Mes chers collègues, nous avons décidé de travailler au premier semestre 2022 sur le thème de la pornographie. Nous nous pencherons à la fois sur le fonctionnement et les pratiques de cette industrie, les conditions de tournage, les représentations des femmes et des sexualités véhiculées, ainsi que sur l'accès, de plus en plus précoce, des mineurs aux contenus pornographiques, et ses conséquences en matière d'éducation à la sexualité.
La presse s'est récemment fait l'écho de graves dérives dans le milieu pornographique, avec des pratiques de plus en plus violentes et dégradantes et des mises en examen pour viols de plusieurs acteurs et producteurs. Ces articles et des témoignages d'associations féministes, entendues il y a deux semaines, nous ont confortés dans notre choix de cette thématique de travail. D'ailleurs, Laurence Rossignol a posé hier une question bienvenue sur ce sujet, lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement.
Il s'agit d'un véritable sujet de société. D'après les chiffres récents dont nous disposons, on dénombre chaque mois vingt millions de visiteurs uniques de sites pornographiques en France. Pornhub est le septième site le plus visité au monde. En outre, 80 % des mineurs ont déjà vu des contenus pornographiques, et à 12 ans, près d'un enfant sur trois a déjà été exposé à de telles images.
Quatre rapporteures ont été désignées pour mener ces travaux : Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen, Laurence Rossignol et moi-même.
Je précise que cette réunion fait l'objet d'un enregistrement vidéo accessible en ce moment même sur le site Internet du Sénat, puis en VOD.
Nous organisons ce matin une table ronde autour de sociologues, chercheurs et juristes, qui nous présenteront l'état des réflexions et des débats sur ce sujet dans leurs champs de recherche et d'expertise respectifs.
Je souhaite la bienvenue, dans cette salle ou à distance, à Béatrice Damian-Gaillard, docteure en sciences de l'information et de la communication, professeure à l'Université de Rennes 1, chercheuse à Arènes ; à Florian Vörös, docteur en sociologie, maître de conférences en science de l'information et de la communication à l'université de Lille, rattaché au laboratoire Geriico et à l'Institut de sciences sociales, auteur d'une thèse sur les usages sociaux de la pornographie en ligne ; à Sonny Perseil, docteur en science politique et chercheur au Cnam/Lirsa ; et à Julie Leonhard, docteure en droit privé et sciences criminelles, maître de conférences à l'université de Lorraine, auteure d'une thèse sur la pornographie pénalement réprimée.
Vous nous ferez part de l'état actuel de la recherche et des réflexions sur la production de contenus pornographiques, et de l'analyse que vous avez vous-mêmes développée sur ce sujet. Nous savons que vos angles d'approche sont différents. Nous, parlementaires, devons nous confronter à cette complexité et à cette diversité de points de vue.
Vous nous direz en particulier quelle est votre analyse des conditions actuelles d'exercice des actrices et des acteurs de films pornographiques, quels encadrements législatifs, réglementaires ou contractuels ont été mis en place, en France comme à l'étranger, quels effets ils ont pu avoir, et quelles réglementations ou prohibitions supplémentaires pourraient être envisagées ou non. Des voix s'élèvent aujourd'hui pour dénoncer la pornographie comme de la prostitution filmée. Je fais notamment référence à notre première table ronde au cours de laquelle nous avons entendu des associations féministes. Qu'en pensez-vous ?
Pourrez-vous aussi nous indiquer quelles sont les représentations des femmes et des sexualités qui sont véhiculées dans la - ou les ? - pornographie(s) actuelle(s), et quelles peuvent en être les conséquences pour les consommateurs ? Avez-vous réalisé ou connaissance d'études montrant une progression des vidéos violentes, dégradantes ou aux contenus illégaux, comme le dénoncent les associations féministes ?
À ce titre, la distinction entre la pornographie dite « professionnelle » et la pornographie « amateure » a-t-elle encore du sens aujourd'hui ? Et que penser des initiatives de pornographie éthique ou féministe, si tant est que ces termes aient du sens ? Je fais évidemment référence aux divergences que vous pourrez exprimer sur le sujet.