Intervention de Laurence Cohen

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 3 février 2022 : 1ère réunion
Table ronde de chercheurs et de juristes sur la production de contenus pornographiques

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen, co-rapporteure :

Merci pour vos propos introductifs qui nous éclairent dans notre mission. J'ai un certain nombre de questions liées à la différence entre vos propos et ceux des associations féministes intervenues devant la délégation il y a deux semaines. Vous en avez un peu parlé, mais elles nous ont quant à elles décrit un milieu de la pornographie et des films pornographiques d'une très grande violence, voire même d'esclavagisme, par rapport aux personnes y étant filmées. Je n'entrerai pas dans le détail, mais des procès sont en cours. Les associations ont tenu à nous dire que les personnes filmées n'étaient pas des acteurs et actrices, puisque les actes filmés étaient réels et non simulés. Vous-mêmes parlez pourtant d'acteurs et d'actrices. Nous avons besoin d'un éclaircissement de votre part sur le sujet.

Il a beaucoup été question de prostitution dans la pornographie. Je vois une contradiction. La France est un pays abolitionniste. Je suis moi-même une militante abolitionniste. De votre côté, et alors même qu'il s'agit d'actes sexuels tarifés, vous parlez de travail. Je ne considère pas que ce soit un travail. Si nous considérons que c'en est un, nous devons encadrer les conditions de travail, les améliorer. Dans ce cas, nous ne serions alors plus un pays abolitionniste. Je pointe ici les contradictions. Ce n'est absolument pas un jugement de valeur. Je cherche à comprendre, à avancer et à participer à un rapport pour émettre des recommandations qui vont aider. Dans ma tête, il n'y a aucune confusion morale. Je n'ai aucun jugement de la sorte. Il n'est pas question de puritanisme ou de pudibonderie, mais juste de respect des êtres humains, qu'il n'y a vraisemblablement pas dans la pornographie.

Je reste dans les contradictions qui me viennent à l'esprit. Nous avons auditionné une membre de l'Arcom, qui m'a laissé le sentiment d'une très grande impuissance d'intervention. Je n'ai toujours pas compris quel était le pouvoir de cette Autorité. Carole Bienaimé Besse paraissait totalement démunie, sans pouvoir d'intervention. J'y vois encore des contradictions par rapport à ce qui a été dit. Si le droit n'a pas pour mission de tout régenter, il s'agit tout de même d'un cadre pour rappeler la loi et pour protéger les individus. Pourtant, nous avons l'impression d'être confrontés à un flou, la pornographie n'étant pas définie. Dans le même temps, des images de crimes sont filmées. Un viol est un crime. La possibilité de visionnage par les mineurs est elle aussi réprimé par la loi. Je constate un manque dans les éléments que vous nous avez apportés, pas de votre fait, mais du fait de la législation, au niveau de notre possibilité en tant que législateur.

Ensuite, il nous a été rapporté que de plus en plus de femmes, mais aussi d'hommes, je suppose, sous sont soumission chimique au vu de la violence des actes qui leurs sont demandés dans le cadre de tournages pornographiques. Ce constat illustre encore plus les difficultés de ce milieu. Qu'en pensez-vous ?

Enfin, j'ai été frappée par le fait que les spectateurs de films pornographiques sont de plus en plus jeunes. Ce n'est pas sans incidence sur la construction de l'enfant, fille ou garçon. Le visionnage d'images extrêmement violentes leur donne une norme sur ce qu'il faut faire. À l'écran est déjà montrée la soumission de la femme, et donc la supériorité de l'homme. Ces contenus ne mènent-ils pas à une banalisation de ces rapports de domination et des conduites pré-prostitutionnelles, en faisant croire qu'il s'agit ici de la normalité ?

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