Intervention de Béatrice Damian-Gaillard

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 3 février 2022 : 1ère réunion
Table ronde de chercheurs et de juristes sur la production de contenus pornographiques

Béatrice Damian-Gaillard, professeure à l'Université Rennes 1, chercheuse à Arènes (laboratoire CNRS) :

Merci beaucoup pour vos deux interventions. J'ai appris beaucoup.

Vous dites que les associations féministes travaillent sur le terrain. En tant que chercheurs en sciences sociales, nous le faisons nous aussi. Mon terrain a duré trois ou quatre ans.

Les associations sont des entrepreneurs de cause. Elles cherchent à peser sur le débat public et le cadrage d'un problème public. En fonction du cadrage qu'elles imposent, elles vont faire remonter les paroles qui sont en adéquation avec leur vision. Les personnes se tournant vers des associations se dirigent vers celles qui sont en adéquation avec leur situation et leur cadrage. Les associations entendues il y a deux semaines étaient toutes abolitionnistes. Elles ne font donc remonter qu'un seul type de parole. Les personnes vivant la pornographie d'une manière non conforme à la parole de ces associations ne se tourneront pas vers celles-ci.

En tant que chercheurs, nous allons sur tous les terrains. J'ai par exemple évoqué les « Phoenix », ces acteurs économiques borderline sur de nombreux points. Dans ce cas, nous disposons du cadre juridique pour lutter contre ces infractions et ces violences. C'est beaucoup plus complexe pour d'autres acteurs. C'est marqué socialement. Il existe des travaux en sociologie sur les escort girls et les escort boys sortant de grandes universités américaines et qui, pour des raisons politiques ou sociales, vont davantage s'engager dans des activités prostitutionnelles. Certains le vivent très bien, sans misérabilisme ni violences.

Les chercheurs travaillent sur tous les terrains. Nous avons la chance de pouvoir enquêter et entrer partout.

Pour moi, les violences et infractions à la loi existent. Il me semble que les cadres juridiques sont là. Il faut une volonté politique de les appliquer, pour lutter contre ces violences.

Enfin, je reviendrai sur votre dernier point concernant les constructions de l'enfant, la socialisation et les images violentes. Des travaux en sociologie des médias, ne portant absolument pas sur la pornographie, ont montré dès les années 1940 ou 1950 que les contextes de réception jouent beaucoup sur l'appropriation des messages médiatiques et des usages, et donc sur la place parmi les pairs. L'éducation est très importante. L'enquête d'Arthur Vuattoux et Yaëlle Amsellem-Mainguy, évoquée plus tôt, montre que selon les appartenances sociales et la manière dont sera regardé un contenu, à partir de quelle interrogation il sera cherché, les publics ne le percevront pas du tout de la même manière. La possibilité d'en discuter ou non avec les parents ou avec un groupe de pairs est elle aussi importante dans la perception. Dans ce contexte, l'éducation aux médias est très importante. Son contexte est à étudier. Il ne faut pas uniquement aborder les actes et la biologie. Vous le savez, parler de sexualité à l'école est extrêmement compliqué. Des parents ou des enseignants peuvent faire preuve de résistance. Nous avons bien vu les récentes tentatives visant à évoquer les questions d'identité de genre, par exemple. Lorsque nous dispensons ces cours à nos étudiants, ils regrettent de ne pas avoir abordé ces questions plus tôt, dès le primaire ou le collège. Nous leur parlons de pornographie, de ses usages et de ses questionnements et de la question de la sexualité. Ils nous répondent tous qu'ils n'ont jamais été accompagnés sur ces questions et qu'ils ont toujours été traités comme des victimes. Ils ont pourtant beaucoup à dire.

Nous savons qu'il existe des résistances dans les institutions.

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