite. Lorsque des éléments sont sortis dans la presse, Osez le féminisme ! a été submergé par des appels de victimes qui souhaitaient témoigner. Nous en avons identifié 50, dont 36 se sont constituées partie civile. L'article du Monde reprend tous ces éléments. La mobilisation autour du procès sera essentielle. Au-delà de cette question et des pratiques des proxénètes - les femmes sont réellement piégées, manipulées et contraintes à des tournages auxquels elles ne voulaient pas prendre part -, des actions assez simples peuvent être mises en place. Elles ne sont pas très coûteuses.
Surtout, il faut bloquer un certain nombre de contenus. Aujourd'hui, en tant que particulier, il est possible de signaler des vidéos à la Plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos) du ministère de l'intérieur, pour apologie du terrorisme, ou pour terrorisme en lui-même, pour les bloquer.
Sur Pornhub, 2 462 vidéos ont encore pour mot clé « Torture ». Pourquoi sont-elles toujours en ligne ? Nous avons la possibilité, avec les fournisseurs d'accès à Internet (FAI), de les bloquer. Pourquoi acceptons-nous encore des vidéos dont le titre comprend le mot « inceste » ? Il n'est pas compliqué de les supprimer. Il suffit d'un peu de volonté. Nous allons envisager ces pistes. J'aimerais que nous nous unissions tous et toutes autour du CSA. Nous peinons à comprendre pourquoi la situation évolue si lentement. Il existe une loi sur la protection des mineurs. Elle n'est pas respectée. Le CSA a pour mandat de bloquer les sites refusant la mise en place d'un contrôle d'identité. L'âge des consommateurs est contrôlé pour les paris en ligne. Je ne vois pas pourquoi nous ne pouvons pas le faire pour le porno. La situation traîne. Les mises en demeure ont été lancées sur cinq sites, mais nous avions saisi le CSA pour 118 sites ne respectant pas la législation en vigueur. Il va falloir qu'il agisse et mette en place ces contrôles auprès des mineurs. Ensuite, nous avons aujourd'hui les moyens de bloquer les vidéos manifestement illégales, comme nous bloquons des scènes de torture qui seraient diffusées. Il n'est plus possible que les prolapsus, l'inceste, les fantasmes familiaux, les scènes de torture où les femmes hurlent, les scènes où des femmes enceintes de huit mois sont violées par huit hommes, restent en ligne. Nous avons les moyens de les supprimer rapidement. Notre association va explorer ces pistes.
J'aimerais également insister sur l'absence de moyens. Il s'agit d'un combat de David contre Goliath. Nos trois associations féministes sont composées de militantes bénévoles. Nous portons un procès gigantesque. Nous serons partie civile. En face de nous, les accusés ont embauché des batteries d'avocats. Les frères Pacaud ont recruté les meilleurs lobbyistes américains pour contrer l'interdiction du CSA. Ils ont fait appel à la compagnie Havas pour gérer leur campagne de communication et essayer de passer au travers des mailles du filet qui se resserre autour d'eux. Nous affrontons donc des adversaires dépensant des millions d'euros en lobbyistes, en avocats, en agences de communication. En face, la question des droits des femmes devrait être davantage financée pour que le combat soit moins inégal. Nos structures sont aujourd'hui en difficultés financières. Elles n'ont pas les moyens de mener les luttes que nous estimons légitimes.
Je suis ravie que le Sénat nous entende et nous écoute. Nous sommes aujourd'hui toute petites. Il va falloir de la volonté politique pour bloquer les vidéos illégales. J'espère que vous aurez toute votre place à jouer dans cette lutte.