Intervention de Céline Piques

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 20 janvier 2022 : 1ère réunion
Table ronde avec des associations féministes engagées dans la lutte contre la prostitution et la pornographie

Céline Piques, porte-parole de l'association Osez le féminisme ! :

Je vous invite à visionner l'interview pour Médiapart de Lorraine Questiaux, une des avocates du procès. Elle indique que ses clientes n'arrivent pas à obtenir le retrait des vidéos de leurs viols, qui seront jugées comme des preuves des viols commis. Les recours existent mais ne sont pas effectifs. Les plateformes ne contrôlent pas, ou peu, les vidéos uploadées. Même si un diffuseur, tel que Dorcel - dit « porno propre », ce qui n'est pas le cas puisque l'un de ses producteurs importants est aujourd'hui inculpé - retire une vidéo, rien n'empêche un quidam de l'extraire et de la ré-uploader. Même quand ces femmes obtiennent le retrait d'une plateforme, la vidéo réapparaît. Les contenus échappent à tout contrôle. Les plateformes ne répondent à aucune injonction de la loi. xVideos est par exemple basée en Tchéquie et a un important hub européen de vidéos pornographiques. Il existe des recours en théorie. Il est possible de demander à Google de déréférencer la vidéo, et de saisir la CNIL pour que celle-ci n'apparaisse pas dans les résultats de recherche. Un certain nombre de victimes ont tenté cette démarche, sans succès. Comme souvent en matière de droit des femmes, la théorie diffère de la pratique. Les méthodes de recours ne sont pas effectives. Imaginez le niveau de violence pour ces victimes piégées, manipulées, parfois droguées et violées, et dont la vidéo apparaît encore indéfiniment sur le net des années après. C'est d'une violence sans nom.

Vous évoquiez ensuite la puissance financière. 25 % de la bande passante sur Internet sont aujourd'hui consacrés à la pornographie. C'est un problème financier mais aussi écologique, puisque l'industrie consomme énormément. Les milliards d'euros suivent derrière. En termes de contrôle européen ou mondial, les plateformes de diffusion type Pornhub ou xVideos sont hors de tout contrôle. Mindgeek, la maison mère de Pornhub, est par exemple une société de droit canadien ayant placé son argent dans des paradis fiscaux, notamment en Europe, en particulier au Luxembourg.

Les frères Pacaud, qui sont français, ont installé leur entreprise en République tchèque. Nous ne savons pas vraiment où se trouve leur argent non plus. Oui, ce sont des systèmes mafieux et des zones de non-droit absolu, y compris en matière fiscale. Le problème dépasse largement le cadre français. Nous disposons de différents leviers. Au niveau français, nous pouvons stopper la diffusion de vidéos. Une coordination pourrait être pertinente au niveau européen, voire mondial. Nous sommes nous-mêmes engagées dans une coalition d'associations féministes mobilisées partout dans le monde autour de Gail Dines et de la lutte contre la pornographie. Des mouvements féministes dénoncent les conditions de production de ces vidéos aux États-Unis, au Canada, en Inde, en Thaïlande, au Mexique et autres. Simplement, nous affrontons des mastodontes ne respectant aucune loi et n'obéissant à aucune injonction législative. L'audition de MindGeek au Canada a par exemple été désespérante de non-réponses de la part de l'industrie, qui a refusé de communiquer ne serait-ce que son chiffre d'affaires. Ces acteurs refusent de collaborer. J'espère que le CSA conserve ce paramètre en tête lorsqu'il s'engage à leur imposer des contrôles d'âge.

Je ne suis pas une spécialiste du domaine, mais il me semble qu'une fiscalité sur les revenus illicites serait une piste à explorer dans le cadre du procès.

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